[Flashback] Cas de conscience (PV Luthien) (TERMINÉ)

- Comment est ce arrivé ?

Le mâle Drow baissa la tête face à la femelle à la peau de jais assise dans son grand fauteuil carmin. Cette dernière faisait tourner un liquide ambré dans un verre bombé, munis d'un pied d'argent ciselé avec une extrême finesse. A mesure que la boisson glissait contre les parois transparente, des bulles se formaient, créant une fine couche blanchâtre à sa surface. La mâchoire serrée, l'elfe sombre avala une lampée d'alcool, pendant que son interlocuteur masculin défaisait les attaches de son armure de cuire aussi noire que sa peau, avant de se mettre à genoux. Son dos était marqué de plusieurs stries pâles, preuve d'un traitement assez peu délicat. A côté du modeste trône de velours, un serpent de cuir leva l'une de ses trois têtes en sifflant, avant de glisser vers les cuisses de sa maîtresse. Cette dernière se leva, attrapant la poignée du fouet vivant. Décrivant un arc de cercle autour de l'homme agenouillé, l'esclavagiste l'observait comme une prédatrice observe sa proie. Puis, d'un geste fluide du poignet, elle fit claquer son arme à trois lanières, créant trois nouveaux traits suintants dans le dos musclé du mâle. Le fouet-serpent garda ses gueules fermées, n'infligeant ainsi aucune morsure au Drow, lui épargnant son venin. L'homme ne broncha pas sous le choc, dénotant, sinon d'une habitude, au moins d'une maîtrise de soi suffisante. Enroulant l'arme sifflante, l'esclavagiste poussa un soupire.

- Tu as de la chance que j'estime suffisamment tes talents pour juger que la perte de deux esclaves marque davantage les compétences des ravisseurs plutôt que de te considérer comme incompétent...
- Merci, grande soeur, souffla froidement le mâle, la voix à peine voilée par la douleur. Dois-je traquer et éliminer les voleurs ?

Myada observa son petit frère à genoux devant elle, trop perdue dans ses pensées pour vraiment voir les perles écarlates qui s'écoulaient sur les reliefs musculeux de ce dos de jais. Elle s'approcha cependant, glissant un doigt sur l'échine masculine, récupérant une goutte de sang du bout de l'index, avant de la porter à ses lèvres. Savourant le goût métallique, la dame d'ébène eut un sourire amusé.

- Non, mon beau Malik'arr, j'ai une meilleure idée.
- Une idée ?
- Les lois hypocrites de cette belle ville ne nous permettent pas de punir nous même ceux qui nous ont causé du tort, alors autant nous servir des moyens conventionnels. Habille toi, tu vas être le témoin principal dans cette affaire...


Si les gens regardaient déjà le duo d'elfes à la peau de charbon d'un air suspiscieux dans les quartiers commerçants, ces œillades impolies se faisaient de plus en plus insistantes à mesure que l'esclavagiste s'approchait des zones les plus nobles de la ville. Myada hésitait toujours à sourire face à cette défiance des peuples ignares de la surface et s'en offusquer. Tous ces êtres étaient si sûrs de leur bon droit qu'ils se croyaient au dessus de ceux qui vivaient sous leurs pieds. Combien de ces faibles pourrait passer une nuit en Outre-Terre sans implorer ses dieux de lui venir en aide ? Les Drows n'imploraient pas leur déesse, ils l'honoraient, la craignaient mais jamais ils ne s'abaisseraient ni ne L'abaisseraient à implorer quelque chose d'aussi pitoyable que la pitié ou la clémence. De par son passé et de par son métier, l'esclavagiste savait que dans le bon cœur de tous ces gentilshommes et de toutes ces gentes dames se cachait un venin caustique, puissant, qui n’attendait qu'une fêlure de sa prison pour se déverser. La preuve la plus flagrante ? Tous ces regards méfiants... La présence d'elfes noirs suffisait à les mettre assez mal à l'aise pour qu'ils se laissent aller à l’intolérance la plus décomplexée, un défaut qu'ils auraient tôt fait de reprocher à ceux là même qu'ils dénigraient.

