[Event] La Danse de Jais (PV) (TERMINÉ)

Trouvez et éliminez les menaces isolées, mais redoutables, qu'il disait. Lorsque l'esclavagiste avait reçu l'ordre de mobilisation, elle se voyait déjà recevoir toutes les missions suicides possibles et imaginables. Après tout, une Drow marchande d'esclaves sous le joug d'une reine Elfe anti-esclavage ne pouvait espérer rien de mieux. Elle oubliait cependant que cette pâle souveraine était de nature bénéfique et que, en tant que telle, il lui était plus difficile de sacrifier gratuitement une âme, aussi sombre fut-elle. Dès lors, les ordres donnés par le vice-capitaine du protectorat se révélèrent bien plus pragmatiques qu'idéologiques. Le commerce de Myada offrait deux types de soldats. En premier lieu, il y avait les esclaves guerriers, taillés pour être des champions d'arène, des gardes du corps, voire même des assassins. Ceux là avaient été envoyé avec le gros des troupes. Mais l'elfe sombre elle même avait prit la tête de ses petit frères, les mâles Drows qui l'avaient accompagnée lors de sa fuite d'Outre-Terre. Ensemble, ils étaient les derniers survivants de la Maison Fu'Tha, dont ils avaient eux même provoqué le génocide. Tous étaient ses disciples, élèves et serviteurs... Tous avaient reçu l'entraînement des guerriers Drow, aussi bien soldats qu'assassins, une unité d'élite dont chaque membre pouvait espérer être embauché pour éliminer les proies les plus inatteignables. Myada avait entièrement confiance en eux et pour cause, c'était elle qui les avait entraînés, aussi bien dans l'art de la guerre que dans l'art des arcanes. Le vice-capitaine avait bien comprit l'intérêt que revêtait une telle troupe. Son expértise l'indiquait à la traque et à l'élimination de cibles dangereuses, bien plus qu'à une quelconque efficacité en bataille rangée. Bien sûr, les petit frères de Myada auraient certainement fait un carnage dans une mêlée, mais cela aurait été un gaspillage pure et simple de ressources.

La proie de l'elfe sombre était toute désignée : la figure encapuchonnée qui suivait les combats, récoltant les corps pour des raisons obscures. Les autorités s'inquiétaient du fait qu'il pouvait s'agir d'un démon ou, à défaut, d'un agent à leur service, chargé de capturer les blessés dans le but de les corrompre, ou tout simplement de ramasser les cadavres dans l'optique de se faire une armée nécromantique. La guerre laissait dans son sillage suffisamment de morts...

Si plus de la moitié des mâles Drows étaient restés à la boutique pour en assurer la sécurité, Myada était venue sur le front avec pas moins de trente deux de ses petit frères. La sorcière encapuchonnée ayant disparut après avoir causé quelques dommages, la retrouver n'allait pas être des plus faciles. Les elfes noirs s'étaient donc répartis par petit groupes de trois. Chacune de ces unités arpentait les rues, ruelles et toits du quartier où leur proie avait été vue. Ces trios comportaient soit un individu capable de contacter les autres télépathiquement, au moins un élémentaliste pouvant générer un signal visuel propice à alerter les autres. Outre ces sorts, chaque trio comportait au moins un spécialiste du combat à distance munis d'un arc, un spécialiste du combat rapproché armé d'une paire de lames courtes et un saboteur, porteur d'une sacoche remplie de diverses préparations alchimiques. Tous, évidemment, utilisaient les venins les plus communément utilisés en Outre-Terre. La seule unité qui n'obéissait pas à cette règle était celle de Myada, elle même prenant la place du saboteur de son propre groupe. Ces 11 trios de chasse évoluaient dans le quartier des temples, à la recherche leur cible. L'ordre était simple : s'ils parvenaient à la repérer sans être vu eux même, les Drows devaient alerter leurs frères d'arme le plus discrètement possible. Dans le cas contraire, leur but était, sinon de maîtriser la proie, au moins de l'occuper le temps que d'autres renforts arrivent.

Myada avait estimé que le Quartier des Temples était l'endroit où il était le plus probable de débusquer la fameuse voleuse de cadavres. Après tout, les rues étaient encore jonchées de nombreux corps et si la cible n'avait tout simplement pas prit la poudre d'escampette, il y avait fort à parier qu'elle reprenne son activité première, attendant sagement que le gros des troupes ait définitivement quitté les lieux. Aussi, comme plusieurs des trios de chasse, l'esclavagiste avait fais le pari de surveiller les corps, restant le plus discret possible. Elle avait, pour l'occasion, troqué sa minimaliste tenue écarlate pour une étoffe gris-sombre, tout aussi minimaliste... Et, évidemment, elle avait laissé les bijoux au placard. Avec tous ces préparatifs, il ne fut pas difficile de débusquer Johanne. Cette dernière était effectivement revenue piller le champ de bataille. Lorsque l'un des spiritualistes de l'elfe à peau d'ébène la repéra par le biais de la scrutation, il relaya l'information aux unités les plus proches. Myada elle même, ainsi qu'un autre trio, répondirent à l'appel. La voleuse de corps allait devoir composer avec neuf membres de son espèce qui, s'ils n'étaient pas tous mages, étaient tous prêts à en découdre.

Arrivés sur place, Myada et les siens observèrent un peu la cible. C'était fascinant à quel point cette dernière semblait ne pas se soucier de son propre sort. L'esclavagiste se doutait que sa proie disposait d'un moyen de se protéger, mais la hiérarchie n'avait pas pu lui transmettre plus de détail. Tout ce qu'elle savait, c'était que quelqu'un avait perdu un bras et qu'un autre avait brûlé. Elle et son groupe étaient postés sur un toit proche. Ce n'était pas le plus haut, justement pour que l'ombre d'un bâtiment voisin obscurcisse leur présence. L'archer de son groupe encocha une flèche empoisonnée à son arc, visant soigneusement. Myada espérait bien capturer sa cible vivante, aussi les venins n'étaient pas mortels. Visant soigneusement une jambe, le petit frère tira.

