Encore un elfe

Cyrion Elevorn

Le nouveau directeur avait à peine pris ses fonctions la veille au soir et était en train de faire un point sur le niveau approximatif de chacun des élèves afin de requalifier et déterminer les éventuelles nouvelles sections quand son adjointe pénétra dans son bureau. Pour le coup, Cyrion n'avait lui aussi que moyennement apprécié de devoir coopérer aussi étroitement avec un gradé du protectorat théoriquement en phase avec le pouvoir royal et qui plus est, issue de la haute noblesse de Targatt via le mariage.

La Reine avait beau être une elfe, il faisait parti des rares à dénigrer le Conseil elfique et, de fait, tous ceux qui se plaçaient sous son conseil, ce qui était plus ou moins le cas de Luthien. Il suffisait de voir ceux qui composaient sa garde personnelle pour constater que le conseil elfique s'était profondément enraciné au palais. Un fait qui avait le don de l'agacer.

Il n'avait pas choisi de dédier une partie de son existence à l'académie par pur hasard, il comptait bien faire ce qu'il pouvait pour préserver cette ancienne entité du poison des elfes, duquel il était très conscient et dont il se dissociait. L'académie devait demeurer foncièrement neutre et que les questions de morales restent secondaires. Évidemment, il ne s'agissait pas de laisser la porte ouverte aux pratiques les plus séditieuses, mais simplement d'apprendre aux élèves à penser par eux-mêmes, à déterminer ce en quoi ils pouvaient croire et ceux qui les manipulaient à leurs fins. Il était hors de questions que l'académie devienne une succursale de recrutement et d'évaluation pour servir le Trône.

Quoi qu'il en soit, il se méfiait de celle qui serait amenée à le seconder et avait donc pris les devants en réclamant à l'aronade d'avoir accès à la totalité de l'épreuve à laquelle elle avait été soumise. L'artéfact n'avait répondu qu'en parti, n'acceptant de ne lui montrer que les échanges oraux sans lui laisser accès aux pensées et sentiments éventuellement compilés par l'objet. Sans doute par respect pour la vie privée de la personne. Cyrion comprenait et avait décidé de s'en contenter, pour l'instant.

Aussi, il n'avait guère été surpris lorsqu'elle s'était invitée dans son bureau et y avait déposé une liasse de documents sur les mesures qu'elle préconisait.

Cyrion les prit et feuilleta quelques pages, lisant en diagonale pour confirmer qu'il avait déjà connaissance de l'essentiel au travers de l'épreuve, ce qui était vraisemblablement le cas. Reposant les documents, il finit par se lever du fauteuil qui s'était métamorphosé pour correspondre à ses besoins, ne ressemblant plus des masses à celui dans lequel Marinn de Rayem prenait place quelques temps plus tôt.

"Bonjour Dame Bones. Je vous épargnerai la condescendance habituelle en vous adressant des compliments auxquels je n'adhère pas. Toutefois, puisque nous allons devoir travailler de concert, j'ai d'ores et déjà pris soin d'étudier votre vision des choses au travers des propositions que vous aviez formulées à l'Aronade."

Il marqua une courte pause. Le ton sur lequel il parlait était distant mais pas impoli pour autant. Pour autant, il venait de marquer l'importance pour lui de parler avec franchise et sans détours. Il n'appréciait que peu les boniments et encore moins l'hypocrisie, y compris celle prévue par des protocoles qui n'avaient plus lieu d'avoir cours. Si la politesse était évidemment de mise, car permettait de témoigner d'un respect qui pourrait être naturel et évident pour certains, l'hypocrisie et les ronds de jambes n'étaient, quant à eux, pas nécessaires en sa présence.

"Si j'adhère à certaines parties de votre 'plan de charge', il n'en est pas de même pour certains des remaniements que vous souhaitiez imposer, notamment quand ceux-ci ne font que renforcer l'implication du Trône dans les affaires de l'établissement, lui donnant, de fait, une légitimité, quoi que limitée, à interférer. Si il va de soi que l'académie doit œuvrer pour que ses élèves puissent tous s'impliquer dans la vie de la cité en devenant des citoyens à part entière et des éléments essentiels, il est toutefois impératif que cela se fasse sans pression du pouvoir en place qui n'a déjà que trop d'emprise. L'académie conservera donc une totale autonomie."

