État des lieux. (PV) (TERMINÉ)

Le capitaine des protecteurs avait fait de son mieux lors de l'attaque des démons, mais les forces démoniaques s'étaient avérées trop puissantes pour une jeune commandante manquant d'expérience comme elle. Elle ne parvenait pas à se souvenir du reste des combats, elle se rappelait seulement la sensation d'une lame froide pénétrant sa poitrine, puis ce fut le vide. Elle se souvenait vaguement avoir vu une lumière éblouissante, puis elle s'était éveillée dans le lit qui occupait son bureau de la caserne. Un jeune homme était au-dessus d'elle et semblait parler à son capitaine en second. Elle ne le connaissait pas, mais son armure semblait indiquer qu'il appartenait à l'ordre des paladins. Elle aurait bien aimé demander à son capitaine en second la raison de sa présence dans la caserne, les paladins n'étant pas des soldats du royaume et n'ayant aucun droit d'être ici, mais elle n'avait plus la force de ne rien faire. Elle était épuisée, comme si elle avait livré le plus dur combat de sa courte vie. Finalement, le capitaine en second lui assura qu'elle prenait les choses en main et qu'elle pouvait se recoucher. Elle avait sagement écouté cet homme à qui elle confierait sa vie et avait replongé dans le sommeil.

Elle s'éveilla deux jours plus tard, la gorge sèche et le ventre vide hurlant à la famine. Heureusement, on avait laissé une assiette de viande et un pichet d'eau près d'elle. La viande était froide et infecte et l'eau tiède, mais elle s'en contenta, avalant goulûment ce premier repas depuis fort longtemps. Elle remarqua finalement sa nudité et se surprit à rougir en espérant ne pas avoir été dénudée par l'un de ses soldats. Posant avec précaution un pied par terre, elle enfila ses habits et son armure du mieux qu'elle le put, finissant par glisser sa longue épée dans son fourreau avant de la glisser à sa ceinture. Une note était laissée sur le bureau, la reine voulait la voir dès qu'elle serait remise. Sans doute un simple état des lieux. Sans demander son reste, elle sortit de son bureau sous les regards médusés des soldats qui croyait qu'elle était dans un état critique. Certes, elle était encore fatiguée, mais possédait une endurance à toute épreuve. Sa reine la demandait, elle obéissait, peu importe son état.

Alors qu'elle sortit de la caserne, elle remarqua enfin la cité qui s'étendait devant elle. Le calme semblait revenu, mais il y avait encore des traces de sang ici et là et certains bâtiments étaient en piteux état. Elle détourna le regard, se promettant d'affecter des hommes à la reconstruction avant de s'avancer vers le palais en lisant le parchemin qu'elle avait trouvé sur son bureau. Son capitaine en second avait dressé un état des lieux sommaire et la jeune femme pinça légèrement des lèvres en voyant le nombre de morts. Il lui restait un nombre de troupes respectable, mais elle avait tout de même perdu une bonne partie de ses effectifs. Tous les mages du système de communication étaient morts ou dans un état graves. Beaucoup d'officiers étaient tombés... Il faudra des semaines, voir des mois pour tout remettre en place.

Sur ses sombres penser elle s'arrêta devant la porte du palais. Les deux gardes royaux devant la porte lui demandèrent de s'identifier, lui faisant hausser un sourcil. Comme si ses idiots ne la connaissaient pas. Encore des gardes royaux au rabais se croyant plus fort que les protecteurs. Malgré tout, elle obéit sans cacher son déplaisir.

-Elecia Asariah, capitaine des protecteurs de Targatt. J'ai rendez-vous avec la reine.