Comment on pouvait s'y attendre, la cible laissée bien en évidence au milieu de la place était un piège. En voyant l'archer de son trio écoper d'un trou dans la cuisse, exactement au même endroit que la blessure subie par la figure encapuchonnée, Myada comprit instantanément la nature du piège. La proie du clan Fu'Tha était bien plus redoutable qu'anticipé, mais aucun des Drows en présence ne se laissa impressionner. Le guerrier obscure blessé par sa propre attaque se retrouva rapidement emprisonné dans une tornade, alors même qu'il luttait - en vain - contre le poison qu'il avait lui même appliqué sur ses flèches. Mais personne ne vint à son secours, chacun observant la scène, attendant que l'ennemi se révèle en surveillant la leurre qui, bien que représentant une menace, n'était pas immédiatement intéressante. Dans tous les quartier, les petits groupes de trois chasseurs Drows approchaient de la zone, tous inconscient du danger réel vers lequel ils s'avançaient. L'esclavagiste demeurait cependant prudente, demandant au second membre de son trio de reléguer l'ordre d'attendre à distance. Ignorant tout des capacités de l'ennemi, il était impensable de jeter toutes ses cartes dans un jeu dont les règles n'étaient pas encore clairement établies.

Grand bien lui prit car, une fois que les deux tiers de ses assassins furent dans la zone, une part observant des ombres des ruelles, l'autre scrutant depuis les toits, les détonations commencèrent à retentir. En moins de temps qu'il ne fallait pour le dire, les bâtiments s'effondraient les après les autres. Les elfes sombres situés au sol furent ceux qui subirent le plus de dégâts et, malgré leur entraînement intensif et leur dextérité naturelle, cinq mâles Drows se retrouvèrent ensevelis sous des tonnes de pierre et de bois, tandis que quatre de plus étaient assez gravement blessés pour ne plus représenter une menace de poids face à quelqu'un d'aussi dangereux que leur cible. Les autres avaient pu profiter de leurs talents accrobatiques pour éviter de se blesser trop gravement, n'écopant que de quelques griffures et contusions. Myada elle même n'avait aucune blessure. Même si elle n'était pas aussi agile que ses petits frères les mieux entraînés, il lui avait suffit de modifier la structure de ses os, diminuer la densité de sa musculature et créer une membrane sous ses bras pour ralentir sa chute. Glissant au travers du nuage de suie, l'esclavagiste fila vers la Poupée Miroir, la percutant de la main.
Une âme pour une âme.
La Drow sentit le choc dans sa poitrine de son propre poids allégé. Mais elle avait anticipé en renforçant son sternum. Profitant de son élan, elle fit basculer la leurre en arrière, pour finir à califourchon dessus. Elle la retint den sa chute, le poing serré sur son col, afin d'éviter qu'elle ne se cogne. Par ce contact, l'esclavagiste sentait la nature de la créature, elle captait toute la finesse de la magie noire mise en oeuvre pour créer un tel pantin de chair. Mais ce n'était pas le moment d'apprécier le génie de son adversaire, il fallait neutraliser la menace. Puisant dans son énergie profane et obscure, la donzelle à la peau de jais injecta des ondes métamorphiques dans le corps de la Poupée. Les articulations de cette dernières, épaules, coudes, poignets et genoux, se solidifiaient. En l'espace d'une seconde, le pantin de chair morte n'était plus capable de bouger bras et jambes.
Une âme pour une âme.
Myada sentait ses propres articulations durcies comme de la pierre... Mais s'il y avait bien une chose qui lui appartenait, c'était son propre corps. L'elfe sombre avait suffisamment expérimenté sur elle même pour avoir appris comment changer rapidement son propre organisme, ce avec une dépense minime de puissance arcanique. Elle se releva, ses genoux toujours aussi souples qu'à l'accoutumée. Maintenant, il fallait trouver la personne qui se cachait derrière la Poupée Miroir. Tandis qu'elle se redressait, la Drow sentait son coeur palpiter... L'adrénaline ? Non, ça ne pouvait pas être ça, c'était différent, plus oppressant. Serrant les dents, l'esclavagiste comprit. L'ennemi était décidément très dangereux et utilisait des méthodes dignes des plus sournois habitants d'Outre-Terre. Déformant sa gorge, le temps de crier, elle projeta sa voix dans toute la place :

- Elementalistes, dispersez la poussière ! Spiritualistes, traquez la présence de la cible ! Vous risquez de subir les blessure que vous infligez, alors visez pour blesser et n'attaquez pas tous en même temps ! Elle contrôle des pantins de chair morte, animés par magie noire, leur présence devrait être minime !

S'exécutant, les petits frères de l'esclavagistes qui maîtrisaient la magie élémentaire créèrent plusieurs courants aériens. Leurs efforts coordonnés nettoyèrent la suie, du même coup, le poison qui flottaient dans l'air. Les spiritualistes traquaient la proie, cherchant sa présence dans les environs. Reformant des groupes de trois, autour d'un de ces traqueurs spirituels, les Drows resserraient le cordon autour de la cible. Si la stratégie était efficace, il permettait également à Johanne de repérer plus facilement lesquels des mâles elfes noirs étaient ceux qui scannaient la zone de leur esprit. Myada, de son côté, fouillait le corps paralysé de la poupée, dans l'espoir d'y trouver des objets ou informations qui pourraient lui en apprendre davantage sur leur cible.

Myada tourna la tête vers le premier de ses petits frères à tomber, terrassé par l'aiguille de l'ennemi. Le mâle Drow, un assassin rompu aux arts du combat, avait eu le réflexe de pivoter en sentant son poumon se perforer. Ce mouvement avait évité que le coeur ne soit atteint, mais la toxine qui enduisait la pointe de métal fit pleinement son office. Dans un effort de solidarité, l'homme envoya un message télépathique. Ses compagnons les plus proches purent seulement comprendre les mots "aiguille" et "poison" avant que le messager ne sombre définitivement. Le message fut rapidement relayé aux spiritualistes de la troupe, qui eux même propagèrent l'information à la vitesse de la pensée. Fort de cette information, les Drows poursuivaient leur traque d'une cible qui, semblant acculée, faisait plusieurs erreurs en se montrant. Des flèches fusaient vers les brèves apparitions de leur proie encapuchonnée, sans parvenir à la toucher. Plusieurs aiguilles filaient de la position de la cible, filant à la vitesse du vent. Même prévenus, deux autres guerriers elfes noirs furent touchés, puis terrassés par le venin. Myada, pour sa part, fixait la direction probable d'où était venue la première aiguille. Elle attrapa le bras du spiritualiste qui était venu à ses côté, seul survivant du trio de l'esclavagiste.

- Je veux six hommes là bas. S'ils ne trouvent rien, ils retracent méthodiquement le trajet de la cible, en restant à couvert.