Ce n'était qu'une fraction de ce qu'il pouvait penser mais il était primordial de replacer disons, l'idée essentielle qui permettra à la jeune femme d’œuvrer dans le sens qu'il avait choisi. Il poursuivit sur le même ton, en allant de l'autre côté de la pièce, vers une porte fermée qui n'était pas là à l'origine.

"J'admets cependant que certaines de vos idées pourraient être des vecteurs intéressants, et même déterminants pour parvenir à améliorer les choses. Aussi, afin de nous permettre de travailler au mieux j'ai pris la liberté de générer un bureau pour vous seule."

Il ouvrit la porte, révélant une pièce aussi grande que son bureau, mais laissée vide pour l'instant.

"Comme pour toutes les pièces relevant de l'autorité d'une personne en particulier, vous êtes libre d'agencer votre bureau comme vous le souhaitez. Je n'y aurait évidemment pas accès sans votre autorisation. J'ai également pris soin de prévoir que les courriers qui seront adressés "à la direction" soient copiés de sorte à ce que nous recevions tous deux les mêmes éléments. Évidemment, vous serez en copie de tous les courriers que j'adresserai."

Il marqua une courte pause, l'air pensif, avant de poursuivre.

"J'attends de vous que vous n'hésitiez pas à me dire le fond de votre pensée et que vous souleviez les limites des systèmes que nous mettrons en place. Ce n'est qu'en prévoyant les difficultés que nous pourrons y pallier. Pour être clair, je compte pouvoir me reposer totalement sur vous en cas de nécessité. Aussi, vous serez inclue dans chacun des mouvements que je ferai. J'attends évidemment de votre part, la même communication. La rétention d'informations nuirait à notre crédibilité et donc à l'établissement entier."

L'elfe s'écarta de la porte pour la laisser entrer et prendre possession des lieux qui seraient les siens. Il y avait largement assez de place pour un bureau mais également pour un sofa, une table basse et quelques fauteuils de plus.
Le bureau de Cyrion avait perdu quelques fauteuils et gagné plusieurs bibliothèques. Cela donnait une impression un peu étriquée mais il tenait à ce que ses registres principaux soient accessibles rapidement à tout moment sans avoir besoin d'avoir recours sans cesse à l'Aronade. Évidemment, il était le seul à être à même de pouvoir lire les titres, les contenus en question et même à ne serait-ce que pouvoir ouvrir l'armoire. Il y avait également dans une autre armoire scellée, plusieurs objets lui appartenant personnellement et qu'il était à même d'utiliser.

"Prenez le temps de vous installer. Je reviendrai vers vous dans la matinée pour discuter des modifications que je souhaite mettre en place."

Cyrion laissa la jeune femme prendre ses marques, repartant vers son bureau et reprenant en main le parchemin qu'il était en train de lire tendis qu'elle était entrée dans son bureau. Il ne comptait pas se précipiter pour procéder aux aménagements requis. Ainsi, à la lumière des éléments ajoutés par les analyses de Kubilay, il était en train de combiner leurs deux systèmes afin qu'il corresponde à ce qu'il recherchait. Et pour cela, il avait encore besoin de quelques heures.

Cyrion Elevorn

Comme annoncé, Cyrion frappa à la porte du bureau de Kubilay deux heures plus tard. En entrant dans le bureau, il jeta un rapide coup d’œil à l'évolution des lieux avant de reporter son attention sur la jeune femme. Autant entrer tout de suite dans le vif du sujet. Ils avaient du pain sur la planche.

"La classe militaire est supprimée à compter de ce jour, les autorisations du protectorat et éventuellement de la garde royale en la matière sont révoquées. Si des membres de ces factions, y compris la reine elle-même, souhaitaient entrer dans l'académie, une autorisation préalable de l'un de nous deux sera nécessaire."

