Etape 2 bis : information et commande

Christina avait donc fini par s'intéresser au marché noir compte tenu de ce qu'elle entendait réaliser. Elle avait besoin d'avoir accès à certains objets sans avoir à les déclarer ni à se justifier pour leur utilisation. Ainsi, elle avait demandé à Yaresh de lui expliquer grossièrement le fonctionnement de ce monde parallèle, qui apparemment, tournait assez autour des Leckard, des Xelcius et d'un inconnu qui faisait office de quasi-meneur sur tout ce petit monde... et sur lequel elle s'était finalement renseignée comme elle pouvait.

Au prix de quelques semaines d'attente, Yaresh avait finalement obtenu l'information qu'elle attendait : la position de Brann Leckard à un instant précis. Oh bien entendu, elle pouvait aussi aller le voir pendant qu'il assumait une de ses charges de sénateur ou elle ne savait trop quoi. Mais il y aurait forcément eu des témoins de leur rencontre et elle ne le souhaitait pas. elle avait donc été contrainte d'attendre qu'une autre occasion se présente au niveau du marché noir.

Le Leckard se déplaçait rarement en personne apparemment. Pourtant, ce soir, pour une raison inconnue, il avait laissé entendre à l'un de ses joailler qu'il le rencontrerait. Parfait, c'était donc là qu'elle irait à sa rencontre. Et elle y était allée. Elle était parvenu à négocier la commande de certains des objets dont elle avait besoin, à un prix élevé certes, mais qui ne l'embarrasserait pas de la moindre question. Ensuite, elle était allée voir la concurrence directe : les Xelcius et avait fait une demande similaire, pas avec les mêmes objets bien évidemment. Il était primordial pour elle de multiplier les négociants, d'abord pour faire jouer la concurrence et s'en tirer à un meilleur prix, ensuite, pour compliquer les choses à ceux qui souhaiteraient savoir ce qu'elle comptait faire des objets magiques en question.

Elle tenait à sa tête après tout et préférait mettre le plus de distance entre l'échafaud et elle.

Christina avait finalement obtenu la commande des deux tiers de ceux qui lui étaient nécessaires pour la première partie du plan. Une partie chez ce Brann Leckard, et l'autre chez un Xelcius dont elle ne se rappelait déjà plus le nom. Pour la dernière partie, ça s'annonçait plus compliqué. Comment trouver une personne qui n'était pas censée exister ?

En repassant par Yaresh, son petit tavernier qui avait des oreilles et des sbires partout, elle avait fait courir le bruit qu'elle le cherchait, bien que sans nullement donner ni son nom ni sa fonction officielle bien évidemment. Elle espérait pouvoir attirer la mystérieuse personne jusqu'à elle, à défaut de savoir où se trouvait sa planque. Tout ce que le petit elfe, Yaresh, avait pu lui dire c'était qu'il devait normalement avoir ses quartiers dans le Cercle.

Aussi, cela faisait 8 jours très exactement qu'après chacun de ses services de protectrice, elle troquait l'uniforme pour une tenue plus discrète et passe-partout, et se "baladait" dans le cercle en demandant aux personnes les moins recommandables qu'elle croisait si ils pouvaient l'emmener "le" voir.

La plupart du temps, ça se passait plutôt bien. Personne ne savait rien et ils l'envoyaient bouler, ou essayaient de la détrousser. Ca faillit tout de même mal se finir pour elle une fois ou deux et elle avait du son salut à l'intervention d'un homme gigantesque une fois, et le seconde, à un cageot de pommes parfaitement bien placé et à ses bottes de rapidité.

Le neuvième jour était arrivé. Elle avait terminé son service assez tard et c'est donc en pleine nuit qu'elle s'était mise à déambuler dans les ruelles du cercle, vêtue d'une tenue grise des plus simples.
Malgré tout, elle conservait toujours son anneau de réduction de magie sur elle. Aussi mineur était-il, ça lui permettrait peut-être de s'en tirer en cas de soucis.

Et puis, elle ne se départissait non plus jamais de son second anneau qui dissimulait ses pensées, ni de ses boucles d'oreilles qui lui permettaient de lancer un bouclier une fois par jour. Ils composaient pour ainsi dire sa seule défense et contribuaient aussi à la faire passer pour plus compétente qu'elle ne l'était. Il fallait bien faire ce qu'elle pouvait pour se faire passer pour une mage après tout. Et ça demandait quelques efforts et quelques objets magiques.
Et au-delà de ces aspects pratiques, elle avait dissimulé deux poignards dont l'un d'eux était soigneusement empoisonné. Un vieux réflexe qu'elle conservait de ses années de mercenariat.