La donzelle à la peau de charbon n'avait pas deviné que trois pantins prévoyaient de voler les peaux de ses subordonnés, mais il s'agissait de quelqu'un de sournois, capable de créer des doubles piégés de sa personne. Celle qui essayait actuellement d'échapper aux tirs de flèche pouvait très bien n'être qu'un leurre destiné à cacher la véritable proie... A peine l'ordre relayé et ses mâles avaient ils commencé à retracer la trajectoire de la figure encapuchonnée que cette dernière s'envolait vers les cieux, propulsée d'une poussée élémentaire, avant de décocher une flèche explosive. Elle s'éleva au dessus de la fumée, juchée sur un large volatile, arc bandé et faisant pleuvoir des projectiles qui brûlaient et détonaient. S'il s'agissait d'un leurre, alors c'était un leurre particulièrement bien protégé. A cette hauteur, il y avait peu de chance que les flèches des assassins à la peau sombre puissent l'atteindre, tandis que ses propres flèches pouvaient pleuvoir en toute liberté. Grognant, l'esclavagiste hurla :

- A couvert !

Trois de ses frères périrent sur le trajet. L'un percé d'une flèche et ses entrailles furent bouillies par le feu magique qui nimbait le projectile mortel. Le second esquiva le projectile, mais la détonation de la pointe dure firent voler plusieurs éclats de pierre qui, eux, se logèrent profondément dans son crâne. Le dernier subit un sort similaire au second, mais se retrouvait avec plusieurs éclats logés dans les tripes, agonisant lentement sur le sol dallé de la place. Myada, elle ne bougeait pas. Lorsqu'un projectile s'approcha dangereusement de sa position, elle le pointa du doigt, le tordant légèrement. La flèche dévia alors, sa prise au vent altérée, pour venir s'écraser bien plus loin. L'elfe sombre s'accroupit ensuite, dans une position qui ne laissait pas de place au doute : elle allait sauter. De son point de vue haut, l'archère arcanique ne pouvait pas vraiment voir la situation en détail. En effet, les cuisses de l'esclavagiste semblaient avoir doublées de volume, noueuses, musculeuses. Devenues incroyablement puissantes, ces jambes la propulsèrent à une vitesse et une hauteur impressionnante, avant de regagner leur forme d'origine. Pendant l'ascension, l'esclavagiste à la peau de jais fit pousser deux majestueuses ailes d'oiseau dans son dos, aux plumes aussi noires que sa chevelure, tandis que ses os redevenaient creux.

Lorsque la montée de Myada cessa, elle tira sur la ceinture de son vêtement minimaliste. L'étoffe sombre glissa le long de sa peau, avant de se rigidifier sous l'influence des énergies métamorphiques de sa porteuse. Si la Drow était désormais nue, elle était maintenant armée d'un arc des plus singuliers. Dans un craquement sinistre, l'esclavagiste plia le poignet. Un os étonnamment long, étonnamment fin, sortit de son avant bras, véritable flèche osseuse. Autre détail de poids, un filament musculeux reliait encore le projectile à sa créatrice. Myada encocha et visa sa cible, cette dernière ne bénéficiant plus de l'avantage de la hauteur. Lorsqu'elle tira, le projectile pâle fila vers Johanne, suivant ses mouvements. Myada contrôlait sa trajectoire grâce au cordon qui la reliait au projectile. A mesure que la flèche filait dans l'air et que ce cordon s'étirait, le bras de la Drow semblait se décharner, comme si ses muscles se débobinaient pour donner du mou à la pointe volante. L'esclavagiste visait la jambe de sa cible et, dès que la pointe osseuse et crantée de sa flèche serait plantée dans sa chair, il suffirait alors de tirer.

La flèche osseuse filait dans le vent, dirigée dans sa course par le cordon musculeux, véritable extension du corps de la Drow. Le temps semblait s'étirer, chacune des combattantes était concentrée sur un aspect de l'affrontement. Tandis que Johanne contemplait la créature si proche et, pourtant, si différente d'elle même la poursuivre avec un projectile organique, Myada était toute entière tournée vers son objectif : percer la jambe de l'adversaire de sa pointe osseuse. A mesure que la flèche approchait de sa cible, l'elfe sombre contracta son bras libre, le repliant sur son corps en agitant les doigts. L'énergie arcanique s'accumulait au creux de sa paume, façonnée par les mouvements digitaux en un sort qui attendait juste d'être lancé. Son bras gauche, lui, avait perdu la moitié de son volume, tristement chétif en comparaison du droit. En effet, le petit tour de passe-passe qui lui avait permis de créer un projectile guidé par sa volonté avait un prix : la métamorphose était l'art de changer la matière et non de la générer, les muscles du cordon devaient bien venir de quelque part.

Si le temps s'étirait pendant la progression de la flèche d'os, il sembla se figer totalement au moment de la perforation. L'esclavagiste libéra le sort accumulé dans son corps, projetant l'énergie métamorphique au travers du fil de chair. Malgré la distance qui séparait les deux mages de jais, ce mince cordon, ainsi que le projectile pâle, faisaient techniquement encore partie du corps de l'elfe aux iris fendus. Myada touchait Johanne. Cet état de fait lui permettait d'utiliser un sort qu'il lui aurait été autrement plus difficile à appliquer à un adversaire tel que cette marionnettiste qui préférait garder une distance stratégique entre elle et ses ennemis. Et, tandis que la décharge élémentaire quittait le corps de la Marcheuse de Rêves, la Pétrification se propageait autours de la blessure, changeant progressivement la jambe de l'archère en pierre, la figeant dans sa position agenouillée. Pire : si la sorcière encapuchonnée ne trouvait pas de solution, elle risquait de se changer intégralement en statue rocheuse.

Pendant ce temps, la progression de l'électricité dans le cordon de chair était visible à l'oeil nu, l'électrocution tétanisant les muscles qui le composaient. Réagissant instantanément, Myada changea son bras gauche en verre, créant ainsi une zone non conductrice entre le cordon et le reste de son corps. Une fois la décharge neutralisée, l'elfe sombre redonna sa composition normale à son membre. Trop occupée à se prémunir de l'électrocution, elle ne parvint pas à anticiper la lame de vent qui trancha le cordon déjà bien mal en point. Laissant échapper un jappement de douleur, la sorcière de charbon attira à elle ce qu'il restait du fil musculeux, le faisant réintégrer son bras, lui redonnant ainsi son volume normal. Normal ? Presque, puisqu'il restait encore un tronçon fixé à la flèche osseuse qui la Drow n'avait pu récupérer. De plus, même si de l'extérieur tout semblait normal, les muscles ainsi regagnés étaient salement endommagés, partiellement cuits par le sort électrique de Johanne.

Peu importait.

