Etape 4 : Fusions

Christina avait fait des merveilles en remplissant, pour l'instant sans le moindre accroc, la mission pourtant complexe qui lui avait été confiée. Elle était parvenue à se procurer les objets qui lui étaient nécessaires auprès des trois plus gros revendeurs d'objets magiques au marché noir sans attirer l'attention de personne. Jusqu'à présent du moins. Plus encore, elle avait trouvé un moyen sur de "charger" les pierres d'âme sans avoir besoin de se mettre à tuer la population d'indigents.

Et finalement, elle venait d'obtenir les amplificateurs qu'elle attendait. Venait finalement une étape qui ne dépendrait pas d'elle : lier les amplificateurs aux pierres d'âme afin de décupler l'énergie libérée.

Pour ce faire, elle se rendit chez son seul contact avec l'ordalie dans la cité. Ce dernier la mena chez une tierce personne, non sans d'abord prendre d'infinies précautions afin qu'elle soit incapable de situer où elle se trouvait exactement. On lui présenta l'homme comme un "mage sympathisant" de l'Ordalie et qui leur avait déjà apporté son aide en plusieurs occasions, notamment en les conseillant pour éviter que les sans-magie qu'ils étaient ne soient repérés trop facilement et en leur expliquant comment se servir de certains objets magiques à leur portée pour faire illusion.

On retira le bandeau des yeux de Christina qui découvrit un homme au charme indéniable et aux manières impeccables. Il avait en réalité quelque chose de plus que les mages qu'elle avait côtoyé jusque là et son magnétisme n'aidait pas la protectrice à prendre le recul nécessaire pour voir clair dans son jeu éventuel.


L'homme, à défaut de donner son nom, se présenta comme un "vieil" adversaire de la cité qui "faisait profil bas" et comptait "venger les siens". Si ça passait à des kilomètres au-dessus de la tête de Christina, ça lui indiquait au moins qu'il ferait bien les choses, que sa part serait assumée. C'était en fait tout ce qui lui importait.

Il insista pour lui servir une tasse de thé. Mais alors que sa raison lui soufflait de passer le moins de temps possible à se compromettre avec cette personne, elle accepta, totalement sous le charme de l'inconnu. S'ils passèrent la nuit ensemble, elle fut surprise de constater au petit matin qu'il n'avait, a priori, pas dormi puisqu'il lui présenta l'assemblage de chacun des pièces dès son réveil.

Elle s'en saisit et comptait repartir immédiatement quant il s'interposa, un doux sourire aux lèvres.

"Ma chère, je trépigne d'impatience. A combien de personnes avez-vous pu confier mes effets ?"

Christina mit une seconde à comprendre que les deux bracelets magiques, la bague et le collier devaient venir de lui. Elle avait eu pour consigne de les "donner".

"Je les ai tous donné, comme convenu." conclut-elle avec un léger sourire.

Le sourire de l'homme s'agrandit encore tendis qu'il s'écartait de la porte pour la laisser repartir. Un des bracelets avait été donné à Ambre Heasley. Tout le reste avait été donné à des élèves de l'académie. Ce qu'il adviendrait des personnes qui en avaient la possession serait sans aucun doute amusant à voir. Mais elle n'était pas certaine de rester jusque là. Et puisque l'académie était un des bâtiments les mieux protégés, il avait fallu ruser pour parvenir à faire entrer quoi que ce soit dedans.

Elle rajusta son bustier et sortit tendis que les lueurs de l'aube illuminait lentement la cité, lui rendant la vie. La protectrice prit une grande inspiration avant de soupirer. C'était une belle journée qui s'annonçait, comme le lui confirmaient les personnes déjà en route pour le marché. C'était le jour rêvé pour perpétrer un tel acte. Partout, sur toutes les places de la cité ou presque, dans toutes les rues suffisamment large pour accueillir des étales supplémentaires se massaient les marchands en tout genre. Certains venus se ravitailler en matière première avant de repartir, d'autres venus pour troquer leurs marchandises et les derniers venus vendre le produit de leur labeur. Victuailles, outillage comme tissus, tout semblait à vendre, à tous les prix. Actuellement, les marchands se pressaient de s'installer. Christina en regarda un passer, un mince sourire aux lèvres. Il lui restait encore quelques heures pour tout installer avant que ça bâte son plein. C'était plus que suffisant.