Peu importait. Aujourd'hui, Myada prendrait une petite revanche sur cette société trop mièvre pour accepter l'esclavage, mais trop hypocrite pour aller au bout de ses convictions. Passant les portes en compagnie de Malik'arr, un des rescapés de la maison Fu'Tha et serviteur dévoué de celle qu'il appelait sa grande soeur, l'esclavagiste dépassait les quelques protecteurs qui la dévisageaient avec le même regard de suspicion que la plupart des passants. Certains allaient même jusqu'à poser la main sur la garde de leurs armes, prêts à pourfendre ces créatures maléfiques au moindre mouvement suspect. Mais la donzelle à la peau de charbon n'en avait cure. Elle s'arrêta rapidement devant le soldat chargé de recueillir les dépositions des citoyens, attendant tapotant sur son comptoirs pour attirer son attention. L'esclavagiste se retint de sourire, en voyant le regard du bonhomme qui passa de méfiance à la crainte, puise à la lubricité, lorsque ses yeux louchèrent sans qu'il ne parvienne à l'empêcher vers le vertigineux décolleté de la belle. N'attendant pas qu'il l'invite à s'exprimer, la Drow lui coupa l'herbe sous le pied, prenant un malin plaisir à le mettre mal à l'aise :

- Bonjours, soldat, je viens pour déclarer un crime. Deux de mes esclaves ont été volés et plusieurs de mes outils de travail ont été endommagés. En tant que citoyenne, j'aimerais que le Protectorat me vienne en aide afin que je puisse retrouver ce qui m'appartiens et que ces criminels soient traînés en justice.

Myada affichait son plus beau sourire, les doigts croisés sur le comptoirs. A ses côté, le mâle restait calme et silencieux, bras croisé, regardant calmement tout autour de lui. Bien que cela pouvait passer pour de la curiosité venant de la part de quelqu'un qui ne devait certainement pas venir très souvent en ce lieu, quelqu'un de plus malin pouvait comprendre que l'homme analysant l'endroit afin de savoir quoi faire en cas de dérapage meurtrier...

Le gratte papier se racla la gorge pour tenter de reprendre un minimum contenance devant la sombre femme et son escorte qui se tenaient devant lui.

- Oui, bien sûr madame. J'aurais besoin pour commencer de quelques renseignements.


L'agent prit note sur son formulaire de diverses informations telles que nom, adresse, nature et lieu des faits, etc... Puis il fit savoir à l'elfe qu'on la recontacterais dans les plus brefs délais pour le traitement de son dossier... Cependant, il comprit rapidement que la drow n'avait pas l'intention d'attendre.

***




Lùthien leva la tête vers l'agent qui venait de débarquer dans son bureau après avoir brièvement frappé à la porte. Il n'avait pas l'air très à l'aise.
- Heu, pardon sergent, j'ai une plaignante qui insiste pour être reçue immédiatement.


- Quel est l'objet de la plainte ?

- Vol d'esclaves et dégradation de biens privés.


La protectrice hocha vaguement la tête, il la dérangeait pour ça ? Rattraper de pauvres esclaves en fuite n'était pas son activité favorite. Elle ne portait pas particulièrement les esclavagistes en haute estime. Il n'y avait rien de noble dans l'asservissement d'autrui, mais l'activité était tolérée dans la cité, et tant que la loi serait en vigueur, elle ne pouvait rien y changer. L'elfe consulta les dossiers en cours sur son bureau. Il n'y avait malheureusement rien d'assez important pour lui servir d'excuse. L'affaire de trafic d'objet magique interdit venait d'être enfin bouclée, la période était calme, pas de disparitions, pas de meurtres...

- Hum... bien, je prends l'affaire.

- Et, sergent... je dois vous dire que... heu... c'est une elfe noire. Ajouta le soldat à voix basse.

- Et alors ? Faite-là entrer. Répliqua Lùthien comme si cela n'avait pas d'importance pour elle. Le soldat se reprit et sortit chercher la plaignante.

L'elfe blanche soupira, en réalité cela ne la laissait pas indifférente, mais elle ne comptait pas laisser ses opinions personnelles entrer en jeu. Elle avait accepté d'être protectrice pour faire respecter la loi et faire vivre cette utopie qu'était Targatt. Un lieu ou tous les mages pouvaient vivre sans crainte des persécutions... et qui acceptait toutes les races... Lùthien était prête à tolérer ses sombres cousins tant qu'ils respectaient les règles de la cité. Après tout, la guerre contre les elfes noirs était terminée depuis un demi-siècle déjà...

 Elle s'arracha à ses pensées lorsque l'agent revint avec l'elfe noire et son compagnon. Elle parcourut rapidement le formulaire que son collègue lui remit et commença l'entretien.