D'un puissant battement d'ailes, Myada s'élançait vers son adversaire. Bien qu'elle avait l'espoir de pouvoir vaincre grâce à la pétrification, l'esclavagiste savait que ce serait au mieux une diversion. Autant en tirer un maximum de profit. Son arc de tissus redevint simple vêtement, changeant de forme entre les mains de la Drow pour devenir une lance qu'elle cala sous son bras, à la façon d'un jouteur. De son bras plus valide, elle attrapa ce qui, à première vue, ressemblait à une lanière de cuir. Mais, une fois la poignée en main, la lanière se divisa en trois tronçons sifflants et gigotants. Elle même issue d'Outre-Terre, Johanne devait très certainement reconnaître un Fouet-de-Crocs, ces fouets-serpents que l'on trouvait le plus souvent entre les mains des prêtresses de Lloth... Non qu'il s'agisse d'un honneur qui leur était réservé, mais plutôt à cause du fait que peu de gens parvenaient à supporter et maîtriser de telles armes.

Myada espérait bien empaler la plate-forme vivante de son adversaire de sa lance, avant de lui donner un coup de fouet qui, à défaut de la neutraliser instantanément, avait de forte chances de lui inoculer un venin paralysant.

La sensation fut étrange...
Tandis qu'elle filait vers sa proie, Myada eut l'impression de percuter un mur d'eau, ralentie dans sa progression par le changement de densité. A peine un mètre plus loin et l'elfe sombre se serait crue en train d'évoluer dans un bloc de gélatine, une sensation qui lui rappelait désagréablement la fois où un slime l'avait prise par surprise dans une crevasse d'Outre-Terre. Très vite, la Drow ne bougeait simplement plus, l'air se solidifiant tout autour de son corps. Il ne fallait pas être un génie pour comprendre que la donzelle était prise au piège par un sort élémentaire. La pression augmentait rapidement, spécifiquement autour de ses ailes et l'esclavagiste comprit très vite l'objectif premier de son adversaire. Se retrouver sans ailes et à cette hauteur, Myada risquait fort de faire une chute mortelle sans que sa cible n'ait à faire davantage d'efforts. Mais si la magie de la marionnettiste était redoutable - principalement dans les airs - sa prisonnière à la peau de charbon était une spécialiste de la métamorphose... une spécialiste qui avait poussé la connaissance de son propre corps qu'elle était devenue une véritable virtuose quand il s'agissait de le changer. Aussi, la compression de ses aîles ne causa nul craquement et n’arracha ni cri, ni gémissement à la femme dénudée. Augmenter l'élasticité de ses os et tissus était une pratique où Myada était passée maîtresse. D'habitude, c'était pour pouvoir s'accoupler avec les créatures les plus imposantes, une activité autrement plus risquée que sa présente situation...

Le pieu de glace flottant devant son visage était, en lui même, un problème bien plus immédiat. La question retentit, dissonante, provoquant un sourire à l'esclavagiste malgré sa position précaire. Myada était nue et paralysée dans les airs, à plusieurs dizaines de mètres du sol, un épieu menaçant son crâne et, pourtant, elle souriait. Fixant l'archère encapuchonnée de ses yeux de serpent, la donzelle à la peau de jais souffla d'une voix puissante :

- Voyons, tu devrais l'avoir déjà compris, bluffa la Drow, espérant que son interlocutrice ne soit pas spécialiste en magie spirituelle. Je suis là pour te mettre au pas. Si nous voulons étendre notre influence à Targatt, il faut que tu sois sage et que tu suives les préceptes de Lloth un peu plus à la lettre. La Drow marqua un temps d'arrêt, essayant de gagner du temps. Voler ouvertement des cadavres en pleine guerre et raser tout un quartier ne sied pas à la subtilité de notre Déesse. Tisser une toile prend du temps et se fait dans l'ombre...

Myada espérait que son adversaire morde à l'hameçon afin de planter le germe du doute dans son esprit. La trahison était un art si cher aux elfes d'Outre-Terre que sa cible pouvait très bien imaginer que leur actuel combat était le résultat d'une traîtrise de son propre clan. Ayant vu de près la Poupée Miroir, l'esclavagiste savait à quoi son adversaire ressemblait. Le fait que l'archère arcanique lui demande spécifiquement comment la métamorphe était entrée en possession de son fouet trahissait ses antécédents culturels : il s'agissait d'une Drow de souche. Qui était elle et pourquoi demeurait elle à Targatt ? Myada n'en avait pas la moindre idée. Ces questions attendraient que sa proie ait un rada'an passé au cou. Dans tous les cas, qu'elle ait fait naître ou non le doute dans l'esprit de l'ennemi, la dame nue devait se sortir de ce guêpier.

Puisant dans ses réserves magiques, l'elfe noire projeta un des sorts les plus complexes de son répertoire. Une bulle sombre et brumeuse, semblable à de la suie, se forma autour de l'esclavagiste. Elle s'étendit rapidement, atteignant rapidement le mètre de diamètre. Sur son passage, l'air regagna sa densité naturelle, tandis que l'épieu de glace s'évapora, ne laissant qu'un petit nuage d'air froid rapidement soufflé par le vent. Redonnant leur solidité à ses os et leur élasticité naturelle à ses tissus, la Drow se laissa basculer vers l'avant, donnant un puissant coup d'ailes pour se propulser vers sa proie. Le bras du fouet armé, sa lance de soie pointée vers l'oiseau, Myada comptait poursuivre son attaque précédemment interrompue. Deux choses différaient par rapport à l'attaque dernière... Si l'esclavagiste comptait toujours neutraliser le volatile géant à l'aide de ses vêtements devenus pique, elle comptait attendre le dernier moment avant de frapper avec son fouet... histoire de la cueillir après sa téléportation. L'autre différence résidait dans la Barrière Mortelle qui englobait un mètre autour de l'elfe nue, lui offrant une protection toute relative. Malgré sa maîtrise des arts obscures, Myada ne pensait pas qu'elle pourrait maintenir cette bulle ténébreuse bien longtemps.

Si l'adversaire avait bel et bien gobé le bluff de l'esclavagiste, sa réaction ne fut pas celle escomptée. Loin de lui installer le moindre doute, elle ne sembla pas avoir davantage d'effet que de la faire parler. En définitive, cette sorcière encapuchonnée ne semblait pas particulièrement attachée au respect de Lloth ou de la société Drow dans son ensemble. Myada aurait dû s'en douter : après tout, il était plutôt cohérent qu'une elfe noire solitaire, aux méthodes aussi flamboyantes ne partage pas le goût de des habitants d'Outre-Terre pour le subterfuge et la trahison. Bien sûr, son style de combat sournois rappelait indéniablement les méthodes des assassins à la peau noire, mais cela n'allait pas plus loin. Il y avait d'ailleurs quelque chose de profondément perturbant, de profondément perturbé, dans la voix de cette femme. L'espace d'une seconde, l'esclavagiste se surprit à penser que, même si elle parvenait à capturer sa proie, cette dernière était déjà brisée... Dans ces conditions, il semblait difficile d'en faire une esclave potable.