Conformément à ce qu'il avait annoncé, il était hors de question de laisser le gouvernement, qu'il s'agisse d'un corps quelconque ou de politique, frayer avec les élèves et corrompre leurs esprits, ou pire encore, prendre un ascendant considéré comme légitime, sur les décisions prises en interne par l'académie. Le haut elfe poursuivit sur le même ton.

"Un enseignement tourné vers les arts guerriers sera autorisé par un cours de maniement des armes qui introduira, éventuellement, un aspect stratégique qui, selon moi, va de pair. Par ailleurs, chaque domaine de magie peut faire l'objet d'une spécialisation plus offensive. Il reviendra aux professeurs de gérer leurs cours en conséquence."

Le morceau de parchemin en lévitation devant lui noircissait d'encre à mesure qu'il énonçait les modifications qu'il souhaitait faire.

"Je reprends votre idée de faire des 4e et 3e sphère une classe commune sans que l'orientation dans les maisons n'entre en compte. Je vous rejoins sur le fait que ça devrait favoriser la cohésion et permettre une meilleure intégration des élèves les plus particuliers que nous pouvons accueillir. En revanche, je ne suis toujours pas totalement fixé sur l'avenir des maisons. Nous sommes d'accord qu'actuellement elles ne sont plus adaptées. Cependant, je trouve prématuré et clivant d'en fait de simples "sections" liées à l'orientation supposée des élèves qui, nous le savons, ne se réalise qu'une fois sur 15 à la sortie de l'académie."

Son pouce et index vinrent entourer son menton tendis que ses yeux bleu se faisaient plus encore pensifs que d'ordinaire. Il finit par passer à l'idée suivante, entourant sur le parchemin ce point qu'il faudra approfondir et consolider.

"Nous avons formulé plusieurs idées similaires lors de l'épreuve de l'Aronade, notamment celles relatives à l'examen d'entrée pour les adolescents de 14 ans, avec une dérogation possible au cas par cas si l'enfant présente des risques spécifiques à une prise en charge aussi tardive, ou à l'inverse, si il est arrivé tardivement en zone de magie autorisée. Que l'admission soit gratuite pour les élèves défavorisés ne me plait pas. Tout le monde devrait avoir à s'acquitter de la même part. L'équité est primordiale. Je ne parle pas d'égalité qui recèle une forme d'injustice latente et me semble très insuffisante. En terme d'équité donc, il s'agira que les tuteurs légaux des étudiants doivent s'acquitter, en terme de droits de scolarité par an, d'une somme représentant 0.8% de leur fortune, quelle qu'elle soit. Une autre idée commune n'est autre que la nature du diplôme de fin d'études qui ne peut être qu'une épreuve de coopération en plusieurs étapes. Enfin, je souhaiterai qu'un professeur, ou directeur de maison, se dévoue pour faire du soutien scolaire aux élèves les plus en difficultés, peu importe la nature de ces difficultés."

Cyrion comptait mettre un point d'honneur à ne laisser personne de côté. Et, compte tenu des nombreuses arrivées de mages fuyant les zones de persécutions, il était important de prendre en compte cette nouvelle population.

"Il serait également approprié d'ouvrir une section pour adulte, permettant aux mages tardifs ou n'ayant pas pu bénéficier du moindre apprentissage, d'appréhender leur don ou d’acquérir les bases en terme de magie. Cependant, cette section ne devait pas avoir vocation à former intégralement une personne d'un âge aussi avancé. Aussi, je réserverai mon jugement au cas par cas. Nous nous intéresserons surtout à la maitrise basique des pouvoirs qui permettraient à ces personnes de ne plus vivre en autarcie et en communauté fermée au sein de la cité."

L'académie était d'utilité publique et il était temps de la remettre au centre du domaine qu'elle servait, à savoir l'éducation magique pour tous. Cyrion avait également pensé ouvrir une section d'érudition pour adultes maitrisant déjà leurs domaines mais qui souhaitaient se consacrer à des études plus poussées. Cependant, l'accès aux infrastructures telles que la bibliothèque, les salles d'entrainement et ainsi de suite seraient payantes. Il considérait que si il y avait déjà un niveau de maitrise suffisant, ces érudits devaient participer à leur manière à la subsistance de l'académie, soit en y travaillant gratuitement si le niveau requis était atteint, soit en payant son entrée permettant le maintien des infrastructures, de nourrir les élèves etc.