- Bien madame... Fu'Tha... Pourriez-vous me décrire les faits en détails ?


Pendant que les elfes noirs parlaient, une plume magique notait inlassablement leurs paroles.

En entrant dans la bureau de la sergente du Protectorat, Myada jubilait intérieurement. Cela lui faisait déjà assez plaisir de savoir que sa plainte indisposait les soldats du Protectorat, mais voir que l'officier qui serait très certainement en charge de l'enquête était une elfe rajoutait une délicieuse dose d'ironie à l'ensemble. Aussi, le sourire que l'esclavagiste arborait en s'approchant du bureau de Luthien était parfaitement sincère : elle était on ne peut plus satisfaite de la situation et elle allait jusqu'à remercier mentalement les voleurs de lui avoir offert cette improbable revanche sur la bien-pensance niaise de la société convenable de la cité. Mais, depuis son petit nuage, la Drow n'oubliait pas la raison de sa venue. Aussi, quand la soldate lui demanda une description des faits, l'elfe d'ébène croisa les bras sous son opulente poitrine.

- Bien sûr, officier. J'avais laissé deux esclaves, une elfe et une humaine, à la garde de Malki'arr ici présent. Le Drow pencha courtoisement la tête, sans mot dire, ni trahir la moindre émotion, à l'évocation de son nom. Il devait leur apprendre à oublier leurs inhibitions, en les promenant dans la ville avec aussi peu de vêtements que la loi le permet. Bien sûr, il pourra vous raconter le détail bien mieux que moi.

Le mâle Drow se pencha rapidement, démontrant une nouvelle fois sa politesse et sa discrétion par la sobriété courtoise de ses geste. Les mains jointes dans le dos, le torse bombé, l'homme arborait une posture que Luthien elle même devait très certainement connaître : il se faisait plus grand, plus imposant, une déformation professionnelle commune à bien des combattants engagés pour garder et surveiller, dans le but évident de dissuader les potentiels fauteurs de troubles. Il prit la parole, parlant calmement, posément et très distinctement :

- Je tenais les esclaves en laisse et leur faisait faire le tour de la ville, en passant par les quartiers les plus peuplés, mais en évitant ceux où les nobles et les bourgeois se sentent le plus chez eux. Le but est d'éduquer les esclaves, pas d'indisposer les élites de la ville. Vers la fin du parcours, dans Tamarang, trois individus masqués, deux hommes et une femmes, m'ont attaqué. J'ai pu repousser leurs assauts sans être blessé, mais un complice a profité de la situation pour emporter les esclaves. Ils se sont ensuite dispersés et, malgré tous mes efforts, je ne suis pas parvenu à les retrouver. Tout ce que j'ai réussi à récupérer, ce sont les débris des rada'ans que les esclaves portaient.
- Malik'Arr est un guerrier Drow parfaitement entraîné, doué d'un talent magique incontestable. J'imagine que vous mesurez tout ce que cela implique, vis à vis du talent de ses agresseurs...

Par ces derniers propos, Myada ne visait pas à insulter ou indisposer son interlocutrice outre mesure, mais plutôt à mettre l'accent sur le talent qu'il fallait pour pouvoir semer un assassin dont le métier premier résidait dans la traque et l'élimination de proies. D'ailleurs, une petite pointe de fierté vibrait dans la voix de l'esclavagiste, lorsqu'elle vantait l'entraînement de son subordonné.

L'elfe noire semblait prendre un malin plaisir à plaider son cas obscène devant une Elvarion. Lùthien restait de marbre autant que possible, les mains croisées sur son bureau mais se crispa légèrement en entendant que l'une des esclaves était une elfe mais se ressaisit rapidement. Elle commença à analyser les explications possibles des événements.
 Elle chercha mentalement ce qui lui permettrait de se débarrasser rapidement de l'affaire. La plupart du temps ce genre de cas était une simple évasion et les esclavagistes profitaient juste du protectorat pour rattraper les pauvres bougres en fuite aux frais de la couronne. Le drow aurait pu mentir sur une évasion pour éviter la punition de sa maîtresse, mais le discret cercle de vérité activé depuis le début de l'entretien ne révélait malheureusement rien de tel. Ce n'était pas non plus une évasion fortuite à la faveur d'une attaque ayant un but autre, sinon les esclaves n'auraient pas été en mesure de retirer leur rada'an.
L'autre hypothèse était la plus probable était le vol par un concurrent, mais si c'était le cas il n'avait pas été très discret, et surtout il ne devait pas s'agir de n'importe qui... Lùthien jaugea le Drow. Ses sombres cousins ne lui évoquaient pas de bon souvenir, mais pour les avoir combattus, elle connaissait aussi leur habileté au combat. Elle devait donc admettre le raisonnement de Myada, les voleurs étaient doués. Elle se retint de soupirer en arrivant mentalement à la conclusion qu'elle allait devoir ouvrir une réelle enquête.