Ce court dialogue que l'archère arcanique avait consentit à Myada lui révéla une chose : ses petits frères étaient en danger. La donzelle à la peau de jais n'en était pas surprise. Après tout, vu la capacité de cette marionnettiste, penser qu'elle puisse envoyer quelques pantins mortels aux trousses des mâles était plutôt logique. Mais l'esclavagiste n'avait pas le temps de s'en inquiéter. Peu importait la menace, ses subordonnés étaient suffisamment nombreux et bien entraînés pour gérer la menace et, dans le cas contraire, ils ne méritaient pas que leur maîtresse s'attarde sur leur sort... Pour sa part, l'elfe sombre était trop concentrée sur la poursuite de son adversaire pour laisser quelque chose la détourner de son objectif. Si elle ne neutralisait pas son ennemie, quelques pantins seraient le cadets de ses soucis. Ses troupes étaient formées pour neutraliser des menaces au sol et, même si tous maniaient l'arc avec brio, ils n'étaient pas équipés pour lutter contre une sorcière volante faisant pleuvoir des flèches explosives.

Sorcière volante qui réagit rapidement à la progression de la femme aux yeux de serpent. D'un geste, elle convoqua un clone d'elle même sur sa trajectoire. L'objectif était évident : utiliser sa nature vengeresse pour renvoyer les effets de la Barrière Mortelle à son utilisatrice ou, à défaut, la forcer à abaisser cette protection. Pendant une fraction de seconde, la Drow caressa l'idée d'esquiver l'obstacle mais, tandis que la poupée s'approchait à grande vitesse, dague au clair, le visage de Myada se fendit d'un sourire. Elle releva la lance juste à temps, perforant la poupée au niveau du poumon. Une douleur déchirante lui perça le flanc, un trou se formant dans le côté de l'esclavagiste. Et, tandis que la métamorphe sentait le goût du sang lui monter aux lèvres, la poupée continuait sa progression contre la hampe de sa lance de soie, l'élan lui faisant parcourir les derniers centimètres qui la séparait de l'elfe noire. Le coup n'étant pas mortel, ce clone de l'ennemi put à loisir lever son bras armé, pour aggraver l'état de l'esclavagiste d'un coup de dague. Myada ne réagit pas plus, se contentant de cracher une giclée d'hémoglobine dans une quinte de toux. Pire : la poupée ayant traversé la Barrière Mortelle, elle renvoyait ses effets néfastes sur sa créatrice, qui n'en avait plus pour longtemps.

- Essaie de ne pas mourir, murmura l'esclavagiste, un rictus carnassier accroché à ses lèvres ensanglantées.

Si la bulle ténébreuses sapait la vie de la Drow en même temps que celle de la poupée, elle empêcha le sort de Johanne de passer au travers, ne lui autorisant pas de la téléporter ailleurs. Les iris jaunes et fendus de pupilles reptiliennes se mirent à luire, dégageant un éclat carmin, lugubre. Le fouet serpent s'enroula autour de la poupée, lui empêchant toute fuite, plantant ses crocs venimeux dans sa nuque, son épaule et son bras armé, injectant son venin paralysant. Myada elle même sentait l'effet du venin mais s'y était depuis longtemps immunisé par mithridatisation, mais ce n'était pas là l'important. De la brume rougeâtre s'échappaient de ses orbites. Collée tout contre la dame ailée, lovée dans ses bras, clouée à sa lance et enroulée dans son fouet, se trouvait en possession d'un objet intime à sa proie : sa poupée, son clone faite à son image, imprégnée de sa magie. Les énergies obscures s'accumulaient dans le corps de Myada, canalisées par sa rage de vaincre, par l'idée impérieuse de lui faire payer la souffrance subie. Puis, tandis que la mortelle archère bandait son arc, matérialisant sa flèche aérienne, l'esclavagiste lança un simple sort, simple, mais puissant : Transfert Majeur.

Instantanément, Johanne sentit son corps se meurtrir : son poumon était perforé, ses flancs étaient lacérés par des coups de dague, un venin paralysant courait dans ses veines et, pire encore, elle ressentait pleinement l'effet que la Barrière Mortelle que sa poupée avait renvoyé à Myada. Même la blessure précédente subie par la sombre métamorphe était transférée à la sorcière encapuchonnée, qui ressentait une faiblesse engourdie dans ses muscles, une sensation de brûlure caractéristique de l'électrocution. Plus inquiétant, la Barrière Mortelle tenait, continuant à tuer la poupée, continuant à tuer Myada, continuant à tuer Johanne... et empêchant cette dernière de dégager sa possession d'une téléportation.

Malgré tous les entraînements du monde, même en essayant de ne réduire la douleur qu'à une vulgaire information, il était toujours difficile de l'ignorer et encore plus compliqué de l'accepter. Après tout, l'organisme était ainsi fait et, s'il ne s'agissait que d'une information, cette douleur était là pour mettre en garde l'individu sur une menace existante, capable de blesser, voire de tuer. Si la Drow appréciait la morsure brûlante du fouet, suffisamment de stries sanglantes sur sa peau finissait par terrasser son plaisir. Il en allait de même pour les blessure infligées à et par la poupée, ces mêmes blessures que l'esclavagiste renvoyait à son adversaire. Incapable de les ignorer, Myada parvenait à les accepter comme nécessaires à sa survie, impératives à sa victoire. Et la victoire semblait palpable du bout des doigts, à en juger par l'affaissement du corps de l'ennemi.
Et puis elle se mit à rire.
Un rire lugubre, qui fit froid dans le dos de l'esclavagiste. Cette dernière avait senti la puissance de sa cible, elle connaissait le fossé qui les séparait et que cette formidable sorcière réagisse ainsi ne présageait rien de bon. Bien sûr, il restait la possibilité que l'adversaire soit tout simplement folle, une idée qui n'était pas incongrue, compte tenue de ses paroles déstructurées et de son goût prononcé pour la chair morte. Malgré tout, voir cette femme se vider de son sang en riant aux éclats avait quelque chose de très perturbant. L'elfe sombre préféra ignorer ce détail attentive à la suite. Tout ce qu'elle se contentait de faire, c'était bloquer les mouvements du pantin vengeur de l'ennemi, tout en maintenant ses sorts actifs. Lorsque le corps de l'archère arcanique commença à crépiter d'énergie électrique, l'elfe nue fronça les sourcils. Trente secondes ? Sous le regard médusé de l'esclavagiste, la sorcière encapuchonné commença à s'évaporer, les contours de son corps s'illuminant, ondulant de façon saccadée. Myada avait réussi à la blesser dans sa chair, alors l'ennemi se débarrassait de cette chair, devenant la Foudre Incarnée.