Il le mentionna également à Kubilay, ponctuant l'idée lancée à la volée d'une autre, complémentaire.

"Toute personne souhaitant s'instruire devrait pouvoir accéder à tout le moins à la bibliothèque même sans avoir ses entrées dans l'académie elle-même, moyennant un cout selon le nombre de section auxquelles il souhaite accéder et au niveau de risque inclus dans les données stockées. A ce titre, il serait bon de modifier la structure de la bibliothèque pour permettre une entrée pour les personnes extérieures et éviter qu'elles doivent passer par l'intérieur de l'académie pour accéder à celle-ci."

Cyrion avait commencé à faire les cent pas sans vraiment s'en rendre compte. C'était un réflexe plus qu'autre chose. Il avait toujours apprécié marcher pendant qu'il réfléchissait. Finalement, un portail s'ouvrit entre leurs deux bureaux, donnant sur le parc. La feuille de parchemin suivant toujours le directeur, il fit signe à Kubilay de l'accompagner à l'air frais, plus propice à la réflexion qu'un bureau, aussi bien rangé soit-il. Sans doute était-ce là un comportement inhérent à sa nature d'elfe qui, malgré tout, restait proche de la nature. En arrivant dans le parc il prit une profonde inspiration avant de poursuivre comme si ils n'avaient pas été coupés.

"Les domaines étudiés n'ont pas à être révisés, cependant, il serait bon de refaire le tour des professeurs pour les informer des changements et leur rappeler les limites de leur métier et les impératifs liés à la préservation de l'intégrité physique comme psychique, de nos élèves... A ce titre, je souhaite revoir les attributions de chacun des professeurs et modifier les directeurs de maisons - quand nous aurons finalisé ce que nous allons en faire... Je repense à votre perception des choses et elle me parait être trop "sophistiquée" par des étudiants en plein apprentissage de ses mécanismes."

Il fallait avouer que certaines pratiques étaient à remettre en question. Évidemment, les professeurs étaient libres, dans une certaines mesure, de choisir le programme et la manière de faire leur cours, cependant, certaines aberrations devaient être corrigées. Si la curiosité de certains élèves était à cultiver, elle était également, parfois, à tempérer et les professeurs étaient là pour la réorienter utilement. Une pédagogie qui pêchait gravement actuellement.

"Vous aviez évoqué, avec l'aronade, un système qui privilégierait une... suel était la formule déjà... ha oui ! une "saine concurrence", capable de tirer chacun vers le haut. Peut-être devrions-nous revoir les maisons autour de ce principe ? Qu'en pensez-vous ?"

Cyrion continuait de marcher d'un pas tranquille dans le parc, bien que toute sa personne soit accaparée par leur discussion. Chacun des points pouvaient évidemment être débattu. Tel qu'il l'avait mentionné plus tôt à son adjointe, il attendait d'elle qu'elle l'aide à améliorer tous les systèmes existants, et revoir intelligemment ceux qui n'étaient plus adaptés avec leur vision de l'enseignement de la magie notamment. D'ailleurs, tout bien considéré, peut-être devraient-ils également ajouter un élément.

"Je souhaiterai également un cours de "culture générale" qui viserait à apprendre aux jeunes esprits, à la fois les lois de notre cité comme les courants politiques dont ils entendront forcément parler plus tard et le fonctionnement des nouvelles institutions. Il serait également bon de leur faire découvrir les autres pays, royaumes ou empires, qui sont en parti responsables des mouvements migratoires que nous connaissons. Élargir leur esprit en leur faisant comprendre que Targatt, aussi merveilleuse soit-elle, n'est pas le centre du monde ne pourra être que bénéfique."

Cyrion Elevorn

La réaction de dame Bones finit de le rassurer sur cette dernière. Une de ses craintes fut évidemment que son allégeance aux protecteurs et au gouvernement de la cité, n'interfère avec ses nouvelles fonctions. Mais de toute évidence, la jeune femme savait compartimenter en conséquence. Une compétence qui n'était pas donné à tous et que Cyrion appréciait d'autant plus chez ses interlocuteurs. C'était d'autant plus vrai quant il s'agissait d'une personne avec laquelle il serait amené à travailler peut-être des années durant.