- Quand cela s'est-il passé exactement ?

- Pouvez-vous me décrire plus précisément vos attaquants ? Leurs vêtements, les types d'armes ou de magie utilisée, etc...

- Avez-vous des ennemis potentiels, des concurrents ou autre qui pourraient avoir un intérêt dans ce vol ?

- Ces esclaves avaient-ils quelque chose de spécial qui augmenterait leur... "valeur" ? Identifier leurs origines pourraient également aider à identifier des suspects.

- Je vais avoir besoin de ces Rada'an. Si vous avez des objets appartenant aux agresseurs, cela pourrait être utile également.

La Drow prenait un malin plaisir à analyser toutes les réactions de son interlocutrice. Cette attitude n'était ni constructive, ni pragmatique, mais la rivalité héréditaire entre les Elfes et leurs cousins ténébreux avait ce genre d'effet. Myada essayait tant bien que mal de ne livrer que les faits, sans trop insister sur les points pouvant être douloureux pour l'officier, mais l'exercice s'avérait difficile. Finalement, son interlocutrice posa les questions qui marquaient qu'elle prenait la situation au sérieux. Cette réaction provoqua des sentiments paradoxaux chez la donzelle à la peau de jais, s'attendant autant à une fin de non recevoir qu'au zèle des ces ridicules altruistes face à une personne en difficulté. Quoi qu'il en fut, l'esclavagiste se décala pour se mettre en retrait, laissant le mâle expliquer ce qu'il en était. Ce dernier, repérant le mouvement de sa maîtresse du coin de l'oeil, s'avança pour reprendre la parole. Sa posture était toujours parfaitement droite, son ton tout à fait maîtrisé.

- Cela s'est passé tôt dans la matinée, pendant l'installation du marché. Les promenades de désinhibition des esclaves se font toujours à un moment où des gens peuvent voir, mais pas quand ils sont trop nombreux, afin de ne pas troubler l'ordre publique. Il jeta un coup d’œil à l'esclavagiste, comme pour vérifier que son explication était correcte, avant de reporter son regard à Luthien pour poursuivre son récit : Tous étaient vêtus d'habits simples, bruns et ocres. C'était des tenues de roturiers, mais beaucoup trop propres pour qu'il s'agisse de leurs vêtements de tous les jours. Ils portaient des foulards autour de la tête, pour cacher les cheveux et le visage, mais j'ai pu voir que la femme avait les oreilles pointues et que les doigts d'un des hommes était verts. Je n'ai repéré aucun élément notable chez les autres. Il marqua un temps d'arrêt, croisant les bras en se frottant le menton entre le pouce et l'index, pensif. C'était seul mouvement ne semblant pas maîtrisé et, bien vite, il reprit sa posture neutre, les mains jointes dans le dos. Leurs magies étaient peu puissantes. La femme utilisant des magies élémentaires centrée sur l'eau, l'homme à la peau verte invoquait et révoquait des armes diverses pour se battre et le dernier homme a essayé, sans succès, d'envahir mon esprit. Le Drow marqua un temps d'arrêt, avant de reprendre. Le complice qui a kidnappé les esclaves n'a pas utilisé de magie ou, en tout cas, j'étais trop occupé avec mes trois assaillants pour m'en rendre compte.

Le mâle ponctua son petit exposé d'une légère courbette, avant de reculer de deux pas. Myada s'avança, pour reprendre la place centrale au sein de leur duo. Elle tira une large bourse de cuir de sa ceinture de soie pour en vider le contenu sur le bureau : les rada'an brisés. Ces colliers, d'ordinaires si solides étaient brisés en quatre morceaux chacun, la perle de sang sensée sertir l'avant ayant disparut pour les deux objets. Les cassure étaient nettes, comme si les colliers avaient été tranchés plutôt que brisés. Malgré leur état, ils conservaient des traces résiduelles d'énergie magique.