- Dites moi que je rêve...

La Drow ne rêvait pas, le métal froid qui se planta dans son oeil gauche en fut un brutal rappel. Instinctivement, Myada augmenta la densité de ses os, empêchant la lame - lancée avec le peu d'élan que permettait la nuque de la poupée - de dépasser sa cloison nasale et d'atteindre son deuxième globe oculaire. Outre le fait que se fait enfoncer une dague dans l'orbite faisait un mal de chien, le fait que l'arme reste plantée empêchait le Transfert Majeur de fonctionner correctement... un détail qui ne pouvait qu'être prémédité. Mais l'esclavagiste n'eut pas le temps de s'inquiéter davantage de cette situation, puisqu'une série d'éclairs s'abattaient déjà sur son bouclier. La sphère de ténèbres brumeuses se zébra de fissures lumineuses à la première déflagration, la suivante le pulvérisant dans un bruit de verre brisé. Le troisième traversa la brèche et, sans le sort obscure qui transférait les dégâts subis, Myada aurait très certainement été terrassée sur le coup. Et, si son les diverses brûlures internes et autres défaillances de ces organes disparurent pour être envoyée dans l'incarnation du tonnerre qu'était devenue son adversaire, l'elfe sombre ne put retenir son corps de se cambré, tétanisé par l'incroyable intensité du courant qui la parcourait. Ce faisant, elle relâchait la poupée qui, même sans avoir à repousser l'esclavagiste, glissait sur lance de soie. Le contact rompu, le lien malsain qui reliait les deux elfes noires disparut. Nue et désormais sans protections, la dame à la peau de jais prit une profonde inspiration, puisant dans ses maigres réserves d'énergie magique, diffusant des ondes métamorphiques dans tout son corps. En l'espace d'un souffle, la Drow serait cuite.

L'esclavagiste, à la peau de charbon, enveloppée par une bulle brumeuse, ténébreuse, étincelait désormais de milles feux, illuminée par le déluge de foudre qui lui traversait le corps. Cela ne dura qu'un instant, un tout petit instant qui la laissa seule, fumante, dans les airs. Son corps était rigide, ses ailes ne bougeaient plus... la seconde d'après, l'elfe sombre bascula en arrière, commençant à tomber. La femme était devenue statue, une magnifique statue de céramique. En désespoir de cause, Myada avait diffusé l'énergie métamorphique dans tout son organisme, transformant le moindre de ses tissus, de ses os, en argile. Le déferlement électrique avait été trop intense pour que même les propriétés isolantes de l'argile suffise à bloquer le courant, ce qui avait cuit l'argile en une fraction de seconde, produisant la statue de céramique qui chutait actuellement. Rapidement, des fissures se formèrent, zébrant la surface lisse de cette statue. Dans un craquement rocheux, les ailes se libérèrent en premier, se remettant à battre. Le reste suivit rapidement, l'esclavagiste redevenant maîtresse de ses mouvements, à mesure que son corps reprenait sa composition naturelle. Et, tandis qu'elle revenait à la hauteur de son adversaire, cette dernière avait elle même repris sa forme initiale, le poids de ses blessures la poussant à rire comme une maniaque, savourant sa douleur et le danger comme aucune personne saine d'esprit ne le ferait.

Des deux Myada restait celle qui avait le moins souffert, sa seule blessure se révélant être la perte de son œil gauche. Johanne, de son côté, avait un trou qui la traversait de part en part au niveau du poumon, plusieurs lacérations de dague et une partie de la jambe changée en pierre. Même si sa petite potion lui avait permis de neutraliser le venin de serpent, son était n'était pas le plus enviable. Pourtant, l'esclavagiste était loin d'être rassurée. Même gravement blessée, son adversaire restait une mage extrêmement puissante et incroyablement sournoise... Et c'étant sans prendre sur le fait que l'elfe dénudée avait déjà dépensé beaucoup trop de mana. Sa plongée dans la Magie Noire, bien que salvatrice, lui avait été très coûteuse. En vérité, la Drow ne pariait pas sur sa capacité à réutiliser les arts obscures avant la fin de cet affrontement. Autre problème : son fouet-serpent avait perdu conscience. Etant fait de cuir, il n'avait pas particulièrement subit de dommages structurels, mais sa partie reptilienne avait tout de même subis la douleur, une douleur assez intense pour le mettre hors combat. L'objet restait un fouet à trois lanières, parfaitement fonctionnel, dont les pointes étaient munies de crochets venimeux. Perdre l'autonomie de l'arme était fâcheux, mais Myada restait une virtuose dans le maniement du fouet...

Fixant l'archère arcanique qui riait comme une maniaque, la donzelle dénudée leva le bras, la pointant de sa lance de soie.

- Je vais te dire un secret... Je ne suis pas une envoyée d'Outre-Terre, j'essayais juste de te déstabiliser. Mais tu es visiblement trop perturbée pour que ce genre de bluff fonctionne. Maintenant, si tu veux savoir comment j'ai eu mon fouet, je te répondrais volontiers quand j'aurais passé un rada'an à ton cou.

Tout en parlant, la Drow avait de nouveau modifié son corps. Des yeux s'étaient ouvert dans son dos, sur ses jambes et ses bras. Ainsi, elle pouvait voir dans toutes les directions à la fois, repérant les fameuses cartes à jouer, afin de ne plus être surprise. Cette nouvelle manipulation de son organisme tirait sur ses réserves, mais Myada était assez confiante dans ses capacités à changer son propre corps et parvenait à ces résultats avec un coût minime en mana. De toute façon, elle n'avait pas le choix : sans la protection de la barrière mortelle le moindre angle-mort signifiant sa mort. Ainsi parée, elle fonça de nouveau vers sa proie, le but étant toujours le même : tuer l'oiseau qui lui servait de plate-forme. Elle se tenait évidemment prête à la moindre contre-attaque, le style de combat de son adversaire impliquant qu'elle ne la laisse pas s'approcher...