Encore une fois, elle s'approcha d'un petit groupe de gens rassemblés et a l'air peu recommandable.

"Bonjour, je cherche le soit-disant ponte de la pègre. Des personnes aussi charmantes pourraient-elles me guider jusqu'à lui ?" lança-t-elle en leur adressant un sourire charmeur.

Oui certains diraient que sa méthode était suicidaire. Pour Christina, c'était la seule qui lui paraisse amusante. Les têtes que ses interlocuteurs faisaient valait toujours le coup d’œil. Et elle avait conscience qu'elle pouvait tout aussi bien attirer vers elle tout autre chose que le fantôme qu'elle semblait poursuivre. A moins qu'il ait vent de ses recherches et se décide à la tuer par pure précaution. De son point de vue, ce serait fort dommage. Elle avait fini par être assez curieuse de cette personne. Cependant, si elle devait disparaitre, un autre agent prendrait sa place. Ce n'était pas un soucis pour "la cause".

La jeune femme inclina légèrement la tête sur le côté tendis que la racailles avait une autre idée en tête que celle de l'aider et l'entourèrent. Le plus grand de la bande se plaça derrière elle pour l'empêcher de fuir et lui mit une claque sur les fesses. Le sourire qui n'avait pas disparu, s'étira davantage sur ses lèvres fines.

Christina savait que tout pouvait très vite dégénérer mais elle avait eu à faire avec des hommes toute sa vie. Etre une femme mercenaire demandait de savoir les gérer. Par ailleurs, elle en avait connu, intimement de tous les types. Elle n'avait pas encore testé de demi-orc mais l'idée en elle-même ne lui était pas désagréable pour autant. A ceci près que ça n'arriverait que si elle en était l'instigatrice, ce qui n'était pas le cas en l'état.

Elle était habituée à donner le change quand bien même elle serait en train de paniquer intérieurement. C'était le self-contrôle minimum réclamé. Et ce n'était pas la seule chose qu'elle aurait à leur donner.

Christina les laissa finir leur manœuvre d'encadrement sans se débattre. Son sourire dévoilait ses dents.

"Tu ne devrais pas trop présumer de tes forces petit homme." prévint-elle le plus calmement du monde.

Elle envoya un coup de pied vers le premier, qui le bloqua. Ce n'était pas un problème, il ne faisait office que de diversion pour l'aiguillon qui était sorti de son bras droit pour infecter l'homme qui, l'instant suivant, la lâcha pour se saisir de son arme qu'il leva au-dessus de sa tête, prêt à l'abattre sur son comparse...Malheureusement, Christina n'eut guère l'occasion d'en voir davantage car ils s'écroulèrent morts. Une légère moue, déçue, pinça ses lèvres alors qu'elle prenait conscience de la présence de quelqu'un d'autre. Il lui avait fait gagner de précieuses secondes et sans doute lui avait-il aussi épargné de prendre quelques coups. Mais elle aimait bien prendre le contrôle mental de l'hôte temporaire. C'était toujours marrant ! Mais trêve d'amusement, il se passait enfin quelque chose d'intéressant.

La jeune femme n'avait rien vu d'autre qu'une fine ombre passer. C'était... impressionnant. Mais flippant dans le fond. Enfin, si cette chose avait voulu la tuer ce serait déjà fait.

L'inconnu répondit à la question muette avant même que son cerveau ne la formule. Il n'était pas celui qu'elle cherchait ? Quoi qu'il en soit il était suffisamment brillant dans son domaine pour qu'elle ne le laisse pas partir comme ça.
Sans un regard de plus vers les déchets qu'il avait laissé joncher le sol, elle lui emboita le pas en se remerciant d'avoir ses bottes de rapidité pour tenir le rythme.

Jamais elle n'avait vu les gens du cercle, pour les rares qui restaient dehors en pleine nuit du moins, s'écarter aussi vite de leur chemin. Elle aurait facilement pu y prendre gout. Cependant, ils parvinrent devant une taverne dans laquelle il entra. Christina observa les lieux, et les gens présents, avec attention le temps de se faire guider vers le haut de la bâtisse.

Plus précisément, jusqu'à un homme vêtu... différemment.La jeune femme plissa légèrement les yeux comme si ça avait pu lui confirmer l'identité de la personne. Hélas, ses yeux étaient tout à fait normaux et tout ce qu'elle pouvait voir, c'était ses vêtements exotiques et un masque qui dissimulait le visage de la personne occupée à lire un courrier.