- Concernant les esclaves, ce sont deux femmes. L'une était humaine, originaire des plaines du Sud-Ouest. Elle est belle, athlétique et a une peau sombre. Ses capacités magiques sont encore brutes, mais elle a démontré quelques talents de télékinésie. L'autre est une elfe issue des pics enneigés plus au Nord. Sa peau est pâle et elle possède plusieurs tatouages tribaux qui ont une très vague ressemblance avec ceux qu'on trouve chez les nomades du Nord-Est. Elle a visiblement déjà un entraînement arcanique et a démontré, à ce jour, des talents de guérisseuse et une certaine maîtrise de la glace et du froid.

L'esclavagiste analysait toujours les réactions de son interlocutrice, au moindre propos du mâle. Ce qu'elle voyait était plutôt plaisant : elle réagissait aux détails énoncés par l'elfe noir, dénotant une réelle réflexion sur le problème en présence. Oubliant quelques instants leurs différences, l'opposition presque héréditaire qui tiraillait les deux femmes, Myada essayait de deviner le fil de sa pensée, moins pour y déceler une faille que par curiosité analytique. La protectrice tirait elle les mêmes conclusions que la vendeuse d'âmes asservies ? Car la Drow elle même avait sa petite idée sur la question... Elle éliminait la concurrence de l'équation : kidnapper des esclaves légaux pour les vendre illégalement était un risque trop grand pour un gain trop faible. L'esclavagiste s'enorgueillissait de fournir à sa clientèle des produits d'une qualité et d'une singularité suffisante pour ne pas craindre ceux qui s'adonnaient au même commerce. Une tentative de sabotage paraissait également peu probable, puisqu'il aurait été dès lors plus efficace de détruire les locaux plutôt que de rafler deux misérables esclaves. Non, les motivations des ravisseurs semblaient bien plus pures : la libération de pauvres victimes, la lutte contre l'injuste servitude.

Après avoir fait sa propre déposition, elle observa l'animal invoqué, notant sa couleur singulière et se demandent s'il avait des quelconques capacités mystiques qui lui permettait de flairer l'énergie magique. Quoi qu'il en fut, Lùthien congédia rapidement les plaignants, préférant sans doute se pencher sur cette affaire plutôt que de continuer à rester en présence de cousins maléfiques. L'elfe à peau de charbon s'en amusa plus qu'elle s'en offusqua. Elle hésita d'ailleurs à élever quelques protestation, à réclamer de participer à l'enquête, anticipant le refus évident par des accusations de racisme... Mais, aussi amusante que fusse cette idée, Myada estimait qu'un court moment d'amusement ne valait pas le retard lancé sur l'enquête. Elle estimait que, toute pâlotte fut elle, la protectrice Elfe prenait sa mission avec sérieux, alors autant la laisser travailler.

Cependant, elle tira une carte de tarot d'un des pans de son vêtement, le tendant à Lùthien. Sur son recto, on pouvait y voir la figure de l'Impératrice, dans un style un peu plus érotique que les représentations classiques, sans pour autant tomber dans le vulgaire. Le verso était marqué d'un glyphe pourpre, indéniablement magique. Une rapide analyse à l'aide de la vision lucide permettait de capter l'énergie malsaine, propre à la magie noire, qui était emprisonnée dans l'objet.

- Ma carte, maudite, évidemment. La Drow arbora un sourire narquois. Si vous la déchirez, je ressentirais une vive brûlure dans l'échine. Si vous la tordez, la brûlure sera plus douce. Utilisez la pour me faire savoir quel est l'avancement de votre enquête... Elle marqua un temps d'arrêt, posant la carte sur le bureau. Pliez la si vous avez du nouveau ou que vous avez d'autres questions, déchirez la si vous avez résolu l'enquête. Je viendrais directement là où vous étiez au moment du supplice. Elle fit une moue amusée. A moins que vous ne préfériez venir me chercher à mon établissement, mais je doute qu'il soit à votre goût...

Sur ces mots, elle effectua une rapide courbette, imitée dans ce geste par le Drow mâle, avant de quitter le bureau pour laisser la protectrice travailler. En chemin, l'esclavagiste noirelfique fit remarquer à son acolyte que les choses s'étaient mieux passées que ce qu'elle avait prévu. C'était une bonne chose de faite, il n'y avait désormais plus qu'à attendre. L'enquête léguée aux autorités, Myada pouvait retourner à son travail sans perdre davantage de temps...