Visite médicale. [PV Alexia / Victor]

Avant que Victor ne réussisse à se calmer, la porte s'ouvre sur une jeune femme aux cheveux blancs. Il effectue un mouvement de recul inconscient, tous les muscles tendus, sont corps étant préparé à prendre la fuite si la situation le nécessite. Le Xelcius réussit cependant à se reprendre, et tente de sourire aimablement à cette inconnue, même si le résultat est plus crispé qu'autre chose.

Il profite du fait qu'elle le guide pour l'observer, plus précisément il se concentre sur le niveau des oreilles. Elle a les cheveux détachés, ce qui dissimule le détail le plus important aux yeux de Victor. Il sait après tout que les elfes des bois ont de très petites oreilles comparativement aux autres races d'elfes, ce qui fait que même le fait que celles de la demoiselle ne dépasse pas de sa coiffure n'est pas suffisant pour qu'il n'en ait plus peur. Malgré ça, il apprécie tout de même à sa juste valeur la beauté de cette inconnue. Cette petite robe bleue lui donne un air de pureté et de naïveté apaisant. Lorsque la demoiselle lui indique le sofa, notre jeune homme s'y assoit sans faire d'histoire, continuant par contre de tenter de percer le secret de ses oreilles. Il a bien évidemment compris qu'il s'agit de l'infirmière, vu que personne d'autre n'est présent dans la pièce.

— Est-ce que tu veux boire quelque chose ? J'ai aussi des biscuits si tu veux grignoter un peu.

Il ne réagit pas immédiatement, trop occupé à tenter de se calmer.

— Juste… De l'eau s'il vous plaît.

*Ne te laisse pas avoir Vic, même si c'est une elfe elle est l'infirmière, elle va pas te bouffer…*

Il ne demande pas de nourriture car, stressé comme il l'est, il sait qu'il ne pourra rien avaler. Elle s'assoit alors en face de lui et, d'un mouvement du doigt, fait apparaître une plume et un parchemin flottant.

— Bienvenue dans mon infirmerie, je suis Alexia. Je suis enchanté de te rencontrer, Victor. Ne t'inquiète pas, ce n'est qu'une visite de contrôle, tous les nouveaux élèves y ont droit. Pour commencer, j'aimerais que tu me parles un peu de toi, tu veux bien ?

Alexia, puisqu'ainsi était son nom, adresse un sourire à victor, ce qui le met un peu plus à l'aise, mais n'apaise pas pour autant ses craintes ni sa tension. Il le sait. Il sait que quel que soit son objectif il doit être bien vu par l'infirmière… C'est elle qui possède techniquement la plus grande influence dans l'académie après le directeur. Après tout, sans elle, il y aurait des morts.

Et pourtant il n'arrive pas à parler. Il n'ose pas, effrayé qu'il est de donner ne serait-ce qu'une faiblesse à celle qui pourrait être une elfe. Ses mains se crispent l'une sur l'autre, manifestation de sa lutte intérieure, puis il soupire, enfin prêt à se lancer.

— Enchanté, Madame. D'accord, mais… Pourrais-je vous poser une question avant ça?

Ce n'était qu'une question rhétorique, il n'attend même pas la réponse de l'infirmière avant de poser celle qui lui brule les lèvres depuis quelques minutes.

— Vous n'êtes pas une elfe, si?

Il attend patiemment la réponse, avant de pousser un soupir de soulagement. Son cœur se calme enfin, et ses épaules se délient. Il boit son verre d'eau avant de reprendre.

— Merci. Maintenant, que dire de moi… Je ne me rappelle pas avoir eu de maladie grave, juste un rhume de temps en temps. J'apprend le combat aux armes, essentiellement à l'épée, à part ça… Je ne vois pas bien ce qui pourrait avoir une influence sur ma santé.

Il vit la surprise s'afficher sur les traits de la jeune femme, et ne lui en voulait pas, une telle question ne pouvait que surprendre après tout. Cependant, à sa grande surprise, elle ne parut pas le juger à cause de ça. Au contraire, même, elle lui sourit en faisant preuve d'une douceur exceptionnelle et pousse un peu ses cheveux pour qu'il puisse voir ses oreilles parfaitement rondes. Elle prit même la peine de rester ainsi quelques secondes

— Je suis une métamorphe. Et tu peux me tutoyer, tu sais ? Tu n'es pas obligé d'être aussi protocolaire avec moi.

Cette phrase, couplée à l'action précédente, a rassuré le Xelcius à un point inimaginable pour quiconque n'a pas de phobie. Il put dès lors annoncer les informations dont elle pourrait avoir besoin. Durant ce temps, il faisait de son mieux pour ne pas se laisser aller à regarder de manière trop insistante son interlocutrice. Il en profita donc pour jeter des coups d'œil autour de lui, restant un moment à regarder la plume s'agiter au son de ses mots. Une fois sa description terminée, un léger silence s'installa, interrompu par le seul grattement de la plume sur le papier.

— C'est très bien Victor. Dis-moi. Pourquoi m'avoir posé cette étrange question ? Aurais-tu peur des elfes ?