Son guide les laissa seuls et l'inconnu se présenta, à sa manière, comme étant celui qu'elle cherchait. Elle resta interdite une seconde avant de sourire et de prendre place devant lui avec une grâce toute féline.

"Si vous avez de l'eau, je suis preneuse. C'est la course plus que l'attaque qui m'a mise dans un tel état."

Elle était encore légèrement essoufflée, elle rit un peu.

"Je vous remercie de m'avoir prêté assistance et de me recevoir. Vous pardonnerez mes manières cavalières tant pour vous trouver mais n'ayant aucun réel indice pour parvenir jusqu'à vous à moins d'une enquête minutieuse qui m'aurait pris des mois au bas mots, j'ai préféré opté pour l'option la plus rapide."

Christina souriait de toutes ses dents. Il était clair qu'elle retirait une certaine fierté que son plan ait fonctionné en un sens même si elle avait parfaitement conscience que ce n'était du aussi qu'au bon vouloir de son interlocuteur. Finalement, son sourire se tarit un peu alors que son regard redevenait sérieux.

"Je souhaiterai obtenir certains objets magiques sans avoir à remplir le moindre registre ou à répondre aux questions gênantes des protecteurs."

Il était communément admis que l'achat de certains objets magiques nécessitaient de s'inscrire sur un registre auquel les protecteurs comme la garde royale avait accès dès qu'ils en faisaient la demande auprès des marchands "légaux". Par ailleurs, pour certains objets considérés comme "dangereux", il appartenaient aux commerçants de s'assurer du bon emploi de leur produit.

"Évidemment, j'aurai de quoi vous payer à la livraison."

Elle marqua un temps de pause avant de reprendre.

"Intéressé ?"

Christina grimaça. Elle était suffisamment allée s'embourber dans des marais puants et cités insalubres pour se rappeler du goût immonde de l'eau que l'on pouvait trouver dans ces taudis. sans parler des maux de ventre qui suivraient, si elle avait de la chance et que ça n'était pas plus grave. Il fallait croire qu'elle s'habituait un peu trop bien à son petit confort dans cette horrible cité... Pas si horrible du coup.

Elle hocha la tête sans se départir de son sourire.

"Je vous laisse me faire la surprise alors."

De toute façon, elle ne buvait rien qu'elle n'ait pas pas préparé elle-même. Mais refuser aurait été trop impoli. Il choisit du rhum. Pourquoi pas.

"Je vous remercie."

L'homme se demandait vraisemblablement les vraies raisons derrière un simple troc d'objets illicites. Il faut dire que les recéleurs ne manquaient certes pas. Mais il avait vu juste sur un point. Elle ignorait si il en possédait bel et bien. Cependant, ce n'était pas le plus important. L'important c'était qu'il pouvait se les procurer pour elle sans attirer l'attention.

Sans lui laisser le temps de répondre, il souhaita en savoir davantage, tout en relevant les objets magiques qu'elle portait sur elle. Au moins il avait l’œil. Le sourire de Christina s'élargit tendis que sa main jouait négligemment avec le liquide contenu dans le verre en le faisant tanguer un coup à droit à coup à gauche.

"Hé bien pour tout vous dire, j'ignore si vous en vendez directement ou non. L'intérêt pour moi c'est que vous vous les procuriez à ma place et me les fournissiez ensuite. A vous au moins on ne pose pas de question j'imagine. Cependant, si je passe par un intermédiaire, vous imaginez bien que ce n'est pas pour avoir à en souffrir par votre biais. Mon usage de ces objet ne concerne que moi. Je pense que vous, mieux que quiconque, le comprendrez."

Elle lui laissa un temps de réflexion, le temps qu'il comprenne qu'en réalité elle souhaitait l'embaucher en quelque sorte.

"Évidemment, je suis prête à vous payer grassement en or pour ce service. Concernant mon nom en revanche, je ne vous ai rien dit. Mais vous pouvez m'appeler Ivy."

Christina reposa le verre en douceur.

"Qu'en dites-vous ?"

Christina se tendit davantage. Non pas à l'évocation qu'elle puisse ne pas ressembler à une "Ivy", on lui avait déjà fait le coup, mais plutôt à l'évocation des protecteurs. Il devenait clair que cet homme était un peu trop bien informé. Les chances qu'il sache son nom réel étaient et demeuraient toutefois minces. Minces mais pas impossibles.

