Ascension fulgurante de souillon à gratte-papier

Saéline était pour ainsi dire enceinte jusqu'aux yeux, mais les piles de documents qui s'accumulaient sur son bureau montait encore plus haut. L'elfe aimait bien sa nouvelle occupation, elle faisait partie des personnes qui appréciaient l'odeur des parchemins et la délicatesse des systèmes de classement. Elle était assez directive pour mener à la baguette sa petite armée de personnel administratif et assez charmante pour s'en faire en même temps apprécier. Le travail ne manquait pas, en tant que chambellante elle s'occupait de l'organisation de toutes les réceptions officielles et de la garde robe de la reine. Mais cette dernière lui avait également confié la gestion - ou plutôt la reconstitution - des archives royales.

Une bonne partie avait été perdue lors de la fuite de feue la reine Asotria, et le Grand Argentier de la couronne avait également eu la bonne idée de garder chez lui les livres de comptes de royaux et de décéder dans l'explosion de son laboratoire, faisant partir en fumée de précieux documents. Saéline comptait bien aller demander quelques explications aux Bones un jour ou l'autre pour ce comportement irresponsable. Mais en attendant, il fallait bien gérer la cité et le cabinet du ministère des finances était bien embarrassé de la situation. L'intendant du palais et la chambellante tâchaient donc de leur prêter main forte, mais le personnel compétent manquait. Le maître d'hôtel avait donc consenti avec moult regret et indignation - car la place des roturiers n'étaient certainement pas aux côtés des ministres - à ce que les plus lettrés des domestiques participe à cet effort de reconstruction administrative.

Il aurait en principe fallu embaucher du personnel de bonne famille et compétent pour la tâche, mais outre l'urgences, cela aurait constitué un coût supplémentaire que la couronne ne pouvait pas trop se permettre. Ou du moins on le supposait puisque la visibilité sur la trésorerie était pour le moins floue. Saéline avait donc convoqué les quelques domestiques qu'on lui avait indiqué comme pouvant se montrer utile, parmi eux se trouvaient une esclave récemment affranchie qu'Aewiel lui avait recommandé.
Saéline, assise derrière son bureau posa à ses nouvelles recrues une petite série de question afin d'évaluer leurs compétences en lecture, écriture, calcul et administration afin de décider de leurs affectations.

La pluie frappait sur les carreaux que j’avais soigneusement lustré la veille. Les mains sur les hanches j’observais cela avec un léger sentiment de lassitude. On aurait dit que la nature était contre moi. Je venais de passer une semaine à redoubler d’efforts, que tout soit parfaitement nettoyer pour le bal de la reine qui aurait lieu en cette fin d’année et voilà qu’il fallait que j’entretienne de nouveau ces vitres. Au loin le tonnerre grondait, la tempête me renvoyait une image de mon passé pourtant pas si veille. Il y a quelques mois de cela, avant que le groupe d’esclavagiste qui me vendait face halte dans cette cité nous avions fait halte dans un hameau. L’esclavagiste voulait écouler un peu leur produit là -bas. C’était mon tour d’être mise en vente, il pleuvait ce jour-là, on m’avait forcé à parader devant la foule. J’avais froid , mon prix était trop élevé pour les habitants… L’envie de retrouver ces esclavagistes et de leur payer cette pratique foncièrement inhumaine se faisait ressentir mais cela faisait bien longtemps que je ne m’étais plus battue et il ne faut pas être devin pour comprendre que suis complétement rouillé.
J’étais en train de nettoyer le mobilier du couloir , prenant soin d’épousseter la poussière dans les moindres recoins. Les autres servant au palais disait de la reine qu’elle était assez à cheval sur tout ça. J’entendis un bruit de pas derrière moi puis une voix familière me parvenait. C’était Aewiel, visiblement une personne du palais et relativement éminente m’avait convié à un entretien. Je répondis à l’officière de la garde par l’affirmative avant d’observer ma tenue dans un des miroirs de l’immense couloir. Je n’étais clairement pas présentable et mon tablier de servante ferait réellement pâle figure. Je désertais alors me tâche domestique pour rejoindre ma piaule. J’enfilais à la hâte une des tenues les plus présentables que je pouvais avoir pour ensuite me recoiffer rapidement.

Je quittais donc ma chambre avant de déambuler dans les couloirs à al rechercher du bureau de la dame qui voulait me voir. Surprise par cette nouvelle je ne savais guère quoi en penser. J’appréhendais, vais-je fait quelque chose de mal ? Ne suis-je vraiment pas performante dans mon travail ? Mon pas se faisait lent, le temps de réfléchir aux centaines de possibilités. J’vais enfin un travail, j’avais quitté l’esclavage…Je paierais cher pour que cette situation puisse perdurer. Je me retrouvais donc, au grés de mes pensées devant la porte du bureau de l’aristocrate. Hésitante j’attendis quelque peu avant de frapper a la porte.

- C’est Leliana Mademoiselle…Euh pardon Madame !

Un domestique en livrée ouvrit la porte et regarda une liste qu'il tenait à la main.

- Leliana Imelheim ?

Il toisa Lelianna de la tête aux pieds avant de la faire entrer dans une petite anti-chambre un peu sombre.

- Vous allez rencontrer notre Chambellante, son Excellence Saéline Adelung. Vous ferez votre révérence et vous vous adresserez à elle en disant "votre excellence" et non "madame". Vous ne poserez pas de questions et vous répondrez aux siennes avec concision. Son Excellence n'a pas de temps à perdre avec des subalternes, surtout dans sa condition. Est-ce clair ?

L'homme n'attendit pas vraiment de réponse. Il la regarda encore une fois et sembla trouver sa tenue suffisamment correcte pour qu'elle puisse être admise devant la ministre. Il l'amena donc vers le bureau gardé par des soldats en uniforme qui ouvrirent les portes. Cette seconde pièce était beaucoup plus lumineuse. Les hautes fenêtres ne laissaient voir que des rideaux de pluie à l'extérieur, mais des chandeliers magiques diffusaient une lumière agréable et un feu brûlait dans l'âtre. Une servante veillait sur les flammes pendant que quelques fonctionnaires discutaient avec la chambellante. Ils s'adressaient à elle avec précaution, comme pour la ménager, mais Saéline leur répondait comme si de rien était sur un ton ferme et enthousiaste. Elle s'interrompit en voyant arriver la servante.

- Leliana Imelheim, votre Excellence. Annonça le domestique avant de s'éclipser.

La chambellante était une elfe, et Lelianna n'en avait sûrement jamais vue de semblable. En comparaison avec les elfes sylvains que l'ancienne esclave avait pu croiser, Saéline avait des oreilles bien plus longues, elle semblait plus grande et un peu plus musclée. Elle était aussi enceinte, un fait assez rare chez les elfes pour être remarqué. L'elfe repoussa une mèche de sa chevelure dorée et leva vers Lelianna son regard améthyste en souriant avec bienveillance.

- Bonjour Lelianna. Je voudrais en savoir un peu plus sur toi. De ce que m'a dis Aewiel, tu as appartenu à un commerçant. Est-ce que tu sais lire, écrire et compter ? Que faisais-tu pour lui ?