Lorsqu'elle posa cette question, Victor baissa les yeux par réflexe.

*Forcément, qui ne s'interrogerai pas sur ça…*

Lorsqu'il lève la tête, il se fige quelques instants. Il ne fit pas attention au doux sourire qu'il avait remarqué auparavant. Cette fois, ce qui le fit se figer était un regard. Les yeux d'Alexia étaient fichés dans les siens, et le jeune homme avait l'impression d'en être prisonnier, il ne pouvait détourner les yeux. Avant qu'il ne puisse répondre, la voix douce se refit entendre.

— Ne t'inquiètes pas, rien de ce que tu me diras ne sortira d'ici. Et si tu es plus à l'aise, je puis lancer un sort qui nous empêchera de révéler ce qui se dit ici. Qu'en dis-tu ?

Il fut suffisamment surpris par cette dernière question qu'il put enfin se libérer de ce regard.

— Vous, tu en es certaine ? Tu ne dois pas rendre compte au directeur des raisons de ton verdict ? Si tu lance ce sort, tu ne pourras pas le faire, n'est-ce pas ?

Il se prend la tête dans les mains, le temps de réfléchir, puis se redresse avec un regard déterminé.

— Pas besoin du sort. Le fait que v.. tu l'ai proposé, me suffit amplement.

Cette décision avait de toute façon été prise en calculant les risques et les bénéfices à obtenir. En effet, si elle était infirmière de l'académie, c'est probablement qu'elle avait une bonne affinité avec l'énergie positive, ce qui laisse plus de marge pour lui faire confiance, même si ce n'était pas non plus un gage suffisant. Victor avait aussi pris en compte le fait qu'en laissant cette porte ouverte, il s'assurait la confiance de la métamorphe.

— Donc… J'ai…

Il déglutit, le Xelcius ne se doutait pas à quel point il pouvait être compliqué d'avouer une faiblesse. Il se morigéna intérieurement. Après tout, il était le seul de sa génération à pouvoir reprendre la direction de la famille, ce n'était pas un petit aveu qui allait lui mettre des bâtons dans les roues!

— Oui, enfin non. Je n'ai pas juste peur des elfes. J'en suis terrifié.

Cette fois-ci, c'était lui qui avait planté son regard dans celui d'Alexia.

— La simple idée de voir un elfe, quel qu'il soit, me fait perdre mes moyens. Si j'en vois réellement un, je suis dans un état encore pire que tout à l'heure…

Il laisse un moment passer, hésitant tout de même à annoncer la suite. Même s'il avait décidé de jouer cartes sur table, annoncer ça de but en blanc ne semblait pas la meilleure idée. Il se rappela ensuite que la confiance est fragile et que s'il se trouve dans l'exception à laquelle il pense, aux côtés de l'infirmière, celle-ci se mettrait à douter de ses propos.

— Sauf. Sauf s'il sont esclave. Je ne sais pas pourquoi, mais je me suis déjà retrouvé en présence d'un esclave elfe et je n'en avais pas peur.

Il laissa passer un moment laissant le temps à l'infirmière d'intégrer ses propos.

L’infirmière sourit à nouveau, elle renvoyait vraiment une impression de pureté, de sainte.

— Non. Monsieur le directeur me fait suffisamment confiance pour garder pour moi certaines informations. Donc rien de ce que tu me diras ne sortira de cette pièce. Tu as ma parole.

Elle avait annoncé ça juste avant que le jeune homme ne décide de ne pas utiliser le sort, mais cela le détendit en plus de manière considérable. Il s’est donc autorisé à dire la vérité. cependant, il n’était pas aveugle, ni stupide. Il savait que l'esclavage était assez mal vu par certaines personnes, en majorité les lumineux, malgré le fait qu'il s'agisse d'une chose naturelle dans son esprit. Ainsi, alors qu'il s'était décidé à parler de l'esclavage, il regardait attentivement l'infirmière et, par conséquent, son changement d'expression ne put lui échapper. Il remarqua le léger mouvement de la gorge de son interlocutrice, la transformation du sourire, si doux, en une expression figée, plus professionnelle que ressentie. À ce moment là, le Xelcius était certain de l'avoir choqué.

— Je comprends... Tu sais, à l'académie personne ne peut te faire de mal. Il y a des elfes, mais aucun ne pourra s'en prendre à toi. Chaque élève possède un bouclier qui empêche les attaques extérieures. Tu n'as donc rien à craindre. Et il existe beaucoup d'elfes foncièrement bons, tu sais? D'ailleurs, tu sais d'où te vient cette peur. Tu as sans doute une raison de les craindre autant.

Il se figea, surpris. Il s'attendait, certes, à ce qu'elle reste professionnelle, mais de là à ce qu’elle tente de le comprendre… Il en resta un instant sans voix. Pour lui, la grande majorité des lumineux étaient des fanatiques complètement fermés et bornés par rapport à tout ce qui s’éloigne un tant soi peu de leurs croyances.