Elle n'avait que 8 amplificateurs mais avait 12 pierres d'âmes de différentes tailles. Il n'avait pas été trop difficile d'estimer quels seraient les lieux à privilégier pour occasionner un impact maximal. Elle devait aussi remercier les protecteurs qui avaient été en poste lors de l'attaque des démons et qui, par conséquent, savaient quels protocoles de sécurité étaient mis en place pour sécuriser et défendre les civils. Ces protecteurs lui avaient donc décrit l'acheminement des civils, selon leurs zones, jusqu'aux refuges associés.

C'était par là qu'elle commencerait le temps que toute la population soit de sortie, elle s'était ensuite fait un petit périple dans la cité.

Profitant que tout le monde soit occupé à gérer l'arrivée des marchands, elle s'engouffra dans les souterrains par les entrées indiquées par les protecteurs pour y déposer ses petits cadeaux. 3 au total.
Elle prit le temps de repasser chez elle pour revêtir son équipement de protectrice et partit ensuite en destinés aux civils qui y seraient acheminés pour les protéger, et 1 directement sur le lieu où le marché noir était installé, car lui aussi battrait son plein. Mais ce qui l'intéressait n'était aucunement la vengeance. Simplement de jouer une mauvaise farce. Cette planque était surtout celle où jouaient les Xelcius et les Leckard. Les affaires de Teyrnon se passaient ailleurs. Il serait le seul épargné... Soit il saisirait sa chance pour asseoir son pouvoir sur les bas fonds, soit il finirait rôti de la main des Leckard et des Xelcius qui le penseraient impliqué d'une manière ou d'une autre dans leur chute. Dans tous les cas, elle serait gagnante.

Une fois ses cadeaux déposés, Christina prit la direction du manoir Heasley pour récupérer Ambre sous le prétexte que leur ronde allait commencer et que "c'était plus sympa d'être avec elle". Après tout, durant cette période à forte affluence, les protecteurs étaient tous de sortie ou presque pour sécuriser les lieux. Elle passerait donc inaperçue ainsi et n'aurait pas besoin de gérer un protecteur qu'elle ne connaissait pas.

La rouquine se joignit donc à elle et elles entamèrent leur ronde. Leur itinéraire passait, comme pour toutes les patrouilles, par les coins les plus bondés. Une chance qu'elles n'aient pas été affectées à un lieu particulier à surveiller... Elle narguèrent d'ailleurs des collègues moins chanceux en train de faire le piquet et repartirent en riant de bon cœur.

Christina profitait des moments où Ambre était plus attentive à son environnement qu'à sa coéquipière, ce qui était normal au vu de leur mission, pour "déposer" ses cadeaux.

Au final, un peu avant midi, toutes les pierres avaient été déposées.
- 3 dans le quartier Tamarang où les grandes places étaient les plus nombreuses et où les riches marchands étaient plus concentrés, toutes avec un amplificateur fusionné en elles,
- 2 dans le quartier Vodrel, une sur la place la plus vaste et l'autre contre un mur de la taverne la plus cotée de la cité, avec amplificateur,
- 3 dans les souterrains, avec amplificateurs : 2 dans les caches les plus vastes où les civils iraient se réfugier, et une destinée au marché noir. Ces trois-là, contrairement aux autres avec amplificateurs, n'étaient pas positionnées pour occasionner des dégâts humains directs mais plutôt pour permettre à des pans entiers de souterrains de s'effondrer sur eux ce qui serait aisé en pulvérisant les murs et colonnes porteuses.

Enfin, les quatre pierres d'âme les plus faibles -car n'ayant pas d'amplificateur intégré- avaient été intégrées aux "effets" d'Asuar, généreusement donnés aux élèves, et à Ambre. Christina ne savait pas grand chose de ces objets si ce n'était que l'activation déclencherait d'abord un sort qui affecterait les hôtes avant d'activer les pierres, sans avoir davantage de détails. Asuar avait personnellement conçu ces sortilèges.