Elle tiqua cependant à l'évocation du clan de vampires. En était-il un ? Ou était-il juste en affaire avec eux ? Ce genre d'information est toujours utile mais elle doutait de pouvoir en obtenir davantage à l'heure actuelle.

Les yeux de la protectrice fixèrent avec tout le sérieux du monde le masque de l'homme. Elle n'avait pas répondu à ce qu'il suggérait, préférant le laisser parler et monopoliser la parole le temps pour elle de réfléchir rapidement à ce qu'elle devait faire. Ca lui posait des problèmes qu'il sache qu'elle était une protectrice. Il pourrait faire voler sa couverture en éclat et contrarier ses plans. Même si d'autres reprendraient le flambeau et que le plus dur était fait, elle préférait quand même ne pas se faire exécuter. Elle tenait à sa vie un minimum. Disons juste ce qu'il fallait.

Cependant, il ne savait visiblement pas tout. Elle n'avait nulle cousine, or il insistait là-dessus. Il se fourvoyait donc sur son identité. Un fait dont elle pourrait tirer parti. Sa confiance revenant finalement aussi vite qu'elle était partie bien qu'elle n'en montre absolument rien. Autant lui laisser croire qu'il avait la main et un moyen de la contrôler. Bon sang, elle en aurait presque ri si le moment n'était pas aussi mal choisi tant elle jubilait des menaces vides qu'il proférait.

Christina feignit un brin d'inquiétude et fronça les sourcils.

"Soit. Vous m'avez percée à jour. Je suis en effet une protectrice. Officiellement du moins. cependant, j'ai quelques visées personnelles que ne partagent pas mes collègues, ni ma cousine j'en ai peur. Ce qui ne m'empêche pas de tenir à elle cela va de soi."

Elle se mit à tapoter nerveusement, d'apparence, sur la table avec ses ongles tendis qu'elle poursuivait.

"Je fais appel à vous parce que les amplificateurs que je recherche sont des artéfacts contrôlés, en plus d'être excessivement rares. Si cela peut vous rassurer, vous n'êtes pas obligés de menacer ma famille pour avoir la garantie que vos... gens, ne seront pas inquiétés par les protecteurs. Je suis tout à fait en mesure de vous informer en avance si d'aventure une opération était orchestrée par le protectorat pour vous nuire, ou vous débusquer."

Christina se proposait donc de l'informer en cas de danger émanant du protectorat. Elle finit.

"Je n'ai de toute façon aucun intérêt à ce que vous vous fassiez arrêter puisque vous connaissez mon identité. Il semble que nos destins soient liés. Je suppose."

Elle ponctua sa phrase d'une légère moue, déçue que tel soit le cas apparemment. La femme croisa finalement les mains devant elle, revenant à leurs affaires.

"Donc, pouvez-vous m'en trouver rapidement ou pas ?"

La protectrice fit une moue déçue quand il rectifia l'histoire de sa cousine. Donc il ne s'agissait que d'une vaine menace pour elle et ses "proches". C'était moins amusant que prévu mais elle s'en contenterait. Elle se faisait passer pur proche de la rouquine, Ambre. Une collègue qui se prenait pour son amie et dont elle usait pour se fondre davantage dans la masse, n'hésitant pas à aller faire des emplettes avec de temps en temps ou l'écouter parler des heures durant de son Leckard à la noix. C'était d'un chiant ! Mais c'était nécessaire. Aussi, si ce gentil monsieur pensait s'attaquer à ses amis, la seule qu'il trouverait serait cette gamine insupportable. La tuer reviendrait à ce que la pègre déclare la guerre aux nobles puisque cette gamine était la fille de la juge de la cité, et probablement la prochaine matriarche de leur lignée. Ouais... leur famille ne ferait pas long feu. Une idée réjouissante pour Christina en un sens. Et s'il décidait de se débarrasser de Christina directement... et bien il perdrait tout. Il aurait alors au cul les protecteurs, les Heasley car elle était persuadée qu'Ambre l'appréciait vraiment,sans parler de l'Ordalie qui se ferait justice dans l'ombre si nécessaire à plus ou moins grande échelle. Le meurtre de Cristina ne ferait qu'ajouter à leur fureur et à leur motivation à achever le plan. D'un côté, elle aimerait bien voir ça. D'un autre pas vraiment puisque ça voudrait dire qu'elle serait morte...