Cyrion écouta avec attention les propos qui suivirent ces premières annonces et ce fut à son tour d'acquiescer.

"Il serait en effet contre productif de braquer tout le monde contre l'académie. Je partage votre avis quant à l'importance de conserver l'indépendance de l'académie par sa neutralité davantage que par une opposition pure et simple aux différents corps. Par ailleurs, et comme vous l'avez bien souligné, l'académie doit continuer ses efforts pour s'inscrire dans cette cité, et plus encore, dans ce monde. La diplomatie sera toujours la voie à préférer et à privilégier."

L'elfe mit sa main en visière au-dessus de ses yeux pour les préserver du soleil printanier tendis que son regard suivait le ballet d'une nuée de petits oiseaux, leur mouvement parfaitement synchronisés prenant différentes formes, s'étendant et se rétractant dans les cieux comme si ils étaient tous doués d'une seule et même volonté. Un spectacle captivant sous plusieurs aspects mais qui ne l'empêchait pas de rester concentré sur leur sujet. Il y revient donc, poursuivant le propos précédent.

"Je ne suis pas convaincu que le fait que Marinn de Rayem n'ait pas participé à la décision suffise à leur faire entendre raison. Vous avez, comme moi, du remarquer que le gouvernement est moins enclin aux négociations que ne le laissaient supposer les discours de la Reine. Enfin, je suppose que toute politique à ses limites... Nous pouvons partir sur votre idée, cependant, d'autres éléments devraient être portés à l'attention de la reine et de la vice-reine lorsque nous leur en ferons part. Un "simple" vice de procédure reste insuffisant. Je ne suis pas pour les manipulations de bas étage comme vous l'aurez compris. Aussi, j'aime à penser que ces deux personnes sauront voir que l'intérêt de la cité nécessite la neutralité de l'académie et, par voie de conséquence, notre décision."

Il marqua une pause, ses yeux revenant soudainement à Kubilay comme si il venait de se rappeler d'une chose importante.

"Avant que je n'oublie, je risque de devoir faire un petit voyage. J'ai dans l'idée de parvenir à recruter les professeurs manquant. Ca ne devrait pas me prendre plus de quelques semaines. Je ne compte pas l'entreprendre dans l'immédiat, je préfèrerai rester jusqu'à ce que les nouvelles bases soient totalement soclées, mais selon les réponses que je recevrai, il se peut que ça se précipite. Vous me représenterez durant cette période."

Cyrion lui adressa un semblant de sourire mais qui, chez lui, voulait en dire beaucoup. Il reprit ensuite le fil de leur conversation, notamment le point relevant de l'acquittement des frais de scolarité par les tuteurs légaux.

"Je pensais à un système relevant du lieu d'habitation afin de ne générer d'intrusion dans la vie privée de quiconque. C'est, certes, un peu plus approximatif mais d'après mes estimations et les simulations effectuées, ça permettrait d'avoir une base fiable. Après tout, nous avons les chiffres des revenus moyens des personnes par quartier. Autant s'en servir."

Il leur suffirait d'avoir l'adresse du tuteur légal pour pouvoir calculer les frais afférents à chacun des "milieux". Il est communément admis par tous que les cercles hébergeaient la population avec les moyens de subsistance les plus faibles. La classe moyenne servait de tampon entre les cercles et les quartiers riches tels que Vodrel et Tamarang. De plus, les tuteurs légaux devaient indiquer quel était leur métier, quand ils en avaient un. Entre le quartier de résidence et le métier, il devenait des plus simples d'identifier une ligne médiane pour chaque profil et d'avoir un calcul équitable. Évidemment, en cas de soucis, chaque cas sera évalué individuellement.