Sur ses paroles, elle entra dans le palais, escortée par un membre de la garde royale. Ce dernier avait tenté de la désarmer, mais la jeune femme lui avait bien fait comprendre qu'il mourrait en essayant. Elle était une soldate et son arme représentait sa vie. Personne n'avait le droit de s'en saisir. De plus, elle était théoriquement bien plus haut placée que ses gardes. De quel droit lui donnait-il des ordres? Enfin... Elle chassa ses pensées et s'arrêta devant le trône. La salle était presque entièrement vide et seuls la reine et quelques elfes étaient posés près du trône. La jeune femme s'agenouilla devant Luthien, se souvenant au passage de ses origines. Avaient-ils le pouvoir de sentir qu'elle possédait une fraction de leur sang? C'était peu probable puisqu'elle ne possédait aucun de leur trait. Elle n'avait hérité que de leur vision nocturne et sur de courtes distances. Elle baissa la tête avec respect et dite d'une voix forte et claire.

-Capitaine Asariah du protectorat, à vos ordres Majesté. Vous m'avez fait demander et je suis désolé d'avoir mis aussi longtemps pour répondre à votre appel.  


Contrairement à ce qu'elle pensait, Sa Majesté Luthien semblait inquiète concernant son état de santé. La vérité était qu'elle se sentait faible. Elle avait encore parfois des migraines et des pertes d'équilibres. Mais Elecia était avant tout un soldat. Aussi, elle répondit avec aplombs.

-Je ne me suis jamais senti aussi bien, votre Majesté.

Elle n'avait jamais excellé en mensonge, mais elle espérait que la reine ne remarque rien. La dernière chose dont elle avait besoin était d'apprendre que son capitaine n'était pas en état de livrer bataille. Seulement, elle avait appris une dure leçon aujourd'hui. On lui avait appris à commander des hommes et elle pouvait se vanter de le faire avec brio. Cependant, elle ne connaissait rien de l'art du haut commandement. Elle devrait sans doute rengainer son arme et apprendre à combattre depuis l'arrière des lignes. Une partie d'elle-même se révoltait à cette idée, mais elle avait juré de défendre Targatt. Elle avait rejoint les protecteurs pour cette raison et elle était devenue la capitaine de ceux qui combattaient pour cette cité. Elle agirait donc comme un capitaine, ce qu'on attendait d'elle. Même si elle n'était pas heureuse de cet état de fait.

Elecia se releva rapidement devant la reine qui était bien assise sur son trône. Le trône de Targatt, l'artefact qui donnait aux souverains de la cité leur puissance et leur autorité. La jeune capitaine avait elle-même postulé pour prendre les commandes de la cité, mais le conseil qui avait choisi les membres aptes à procéder à la cérémonie avait rejeté sa candidature. En cause, les actes qu'elle avait perpétrés durant le long règne de Drake. Pourtant, elle avait simplement obéi aux ordres, comme tous les protecteurs avant elle. À vrai dire, elle se doutait de ce qui s'était passé. Son altercation avec le juge avait sans doute joué en sa défaveur et lui avait fait perdre le soutien qu'elle aurait pu espérer obtenir. Elle avait donc raté la chance de devenir reine. Cependant, elle avait tout de même juré son allégeance à Luthien. Comme tous les officiers et membres du gouvernement actuel. Au moins, il s'agissait d'une femme qui semblait vouloir guider Targatt vers une paix durable. Ça changeait de l'inaction d'Astoria et du règne de terreur de Drake.

Elle chancela légèrement sur ses jambes en se relevant, mais la capitaine se reprit rapidement. Son armure était lourde sur ses épaules et elle rêvait de regagner sa demeure pour dormir des jours entiers, histoire de chasser cette fatigue qui l'accablait. Cependant, elle devait donner bonne impression à la reine. Elle avait été tuée pendant la guerre et par sa faute, beaucoup de protecteur et de civil avaient perdu la vie. Elle avait choisi de prendre la tête de ces troupes sur le terrain aux lieux de reste en sécurité dans le palais et elle avait chèrement payé cette erreur. Elle ne comptait plus refaire de pareilles gaffes. Elle s'éclaircit la gorge et commença donc son rapport de la situation.