Quant elle se fit reprendre sur le fait de parler moins fort, elle se contenta de soupirer pour signifier son ennui. C'était très effronté mais c'était ainsi qu'elle était: effrontée et sans réelle mesure. Elle détestait qu'on lui dise quoi faire et encore moins comment le faire. Cependant, elle n'allait pas froisser son fournisseur potentiel plus que de raison. Ca aurait été stupide. Or, bien qu'elle ne soit pas un génie, elle n'était pas idiote à ce point. Pas encore en tout cas.

"J'ai déjà les fonds requis pour mon achat, en sécurité évidemment."

Ce n'était pas entièrement vrai. L'Ordalie ne débloquait ses fonds que le plus tard possible afin d'éviter tout prise de risque inconsidérée ou que ça puisse se retourner contre eux. Ainsi, même avec une lecture des pensées ou une manipulation mentale, on ne tirerait rien de Christina qui ignorait totalement où était entreposé l'argent ou comment il faisait son apparition chez elle en temps et en heure.

Christina lui adressa un sourire amusé. Il était clair pour toute personne saine d'esprit que la protectrice avait un problème avec la gestion du danger potentiel, puisqu'elle semblait ne pas vraiment le prendre en considération. Du moins, dans son attitude.

"Je vous l'ai déjà dit, je veux avoir des amplificateurs, ces choses sont rares. Et vous n'êtes pas sans savoir qu'ils sont interdits ici à Targatt. Le seul moyen d'en posséder un est de l'avoir hérité d'un parent et encore, vous êtes fichés pour leur possession. Je ne vais pas vous apprendre qu'il en existe de plusieurs sortes, de rangs différents. Certains ne permettant qu'une brève et faible amplification magique alors que d'autres permettraient de décupler une trentaine de fois les magies employées, à ce que l'on raconte du moins. Dans l'idéal, je souhaiterai acquérir les plus puissants que vous saurez me dégoter. Il m'en faudrait..."

Elle fit rapidement le compte.

"...8. A moins que vous ne soyez en mesure de me fournir exclusivement les plus puissants, dans ce cas, j'en aurai besoin de 12."

Pour un tel type d'objet, elle savait qu'elle demandait beaucoup. Mais elle préférait demander plus de sorte qu'en cas de soucis, il lui fournirait sans doute au moins le véritable nombre dont elle avait besoin. Une manière d'assurer qu'elle serait fournie quoi qu'il arrive.

"Combien de temps cela vous demandera ?"

La femme plissa légèrement les yeux tendis que l'homme masqué posait ses conditions et détaillait ce qu'elle pourrait avoir, ou pas dans les temps. D'ordinaire, elle n'était pas pressée par le temps. Cependant, le fait qu'elle ait déjà commencé à faire bouger différents pontes du marché noir, avec la possibilité qu'ils attirent l'attention sur elle, la contraignait à ne prendre aucun retard. Ses contacts lui avaient assuré avoir un amplificateur à lui donner en cas de nécessité. Mais un n'était pas suffisant pour atteindre l'ampleur souhaitée. Il ne devait toutefois pas s'en faire pour l'argent. Elle bénéficiait des soutiens adéquats. Et en cas de prix trop élevés même pour eux, il y avait toujours un plan B.

Aussi, son fin sourire finit-il par reprendre sa place sur ses lèvres tendis que ses yeux noisettes pétillaient de ravissement à ces "bonnes" nouvelles que l'inconnu lui donnaient.

"Rassurez-vous je peux payer les 8 mais vous comprendrez bien que je ne le ferai pas d'avance considérant à qui j'ai affaire. Il serait déplorable que vous preniez l'argent sans me fournir les objets et, hélas, il va de soi que je ne pourrai pas aller voir les protecteurs pour m'en plaindre. Aussi, vous comprendrez que vous ne toucherez l'argent que lorsque je prendrai possession de mes petits bijoux."

Christina se reposa davantage dans le fauteuil, visiblement à l'aise.

"Par ailleurs, je ne peux me payer de luxe de l'attente. Je prendrai donc tout ce que vous avez en stock et que vous êtes capables de me fournir en deux jours et ne paierai pas plus."