Ces quatre objets, et leurs pierres associées, feraient moins de dégâts en eux-mêmes mais permettraient de porter un coup à l'académie, entre autre chose. Christina aurait voulu appliquer la même méthode pour le palais mais l'Ordalie avait émis des ordres contraires. Le palais devait être épargné. Pour l'instant. Christina devrait agir en temps et en heure quand la reine se mettrait en mouvement, ainsi, la dernière surprise lui serait destinée.

Le cœur de Christina s'emballa un instant. Le moment approchait et, ayant connaissance de cette information, elle était pleinement consciente de la tension qu'elle accumulait. Encore quelques minutes à peine et la pièce pourrait commencer.

La blonde prétexta avoir cru voir un de ses amis pour fausser compagnie à Ambre, lui confiant qu'elle reviendrait dans "deux minutes". Elle s'extirpa de la zone et ferma les yeux. D'une part pour se calmer et d'autre part, pour être sure d'avoir bien en tête les formules de commande qui lanceraient la réaction en chaine. Une autre formule était destinée aux souterrains.

10

9

8

7

Christina jubilait à l'idée de voir tous ces mages complètement démunis face à une attaque fomentée par des non-mages. Voir leurs visages arrogants se tordre de peur avant de se figer dans une expression de peur qu'ils garderaient toute leur mort la mettait en joie. En vérité, elle n'était pas véritablement sadique, juste d'une jalousie maladive et très vindicative. Son gout du risque aidant, elle s'était une jolie réputation sur les champs de bataille... et surtout à côtés des champs de bataille puisqu'elle préférait de loin les combats en unité très mobile qui lui permettaient de mettre la pression sur les ennemis qu'on lui avait désigné. mais bien entendu, face à des mages, la donne était quelque peu différente, de même que les précautions prises. Certes, pas seulement par elle mais surtout prises par ses commanditaires pour qu'elle n'ait accès qu'aux informations nécessaire à la réussite de sa mission. Car elle n'en demeurait pas moins qu'un pion amélioré, une mercenaire. Bien qu'elle adhère plus que d'autres à leur folie.

Quoi qu'il en soit, elle avait bien remarqué quelques mouvements suspects mais jamais suffisamment pour qu'elle s'inquiète. Après tout il n'était pas anormal à ce que la sécurité soit renforcée vu la forte affluence, sans que ça ait un quelconque rapport avec ses activités. De toute façon, ça ne les sauverait pas. Il était trop tard. Tout était en place.

Ce que Christina ignorait cependant, fut qu'en ce moment même, des créatures invoquées par la reine en personne cherchaient les pierres d'âme, et en avaient déjà trouvé certaines. Neuf pierres d'âme furent trouvées par les créatures de la reine et ramenées à leur maitresse. Parmi les neuf, la plupart avaient été trouvé sur les étales de plusieurs marchands qui comptaient les vendre plus ou moins légalement. Deux parmi les 9 étaient de celles surchargées par Christina. Il s'agissait plus précisément de celle déposée contre un mur de la taverne et d'une trouvé cachée dans un sceau vide aux abords d'une des plus grandes places de Tamarang.

Sur l'ensemble des places détruites dans la vision de Kubilay, les créatures de Luthien avaient toutes fait quelque trouvaille. A une exception près. Une seule place parmi celles de la vision de Kubilay, n'avait pas fournis de pierres d'âme. La troisième plus grande du quartier Tamarang.

Du côté de Christina, la situation se révéla être moins glorieuse que prévue.

Alors même qu'elle commençait à réciter la phrase d'activation, elle se rendit compte qu'aucun son ne sortait de sa bouche. Elle avait suffisamment vécu avec les mages de cette cité pour comprendre qu'elle était repérée mais n'eut pas le loisir de faire le moindre mouvement. Elle était totalement immobilisée. Malgré le sort d'entrave, son symbiote de son côté était libre d'agir et commença par préparer une riposte éventuelle.

