Entre nouveau professeur.

Il y a quelques temps maintenant que Camelia est arrivé à Targatt, à l’Académie de magie pour y être professeur assistante. Quelques temps maintenant que Dame Kubilay lui a donné sa chance. Depuis cette intronisation, la danseuse passe le plus clair de son temps enfermée à la bibliothèque, tentant de combler ses lacunes théoriques en magie élémentaire.

Chaque semaine, elle prend cependant une soirée pour rendre visite à une certaine amie. Pour aller dans une taverne et boire un coup en regardant cette amie se déhancher, puis discuter si elle en a le temps.

D’autres soirs, lorsqu’elle n’est pas trop fatiguée, elle s’entraîne dans son appartement, le salon libéré pour servir de salle de danse. Un jour, elle le sait, elle aura retrouvé suffisamment son niveau d’avant pour rejoindre son amie sur la piste. En attendant, elle garde secrète sa guérison.

Ce matin, Camelia se réveille avec une gueule de bois carabinée. La veille, malheureusement, la louve n’avait trouvé le temps de boire avec elle et notre ex-danseuse s’était retrouvée à faire la fin de soirée seule, jusqu’à la fermeture. Elle est rentrée, par la grâce de la triade, et a réussi on ne sait comment à retrouver son appartement. Avant de sortir, elle se contente d’une tunique sobre, d’un gris assez clair, et d’une jupe d’une teinte un peu plus foncée.

L’assistante professeur marche lentement dans les couloirs, elle fait de son mieux pour ne pas penser au savon que lui passerait la petite Alexia si cette dernière la croisait dans cet état. Il ne lui faut que peu de temps pour comprendre qu’il lui sera bien compliqué, ce matin, de faire quelque apprentissage ou révision que ce soit. Elle se rend donc, précautionneusement, à la bibliothèque pour prendre un livre et commencer à essayer de le lire.

Bien entendu, c’est peine perdue. En quelques minutes, les mots se troublent devant ses yeux, les phrases dansent et valsent au lieu de rester stables, le crâne de la danseuse décide de jouer des claquettes contre ses tympans tandis qu’un opéra à lieu derrière ses tempes. Pour résumer, elle a mal au crâne.

Camelia Pirda se lève donc pour partir, elle vacille puis prend son livre qu’elle referme. La jeune femme se débrouille pour atteindre l’accueil et emprunter son livre.

Finalement, elle parvient à effectuer sa formalité, à s'éloigner et à sortir de cette bibliothèque. Elle prend la direction de son appartement. Une voix cependant lui arrive aux oreilles. Une voix assurée et grave qui parle de son nom. Cet homme, car c’est un homme qui vient de parler, semble la connaître mais sa voix ne lui dit rien. Camelia se tourne vers son accosteur et se fige.

L’homme est beau. Il n’est pas simplement hâlé, comme l’était Izmir. mais complètement brun de peau comme de cheveux. La tunique rouge semble se fondre naturellement dans sa peau, à la naissance de ses bras, alors que de nombreux tatouages y prennent naissance. Des tatouages étranges qui semblent ressembler à des animaux, animaux que Camelia ne reconnait pas.

Il se présente avant qu’elle n’ait le temps de parler, de le repousser, de se remettre de l’impression que lui a fait cet homme.

— Je… Bonjour, je suis Camelia en effet…. Enchantée, Monsieur Marek ?

Elle ne sait que dire, que répondre à la proposition de son collègue, alors que son crâne décide de tenter une salsa résonnante.

— Je veux bien… Si cela vous convient….

Elle ne sait plus exactement ce qu’il lui avait proposé, décidément incapable de se concentrer convenablement ce matin, mais elle sait que cela a à voir avec le travail, vu qu’elle a simplement réussi à retenir les mots “entre collègues”.


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L’autre, le collègue, parle doucement à la jeune femme. Un discours long et au ton amusé qui accompagne un geste déplacé. La main de cet homme s’accroche en effet à l’épaule de Camelia alors que cette dernière tangue encore un peu. Elle tente de se libérer d’un mouvement d’épaule qui lui fait plus mal qu’autre chose, sans avoir d’effet sur la poigne de l’homme. Elle se retient de grogner, réalisant que s’il ne l’avait pas accosté, elle serait déjà arrivée dans ses quartiers.

Après quelques efforts, elle se stabilise à nouveau, trie le peu d’information de cette tirade que son esprit a retenu et lève les yeux vers le visage de Marek. Il a proposé de l’emmener à l’infirmerie. A cette idée, Camelia se raidit en réalisant que c’est complètement hors de question. Si elle se rend à l’infirmerie, Alexia serait capable de faire de sa vie un enfer.