— Je… Je vais essayer d’y penser. Merci de m’avoir indiqué ça…

Il savait cependant que cela n’allait pas le rassurer. Il ne lui avait après tout pas dit toute la vérité à propos de l’esclave. Ce n’est qu’après avoir passé plusieurs semaines à ses côtés, et avoir vu qu’il ne pouvait pas se défendre même après s’être fait battre. Étrangement, Victor était certain qu’il ne pourrait pas faire ça ici.

Il se concentra ensuite sur la seconde question, les raisons de sa peur. Il fronca alors légèrement les sourcils, repoussa une mèche de cheveux qui lui était tombé devant les yeux, puis soupira et releva à nouveau la tête.

— L’origine de ma peur… Je ne vois pas vraiment… La seule chose qui me vient en tête… Ce sont les histoires que me racontaient ma mère quand j’étais enfant… A part ça, je ne vois pas.

Le fait de mettre des mots dessus, s’ils n’ont pas permis d’aider à combattre cette peur irraisonnée, permirent tout de même au jeune Xelcius de se comprendre lui-même, ce qui lui donna une impression de plénitude qu’il n’avait jusqu’alors jamais ressenti.

T ant que Victor parlait, la plume griffonait et l’infirmière écoutait. C’est instant infime et infini a la fois n’était marqué que par une voix. Une voix grave et faible, la voix libératrice de ce que ressent le jeune homme. Lorsqu’il eut terminé, il l’entendit soupirer et serra les dents. Il venait de se mettre à nu et cette femme se permettait de soupirer. Il n’arrivait cependant pas à lui en vouloir. Elle l’avait écouté jusqu’au bout, malgré les réticences qu’elle semblait avoir sur la vision du monde du Xelcius.

— Les légendes ne sont souvent que des légendes Victor. Si tu veux, je puis te présenter un elfe que je connais et qui est la gentillesse incarnée. Peut-être que ça pourrait t'aider?

L’épéiste en herbe déglutit à la simple mention de rencontrer une elfe, libre, volontairement. Il regarda inconsciemment autour de lui comme pour vérifier si cette dernière ne venait pas d’apparaître comme par enchantement dans la pièce.

Ne voyant personne d’autre, il se calma imperceptiblement et remarqua qu’Alexia s’était levée, gardant comme depuis le début de l’entretien (à une exception près) un sourire chaleureux. Elle lui faisait signe de le suivre, ce qu’il fit alors sans poser plus de questions. Ils allèrent vers un coin de l’infirmerie et Victor se demandait si elle n’allait pas joindre directement les actes à la parole et lui présenter ladite elfe. Il s’apprêtait à parler, à dire qu’il ne voulait pas, qu’il ne pensait pas être prêt à affronter ses peurs aussi frontalement, lorsqu’elle lui indiqua un lit vide.

Il se dépêcha de s’y allonger afin de masquer sa gêne, puis écouta calmement les explications qu’elle lui donnait sur la suite des évènements. Il s’agissait donc d’un simple examen de routine pour vérifier s’il n’y avait pas quelques symptômes qu’il n’avait pas remarqué. Il ferma les yeux pour se détendre lors de l’examen et vit cependant à travers ses paupières une douce lumière. Elle s’éteint vite, cependant, et Victor ouvrit les yeux pour savoir où elle en était. Il la vit alors sourire.

—C’est terminé. Avais-tu des questions avant de me quitter Victor ?

Il réfléchit un instant. Des questions… Il ne voulait pas se l’avouer mais il trouvait la présence de l’infirmière apaisante.

—Je… Je suis désolé, mais je ne me sens pas prêt à… A rencontrer votre amie… L… L’elfe. Mais…

Il prit une profonde inspiration, suivie d’une expiration du même acabit afin de se calmer. Il était certes en face d’une infirmière, donc montrer des faiblesses n’était ici pas dérangeant, mais il y avait des limites tout de même !

—Pourrais-je revenir vous voir, lorsque je me sentirais prêt s’il vous plaît ?

Il attendait, anxieux, la réponse de la métamorphe.

Victor n’attendit pas longtemps avant de voir la jeune femme lui sourire. Il ne sut pourquoi, mais il se sentait rasséréné par cette simple marque de politesse.

—Ma porte te sera toujours ouverte, Victor. Tu peux revenir quand tu veux.

Il lui semblait étrange de quitter cette visite là-dessus. Mais il ne savait quoi dire. Soudaint, la main sur la poignée, le Xelcius trouva enfin ses mots.

—A bientôt alors, Alexia.
Il sourit, serein, et passa alors cette porte dans un état complètement différent de la première fois où il l’avait passé. Il traversa les différentes allées, se demandant ce qu’il pourrait bien faire du reste de sa journée. Il se décida alors de commencer par finir de s’installer correctement. C’est ainsi qu’il fit connaissance, en fin de journée, avec la plupart de ses camarades. Chacun s’occupant de ses affaires, ils parlèrent donc peu. Victor, posant son épée brisée sur sa table de nuit, regarda satisfait l’organisation de son espace de travail et de vie.

*C’est à partir de maintenant que tout se joues, mon vieux.*