Les hommes qui lui tombèrent dessus la privèrent de ses objets magiques avant de lui faire perdre conscience. Dès qu'elle avait sombré, le symbiote avait prit le contrôle de l'esprit et du corps de son hôte. Le fait de dominer totalement l'esprit de Christina empêcherait la moindre intrusion mentale puisqu'il était déjà envahit par quelque chose d'autre. Dans le même temps, il se prépara à défendre la femme physiquement et à... changer d'hôte. Il avait beau "apprécier" Christina, sa subsistance importait davantage que son hôte bien qu'il ferait son maximum pour les sauver tous les deux et qu'elle atteigne ses objectifs. Après tout, leur symbiose étant totale, ils partageaient plus ou moins la même version pur les mages. Si du côté de l'humaine, il s'agissait surtout de jalousie de ne pas être douée des mêmes fantastiques pouvoirs, le symbiote de son côté les détestaient purement et simplement. Il faut dire qu'il avait passé des années enfermé dans un bocal dans une tour tenue par son créateur : un mage.

Christina se réveilla en sursaut et en douleur puisque son esprit n'émergea de son inconscience que grâce à l'électricité qui eut le mérite de paralyser un court instant le symbiote. Cet petit interlude fut malheureusement suffisant pour que ces connards de mages spirituels ne pénètrent son esprit. Cependant, bien que Chris' ne soit pas mage, elle avait l'habitude de faire avec. La preuve étant que nul ne l'avait détecté pendant les 8 mois où elle avait vécue à leurs cotés. Elle entraina les mages spirituels dans ses souvenirs, les bloquant dans ses souvenirs d'enfance qu'elle essayait de rendre les plus précis possibles, les plus détaillés de sorte à conserver la main. S'ils voulaient sortir du souvenir, il faudrait soit que Christina le veuille, soit qu'ils sachent précisément où et quand aller, ce qui n'était pas possible. Aussi, elle faisait en sorte que ces vieux souvenirs les piègent. En vérité il n'y a pas de technique magique derrière, simplement la volonté de faire de son esprit un labyrinthe où chaque souvenir était une prison potentielle. Évidemment, elle ne parviendrait pas à les bloquer longtemps dans chacun d'entre eux. Mais au point où elle en était, elle refusait de leur donner des informations facilement. Pas à ces connards. Si la symbiote avait tenté de protéger son esprit, face à deux mages spécialisés il savait ne pas faire le poids et surtout, comptait ne pas révéler sa présence. Après tout, leur fusion était encore relativement récente, aussi, si elle parvenait à piéger les intrus dans ses souvenirs anciens, ils ne le détecteraient pas et continueraient d'ignorer qu'il était là.

Il leur faudrait de longues minutes avec l'aide de leurs techniques de torture pour y parvenir. Les éclairs étaient semblables à n'importe quelle autre forme de torture. C'était un autre type de douleur mais, la chose merveilleuse avec les vrais humains, c'était qu'avec la volonté requise, ils s'adaptaient à tout. Par ailleurs, elle ne cherchait pas à gagner du temps que pour les faire chier, mais aussi pour en donner à son symbiote qui était bien moins affecté qu'elle par les décharges. Elle le sentait s'agiter en elle et préparer la riposte.

Le symbiote fit en sorte de préparer la matière suffisante à une vive et brusque sur-croissance localisée. De la même manière qu'il pouvait générer une sorte d'exosquelette, il comptait simplement accroitre la pression sur les menottes en superposant des couches de matière rendant le tout bien plus solide que n'importe matière. Après tout, sa carapace était suffisante pour briser une lame renforcée. Des menottes ne suffisaient pas à le retenir.

Aussi, subitement, chaque poignet et chacune des chevilles de la jeune femme subit une forte sur-croissance, la pression étant telle qu'elle brisa les charnières, libérant Christina de ses entraves. Christina était sans doute trop faible pour réagir suffisamment vite, c'est donc par le biais de l'exosquelette que le symbiote agit dès que les entraves lâchèrent.

Il fit quelques pas jusqu'à la porte restait à s'occuper de la porte. Il sortit de son poignet un pic qu'il positionna devant le loquet et serra le poing de sa main encore libre qui se para, comme ses poignets plus tôt, d'une couche de carapace supplémentaire. A la manière d'un pieu que l'on enfonce, il entreprit d'enfoncer le pic dedans. Une fois enfoncé suffisamment, c'est-à-dire une fois parvenu juste sous le loquet, il fit un mouvement de levier de sorte à le briser. Quatre reprises seraient suffisantes pour qu'il lâche et que la porte s'ouvre...