En vérité, elle pensait avoir le luxe d'attendre une troisième journée mais c'était prendre le risque de se faire doubler. Et elle ne voulait pas lui laisser trop de temps pour penser à une manière de rentabiliser encore davantage. Par ailleurs, Christina n'en était pas à ses premières activité illicites, bien que ça ne soit d'ordinaire pas avec des mages, le mode de pensée restait le même à peu de choses près. Elle se doutait que les objets seraient déjà en leur possession avant les trois jours. Ce genre de personnes aimaient se laisser une marge de manœuvre. Mais elle comptait bien jouer sur la valeur de ce qu'elle demandait. C'était en réalité, et pour chacun des pontes, presque l'affaire de l'année pour eux en termes de bénéfices. Qu'il refuse maintenant lui reviendrait à s'asseoir sur un profit immédiat plus que rentable et sans doute nécessaire pour lui garantir la stabilité de ses activités, voire même de les étendre. Personne ne rechignerait à accélérer un peu le mouvement et à presser la vente, pas pour un tel gain.

Elle avait tiqué sur le paiement en nature, son sourire s'étirant davantage.

"Sachez que si j'acceptais de payer en nature, ce serait d'abord pour mon bon plaisir bien avant de satisfaire mes affaires. Or, j'apprécie de voir le visage de ceux avec qui je règle de genre de question avant toute... entreprise."

Une manière polie de convenir qu'elle ne ferait rien si elle ne le trouvait pas suffisamment attrayant physiquement. Cependant, pour qu'il emploie une telle méthode c'est qu'il n'était vraiment pas près d'être sur la paille. Un point intéressant. S'il était aussi puissant, il y aurait peut-être moyen d'en tirer profit... une fois leur affaire conclue et son contrat pour l'Ordalie achevé.

"A part mes amplificateurs, je n'ai besoin de rien d'autre." conclut-elle d'une voix amusée.

Christina avait beau être une tête brulée, elle n'était toutefois pas totalement inconsciente et n'oubliait pas que face à des mages, elle ferait toujours difficilement le poids. D'autant plus que pour de ce qui était de cet homme, elle n'avait pas pu identifier de quelle espèce il était à cause notamment de son masque. Ainsi... les options étaient bien trop floues pour qu'elle se permette de combattre. Sans parler du fait qu'elle avait besoin de ces objets dans le temps imparti.

Aussi, les menaces firent leur effet. La blonde considéra ses options en silence tendis que son hôte faisait son petit laïus et ne manqua pas de remarquer le retour du vampire qui lavait initialement "sauvée" de la ruelle et qui, dans son dos, avait presque toute latitude pour la tuer de la même manière que ces balourds. Or, elle tenait un minimum à sa vie. Même si elle mettait un point d'honneur à s'acquitter de ses missions, elle ne prenait pas de risques inconsidérés non plus.

Elle prit connaissance de la somme sans sourciller, conforme à ce qu'elle avait prévu.

"Vous vous doutez bien que je ne me balade pas dans ces quartiers avec une telle somme sur moi. Ce serait encore plus suicidaire que de clamer haut et fort que je vous cherche."

Elle inclina doucement la tête sans lâcher son interlocuteur du regard. Il avait beau lui avoir mis un joli coup de pression et lui avoir rappeler ses propres...nécessités, il fallait aussi qu'il revienne à la raison de son côté. Une fille seule qui se baladerait en pleine nuit dans ce quartier avec une somme aussi colossale ne ferait pas long feu.

"Vous aurez la première moitié une heure après que je sois sortie d'ici."

Quand aux "problèmes" qu'il lui promettait, elle espérait ne pas avoir à les subir. Elle était trop occupée pour avoir en plus cela à gérer.

Tendis qu'il la congédiait, elle se releva avec grâce et contourna la table pour aller jusqu'à lui en détachant sa ceinture pour laisser son arme tomber au sol. Un moyen de lui faire comprendre qu'elle ne comptait pas le combattre. Elle entreprit de détacher les premiers boutons de son veston jusqu'à dévoiler le haut de sa poitrine. Elle plongea sa main dans un poche cachée à l'intérieur de celui-ci et en sortit cinq pièces d'or. Ce n'était rien en comparaison de ce qu'elle devait mais c'était tout ce qu'elle avait sur elle actuellement pour lui assurer de son sérieux.

Elle posa les pièces devant l'homme masqué.

"En gage de ma bonne foi. Évidemment, si vous n'avez pas confiance en moi, vous ou votre... compagnon, pouvez m'accompagner jusqu'à chez moi."

Elle adressa un sourire en coin à l'assassin tendis que son regard trahissait un brin d'envie.

"Ou tous les deux."

Elle se redressa sans prendre la peine de refermer son veston et fit demi-tour, retournant vers les escaliers pour s'en aller.