-Les opérations d'évacuation de la population furent un succès. La plupart des civils de notre cité furent conduits dans les galeries sous le cercle ou hors de la cité par certaines sorties secrètes. Les protecteurs ont assuré leurs protections, si bien que nous n'avons heureusement aucune perte à déplorer parmi ceux que nous avons protégés. Malheureusement, certains civils ont refusé d'évacuer et beaucoup sont morts. Mes hommes patrouillent encore les décombres à la recherche de corps, mais nous évaluons pour l'heure les pertes civiles totales causées par la guerre à près de 300 hommes et femme. Mais puisque des corps s'ajoutent d'heure en heure, je ne pourrais vous donner les chiffres finaux que dans quelques jours.

Elle comptait bien faire comprendre, avec raison, que les pertes civiles étaient pour la plupart la cause des idiots voulant jouer aux héros ou refusant d'écouter ce que les protecteurs avaient à leur dire. Les civils qui avaient suivi les protecteurs étaient tous vivants, sans exception, ou presque.

-Concernant les effectifs des protecteurs, nous avons perdu 172 soldats et 8 officiers. De plus, une centaine de protecteurs sont actuellement blessés et pris en charge par les différents soigneurs de la cité. Il ne me reste actuellement que 120 protecteurs en état. Pour l'heure, nous faisons notre possible pour maintenir l'ordre dans la cité, car de nombreux pillards ont déjà été arrêter. Cependant, ces pertes sont énormes et je ne possédais déjà que peu d'hommes sous mes ordres pour assurer la paix dans une cité aussi grande que Targatt. Nous avons aussi perdu le réseau de communication que je devrais reconstruire. Je ne puis que prier pour pouvoir recruter efficacement de nouveaux soldats dans le protectorat, car le faible nombre que nous sommes ne peut protéger efficacement cette cité. J'ai d'ailleurs pris la liberté de ne protéger que les quartiers Vodrel et Tamarang pour l'heure. J'ai préféré protéger ces deux quartiers, laissant la garde royale s'assurer de la protection du palais et de ses alentours. Concernant les alentours de Targatt, vous aurez compris que cela m'est impossible, malgré le retrait de la grande armée.

Elle laissa pendant quelques secondes le silence s'installer dans la salle du trône pour que la reine puisse analyser correctement les informations désastreuses qu'elle venait de se faire servir. En clair, les protecteurs déjà peu nombreux ne pouvaient plus protéger efficacement la cité. Ils ne pouvaient pas participer à la reconstruction et devaient se contenter de maintenir l'ordre dans les deux quartiers aisés de Targatt, délaissant complètement le cercle, les alentours du palais et de l'académie pour l'instant. Malheureusement, il valait mieux agir ainsi que de tenter vainement de parcourir toute la cité. Elle se refusait aussi à faire travailler ses hommes trop longtemps. Sans quoi ils seraient des cibles faciles.

-Durant les prochaines semaines, je vais prendre la liberté d'accentuer le recrutement des protecteurs. Je vais aussi inclure la possibilité pour les nouveaux arrivants en ville d'intégrer les protecteurs. Ainsi, nous pourrons espérer avoir une unité de protectorat complètement opérationnelle d'ici un an.

Elle s'arrêta une nouvelle fois et inclina la tête pour indiquer qu'elle avait terminé son rapport. Maintenant, la reine était libre d'invalider ses propos ou encore de lui donner de nouvelles directives. Bien sûr, la plupart de ses plans n'étaient pas encore en place et elle devrait s'en occuper dans les prochains jours. Le remplacement de simple soldat serait plutôt facile. Mais le remplacement des officiers serait plus difficile. Elle voulait des hommes et des femmes fiables qui lui seraient fidèles et qui ne tenteraient pas de la poignarder dans le dos. Au besoin, elle pourrait promouvoir quelques membres de sa famille, ce qu'elle comptait déjà faire, pour assurer une chaîne de commandement fiable.