Cette garce encapuchonnée avait toujours une solution dans sa manche, emprisonnant l'esclavagiste à la peau de charbon dans une prison de foudre. Myada s'arrêta en serrant les dents, cherchant une faille dans l'environnement cette prison énergétique. Son corps saturé d'ondes métamorphiques était prêt à changer, à reprendre une forme qui serait plus adapté à la situation... Pourtant, malgré les options qui s'offraient à elle, l'elfe sombre ne semblait pas bouger. Elle restait immobile, alors même que les murs crépitants se rapprochaient d'elle, inexorablement. Même ses ailes commençaient cessaient peu à peu leur mouvement, ne permettant plus à la donzelle à se maintenir dans les airs. Myada ne tarda pas à tomber, rencontrant la partie inférieure du cube de foudre, passant au travers dans un crissement électrique, sans qu'elle ne crie. Etait ce l'effet du poison déversé dans l'espace confiné ?

Quoi qu'il en fut, Johanne put bientôt venir enlacer sa proie, dégainant un couteau pour venir récupérer ses yeux. Une partie n'avait, semble-t-il, pas tellement apprécié le passage dans le filet électrique, plusieurs tout simplement disparu, un ou deux ayant cuit, semblait-il, tandis que d'autres avaient purement et simplement disparu... une défaillance dans la métamorphose, peut être ? Mais la Drow dérangé en avait encore suffisamment sous la main pour s'amuser comme une petite folle. Mais, tandis que l'archère arcanique glissait sa lame entre le globe oculaire et la cavité qui l'accueillait, elle fut transpercée en plusieurs endroits. Ses cuisses, son abdomen, sa poitrine et ses bras venaient d'être pénétrées par des pointes solides... qui provenaient du corps de l'esclavagiste. La tête de cette dernière se retourna sur elle même, comme l'aurait fait une poupée désarticulée. Une partie de sa "peau" tombait de sa joue, comme l'aurait fait une couche de peinture craquelée, laissant apparaître en dessous une surface terreuse. Son regard n'était pas amusé, ses lèvres n'étaient pas étirées d'un sourire. Myada était fatiguée, cela se voyait à ses traits, bien plus qu'à son souffle. Et, pour cause, depuis qu'elle avait révélé sa transformation, l'elfe à la peau de charbon ne respirait plus. Nul besoin de poumons, lorsque l'on est entièrement constitué d'argile.

- S'il te reste un peu de santé mentale, tu devrais fuir...

L'esclavagiste savait que c'était peine perdue... Sa proie était trop gravement atteinte pour avoir ne serait ce qu'un instinct de survie. Ou, du moins c'était ce qu'il semblait. Peut être même que la volonté de gagner de cette foudroyante elfe noire venait d'une volonté monomaniaque de capturer la personne sur laquelle elle avait jeté son dévolu. Peu importait, l'affrontement arriverait bientôt à son terme et l'esclavagiste était pressée de pouvoir enfin neutraliser cette folle furieuse. Elle restait sur ses gardes, consciente du fait que même ainsi, son adversaire représentait toujours une menace...

Comme on pouvait s'y attendre, l'elfe encapuchonnée était trop gravement atteinte pour encore penser à sa survie, préférant emporter son adversaire avec elle, plutôt que d'être simplement vaincue. L'explosion magique arracha une des ailes de l'esclavagiste, l'envoyant se disloquer dans les airs, tandis que la donzelle à la peau de charbon était expulsée, son corps d'argile déchiré tout autour du point d'impact. Le tout regagnait un semblant d'unité pendant la chute, avant qu'une seconde aile ne repousse, permettant à Myada de reprendre le contrôle de sa descente. Son corps avait perdu toute sa couleur, révélant sa nature terreuse. Malgré son aspect malléable, plusieurs zones dénotaient des dégâts subits et que la Drow ne pourrait probablement pas restaurer, même en rendant à son corps sa nature première. L'elfe sombre maintenait sa forme argileuse, se posant non loin de son adversaire étendue. S'approchant d'une démarche hésitante - autant par l'appréhension que par l'intense fatigue qui la tiraillait - l'esclavagiste toisait sa proie. Malgré son état, cette dernière continuait de se comporter comme si elle était maîtresse de la situation, une chose qui avait le don d'énerver la dame d'ébène. Pour ne rien arranger, l'idée que son ennemie demeurait dangereuse, même brisée, même percée de multiples orifices, l'irritait encore davantage. Modulant sa voix, pour essayer de camoufler sa fatigue et sa colère, Myada répondit simplement :

- Oh oui, nous aurons tout le temps de discuter quand tu auras mon collier au cou. Et tu vas très sagement l'enfiler, si tu ne veux pas que je te découpe bras et jambes, pour m'assurer que tu restes calme...

Prononçant ces paroles, a Drow avança d'un pas mal assuré. L'espace d'un instant, la jambe féminine reprit son teint de jais naturel, comme si la boue qui lui couvrait la peau s'évaporait progressivement. L'esclavagiste grimaça, marquant un temps d'arrêt, avant de redonner au membre sa consistance argileuse. Après un second pas, elle glissa son pouce et son index dans la bouche, sifflant bruyamment. Dès son troisième pas, elle fit claquer son fouet, prête à l'abattre sur sa proie. Dans sa main, la lance de soie était redevenue un simple voile, partiellement brûlé par le sort de Johanne. Myada n'avança pas plus, se contentant d'attendre en toisant la sorcière encapuchonnée.

- Même si j'aurais tout le temps pour te tirer le vers du nez après, je suis curieuse... Comment une Drow peut elle à ce point perdre l'esprit ? Je croyais les nôtres plus solides que ça face aux cruautés de l'existence.

La question était franche : Myada ne remettait pas en doute la solidité de l'esprit de sa vis à vis, ce qui la rendait d'autant plus curieuse du genre de traumatisme qui aurait pu briser la psyché d'une elfe noire. Elle laissait son interlocutrice parler si elle le souhaitait mais n'avait pas l'intention de s'approcher plus près, la surveillant pour parer à toute tentative. En dehors de ça, la Drow attendait. Quoi exactement ?

Répondant à son appel, les survivants de sa troupe de mâles se profilaient ça et là. Ils étaient moins nombreux que lorsqu'elle les avait abandonné... sans doute à cause des cadeaux que la sorcière aux yeux d'azure avait laissé derrière elle. Comme on pouvait s'y attendre, trois pantins seuls ne pouvaient espérer terrasser une troupe entière d'assassins entraînés, malgré le subterfuge employé. L'esclavagiste n'appréciait cependant pas d'avoir perdu une grosse moitié de ses troupes, son orgueil blessé de constater que des guerriers mâles entraînés par ses soins ne s'en sortent pas mieux. Un des survivants parmi les hommes ténébreux s'approcha davantage de la sorcière gisante que le reste, sortant un collier caractéristique d'une sacoche : un rada'an.