Il trouvait cela plus juste que de lier les élèves à l'académie en les endettant sur des années bien après qu'ils aient quitté l'académie. Cela revenait à plomber leur avenir dès le début de leur vie d'adulte et de citoyen. Une extrémité à laquelle il ne pouvait se résoudre. Par ailleurs, si les élèves devaient se sentir débiteur auprès de l'académie, Cyrion souhaitait que ce sentiment ne puisse naître qu'au travers de la reconnaissance des connaissances et pouvoirs acquis durant les années d'études et non pas par des choses aussi bassement matérielles que l'argent. Sans doute était-il plus idéaliste qu'il ne le pensait. Cependant, il souhaitait tester un tel système. Évidemment, si après quelques inscriptions on se rendait compte qu'il n'était pas viable, il serait bien temps de rectifier le tir pour aller vers d'autres options.

"Quitte à ce que les étudiants soient redevables à l'académie, je préfère me dire que ce sera par la reconnaissance de leurs années d'étude et non pas pour de l'argent qu'ils devraient avant même d'avoir pris leur envol. Vous devez me trouver des plus naïfs sans doute ?"

Il réprima un petit soupire tout en écoutant l'avis de son adjointe à propos des professeurs. Elle semblait véritablement outrée par certaines des erreurs qu'elle avait discerné, ce qui ne manqua pas de piquer davantage l'intérêt du directeur, pleinement à son écoute, les sourcils légèrement froncés comme si il redoutait ce qu'elle avait pu découvrir. Cependant, pour avoir été de longue date à l'académie en tan que professeur remplaçant, il se rassura en se rappelant qu'il avait déjà du être témoins de ces dites choses durant sa carrière.
Cyrion hochait lentement la tête à mesure qu'elle évoquait les différents cas repérés. Elle avait eu la gentillesse de ne pas mentionner des professeurs en poste actuellement bien que certains entraient dans ces "cases" de mise en danger. Quoi qu'il en soit, une fois de plus, cela rejoignait effectivement aussi le sentiment qu'il avait.

"Il semble en effet qu'un contrôle pédagogique s'impose. Quand au manque de formation à la pédagogie, nous pouvons toujours proposer un tel enseignement aux professeurs qui le souhaitent. Ceux qui sont parmi les professeurs défaillants, et qui s'y refuseraient, devraient être effectivement radiés des effectifs. C'est là qu'interviendra sans doute le voyage que j'évoquais plus tôt et qui, je l'espère, nous permettra de recruter des professeurs et non pas seulement de "bons mages" comme vous le dites vous-mêmes."

Il ne devait pas trop s'avancer non plus. Rien ne disait qu'il aurait des réponses positives ou suffisamment hésitantes pour qu'il ait besoin d'aller en personne motiver ces magiciens et enchanteresses. Cependant, il avait tout de même tenté de chance en lançant une première vague de recrutement auprès des mages dont les noms lui étaient revenus. Peut-être certains parmi eux seraient intéressés par un tel poste. Même si ils ne restaient que quelques années, ça permettrait à l'académie de stabiliser ses enseignements et son fonctionnement en interne. Par la suite, changer un professeur ne serait plus un réel soucis. De plus, l'instabilité de la coté était notoire et certains de ceux qu'il avait cherché à contacté ne s'étaient pas caché de lui faire remarquer qu'ils n'avaient pas forcément envie de risquer leur vie dans une cité où des génocides, des démons et des armées de morts déferlaient quand bon leur semblaient. Qui aurait pu les blâmer...

Cyrion en vint finalement à l'idée de concurrence "saine". Il se tourna vers Kubilay et écouta son idée.

"Je dois avouer que mon imagination a trouvé ses limites avec cette problématique. Aussi, je m'en remet entièrement à vous pour trouver la meilleure méthode. Votre idée de créer des équipes intermaisons me plait énormément je dois dire. Et ça permettrait également de peaufiner notre épreuve de fin de diplôme qui, nous étions d'accord là-dessus il me semble, doit porter sur la coopération et non plus sur l'affrontement entre élèves."

L'elfe reprit sa promenade qu'il avait interrompu pour observer le vol des oiseaux. Croisant les mains derrière le dos, il fixa un point devant lui, pensif. Si ils parvenaient à mener à bien déjà toutes ces modifications et à les faire accepter par la majorité, ils auraient fait un énorme pas en avant. Ils auraient bien le temps de peaufiner les détails à l'usage.