Il a aussi parlé d’avoir quelque chose pour se soigner seule. Bon, elle a forcément quelque chose dans sa chambre, elle a l’habitude, mais le goût est tellement infect qu’elle préfère simplement l’oublier, ce qui ne semble pas possible aujourd’hui. Son remontant est infâme et sent l’âne mort, mais il remet les idées en place en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire (enfin l’écrire, dans notre cas).

Camelia commence à tenter d’avancer vers ses quartiers, oubliant par la même occasion qu’une main retient fermement son épaule. Son mouvement bloqué, elle tourne la tête vers l’autre professeur.

— J’ai quelque chose en effet… Suivez-moi, on pourra parler après, si vous y tenez.

Faire cette phrase, ces deux phrases, d’un coup presque sans pause, cela tient de l’exploit vu la douleur que sa tête impose à l’ancienne danseuse. Elle réussit tout de même à parler sans problème et à se tourner.

Finalement, la jeune femme se remet à avancer, elle guide l’homme jusqu’à ses appartements. Bien évidemment, elle est consciente que c’est risqué, mais elle possède actuellement l’aronade et sera dans ses propres appartements, soit complètement avantagée par la situation. De plus, il ne faut pas oublier qu’il a tout d’abord proposé de l’emmener à l’infirmerie, c’est donc qu’il est plus intéressé par la santé de sa collègue que par quoi que ce soit d’autre.

Une fois arrivés, une fois entrés, Camelia commence à fouiller dans ses affaires pour finalement trouver cette bouteille, à peine entamée malgré son ancienneté. Elle se bouche le nez, débouche le récipient et verse une gorgée de liquide dans sa bouche, qu’elle avale aussi sec.

Marek peut voir alors une grimace de dégoût absolu se former sur le visage de l’assistante. Une chose est sûre, si elle avait tenu à le courtiser, boire ceci était une belle erreur de par la mimique ignoble que la boisson lui arrache.


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Elle le retient, celui-là. D’où se permet-il de ricaner devant son épreuve abominable qu’est sa potion contre la gueule de bois ? D’un autre côté, il en a bien le droit après l’avoir raccompagnée ici.

Ce breuvage, qu’elle a appris à préparer lors de ses pérégrinations, n’est pas compliqué à faire mais son goût est tellement exécrable que tous ceux aptes à le préparer préfèrent encore se remettre naturellement plutôt que d’avoir à s’en servir. Camelia faisant partie de ceux-là, elle maudit intérieurement son collègue de l’avoir trouvée dans cet état et, pire, d’avoir proposé de l’emmener à l’infirmerie.

Elle se tourne doucement vers lui, alors qu’il reprend la parole. Elle sourit vaguement lorsqu’il parle de sa soirée de la veille, malgré sa tête qui résonne encore un peu. La seconde phrase de cette tirade, cependant, lui retire l’envie de sourire. D’où cet inconnu se permet-il de la juger ? D’où se croit-il en droit de lui donner des leçons. Il ne connaît rien à sa vie, à ses épreuves, à son besoin d’oublier, ne serait-ce qu’un instant, le visage de son Izmir qui la hante.

Sa proposition de la laisser tranquille, cependant, ainsi que la mention des élèves, le font remonter légèrement dans l’estime de l’ex-danseuse. Elle comprend bien que c’est pour les élèves qu’il lui fait toutes ces remarques, même si elles restent déplacées. C’est pour cela que Camelia se contente de montrer la chaise présente dans son salon.

— Reste… Mais… Laisse-moi deux minutes, que ça fasse effet…

Elle se dirige vers son armoire, dans laquelle elle range sa potion, avant de s’asseoir sur le lit en se tenant le crâne.

— Je… Ne sais que trop bien que… Ce… N’est pas un bon exemple…

Elle se relève, sans gestes brusques, retenant des hauts le cœur, avant de se diriger vers sa fenêtre.

— J’ai… Choisi mon jour… Je… Ne donne pas cours aujourd’hui…

Ses hauts le cœur reprennent, au point où elle se rend dans ses toilettes pour se libérer l’estomac, non sans avoir insonorisé la pièce grâce à un sort de vent. Quelques instants plus tard, le ventre vide et la bouche rincée, elle revient.

Son visage à repris des couleurs, mais son teint reste maladif. Camelia prend finalement place à sa table, face à Marek, et s'apprête à parler avant de vivement tourner la tête vers son lit. Le livre n’y est pas. Elle a dû le mettre dans son armoire sans y prendre garde, alors qu’elle cherchait son médicament. Cette explication, logique, en tête, elle se concentre à nouveau sur son invité, sur son collègue.

— Je suis Camelia Pirda, enchantée. Tu t’appelles Marek, c’est bien ça ?

Oui, il lui a déjà dit, mais elle préfère reprendre de zéro, maintenant qu’elle est en meilleure possession de ses moyens..


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