Cette Drow encapuchonnée était décidément pleine de ressources. Myada serra les dents en voyant un autre de ses petits frères mourir bêtement, pulvérisé par une lame de vent, mais ne réagit pas plus que ça. Cette femme paierait un jour, la perte de ses mâles, les derniers survivants de sa Maison, les seuls représentants de sa victoire sur une société chaotique et vide de sens. Cependant, pour pouvoir appliquer une quelconque colère punitive, encore fallait il pouvoir soumettre cette femme qui, de toute évidence, était trop puissante et maligne pour que la tâche soit aisée. La frustration de l'esclavagiste se muait peu à peu en colère, tandis que la sorcière encapuchonnée se lançait dans quelques leçons de vie. Son seul réconfort face aux errances philosophiques de l'ennemie résidait dans le souvenir du génocide des Fu'Tha... toute une maison, gouvernée par des matriarches de mille ans ses aînés, évaporés par sa volonté. La différence, ici, était que l'archère arcanique ne semblait pas aussi prisonnière des traditions Drows que les anciennes cheffes de famille. Quoi qu'il en fut, Johanne savait créer ses effets. Quoi de très étonnants, quand on considérait qu'une bonne partie de son art du meurtre résidait sur le marionnettiste, sur la manipulation de l'adversaire pour le pousser à être et à frapper très exactement là où la sorcière aux yeux clairs le souhaitait. Et, tandis que la maîtresse vaudou annonçait la défaite de l'esclavagiste, cette dernière sentait la pression sur ses articulations grandir, preuve de l'influence de l'ennemie sur son corps.

Myada n'était cependant pas persuadée que son adversaire puisse véritablement lui sectionner les membres. Après tout, ses épieux d'argiles avaient percé la chair, créant des trous sans briser les os ni trancher les tendons. Bien sûr, même si Johanne n'avait que ces seules blessures à lui renvoyer, cela restait problématique... La dame d'argile ne souhaitait pas finir des trous dans tous le corps. Immobile, l'esclavagiste fixait celle qui s'était posée sur un muret, écartant les bras.

- Tu es trop prompte à considérer ma défaite. Je ne ferais pas l'erreur de considérer que tu me sous-estime, aussi j'en conclue que tu bluffes... Tu n'es pas en mesure de m'arrêter avec ta petite poupée, tes attaques élémentaires n'ont pas eu raison de moi, tes marionnettes n'ont pas pu neutraliser mes mâles et tu es là, devant moi, blessée et fatiguée. Et même si je ne fais que parler à une poupée, ne doute pas que mes petits frères sauront trouver la véritable femelle qui se cache quelque part. Elle pencha la tête sur le côté. Toi qui es si sage, qui a pu expérimenter le monde dans toute sa cruauté, tu devrais savoir où tout cela va nous mener : vers ta soumission ou ta mort. Mais, eut égard à ton talent et ta puissance, je vais te donner une dernière chance de te rendre. Agenouilles toi et nous aurons notre discussion, suivant le rapport de force inévitable qui se dessine entre nous.

Les mâles Drow comprirent l'ordre implicite de ce petit discours et les quelques spiritualistes survivants commençaient déjà à projeter leur esprit dans la zone. Myada, pour sa part, avança d'un pas décidé vers la donzelle posée sur son muret. Toujours faite d'argile, elle préférait économiser le peu d'énergie magique qu'il lui restait pour conserver cette forme qui, à défaut de lui offrir un fort potentiel offensif, lui permettait de se défendre efficacement face à son adversaire. Sa démarche était volontairement lente, afin de faire comprendre à son adversaire qu'elle ne la craignait pas, ni ne craignait ses tentatives de la neutraliser. La réalité n'était pas aussi évidente et l'esclavagiste restait aux aguets, sachant pertinemment que la sorcière encapuchonnée avait probablement bien des moyens de retourner la situation.

- Voilà ce que je te propose. Tu portes mon rada'an et tu me donne la tête d'une de tes poupées. Comme ça, j'aurais tout ce qu'il faut pour satisfaire la soif de sang du Protectorat, face à celle qui a fait exploser le Quartier des Temples...

Myada eut un sursaut lorsque son adversaire commença à s'évaporer. Voilà quelque chose de nouveau qui se produisait... Johanne semblait se déplacer et, pourtant, ce n'était clairement pas de la magie d'évocation. De plus, le précédent combat n'avait révélé aucun talent de métamorphose de la part de l'ennemie, alors comment parvenait elle à se désagréger de la sorte ? Peu importait, il était hors de question que cette garce aux yeux turquoise parvienne à s'échapper : la mort de ses petits frères réclamait un châtiment. Ne prenant pas le temps d'analyser davantage le pourquoi du comment, l'elfe dénudée tendit le bras, pointant deux doigts en direction de son ennemie. Elle aurait préféré ne pas avoir recours à des méthodes aussi radicales, mais le temps n'était plus à la tergiversation... un filament d'énergie métamorphique reliait le bras de la Drow à son adversaire encapuchonnée. A ce moment, l'arc apparut dans la main de l'archère arcanique, se chargeant d'énergie élémentaire. Toujours en réaction, l'esclavagiste lâcha son fouet, serrant le poing à côté de ses doigts tendus.

Evidemment, les poupées n'allaient pas la laisser faire, mais à peine pointaient elles le bout de leur nez que les Drows mâles les plus proches la neutralisait ou, à défaut, l'empêchait de s'en prendre à leur maîtresse. En guerriers et assassins parfaitement entraînés, ils avaient compris le risque qu'ils encouraient à blesser les clônes, mais n'hésitaient pas une seconde face au sacrifice. Leur but était d'immobiliser et non de tuer, leurs talents martiaux leur permettant de prendre l'ascendant. Et, au milieu de cette joyeuse mêlée, les deux femelles se faisaient face, chargeant leurs magies respectives.

Myada desserra le poing, envoyant une langue de feu noir sur l'arme de son adversaire, infectant sa magie, en prenant progressivement le contrôle. Par ce contact, elle réalisait bien mieux que la sorcière encapuchonnée jouait le tout pour le tout, n'ayant jamais maîtrisé autant de puissance en un seul sort. Concentrée, sourcils froncés, elle maintenait son contrôle sur les flammes ténébreuses, les dirigeant vers les cieux pour que l'inévitable explosion se fasse à la verticale, en une immense colonne sombre. Quand à l'énergie métamorphique, le but était à la fois ridicule de simplicité et, pourtant, redoutable d'efficacité : Myada déformais la carotide et la jugulaire de son adversaire, les nouant, les obstruant, de telle sorte que le sang ne monte plus au cerveau. Ainsi, l'archère arcanique pouvait fuir aussi loin qu'elle le voulait, elle perdrait connaissances dans les secondes, puis mourrait dans les secondes qui suivraient...

- Abandonnes...