Les Leckard jamais n'abandonnent. (PV) (ABANDONNÉ)

Brann avait finalement pu libérer du temps pour rencontrer la reine de Targatt. Cette bonasse d'elfe, qui avait osé prendre le trône laissé par Drake. Une lumineuse qui venait du vulgaire peuple. Une vermine qui ne connaissait rien du pouvoir ou de la diplomatie. Une moins que rien. Bref. Une lumineuse, dans toute sa splendeur. S'il pouvait supporter les drow, respectant leur aspect vicieux et fourbe. Il détestait les elfes, trop lumineux et hautain à son gout. Surtout face aux humains. Le comble était que certains elfes se prétendaient appartenir à une race supérieure! Tout ça parce qu'ils étaient immortels et éternellement jeunes! Pfff.... Éternellement con serait un terme plus juste. Enfin... Brann se força à se calmer avant d'entrer dans cet endroit qu'était le palais. Un endroit ou par le passé les siens pouvaient aller et venir comme bon leur semblait. Aujourd'hui, cette époque était malheureusement révolue.

Il entra dans le palais d'un pas rapide, saluant d'un mouvement sec de la tête des membres de la garde royale qui le laissèrent passer sans poser de question. Beaucoup avait été recruté du temps de son grand-père et avait encore un certain respect pour sa famille. C'était déjà ça de prit. Lorsqu'il reprendra sa place dans ce misérable monde, il garderait probablement la plupart d'entre eux. Enfin... Sauf lui. Il s'arrêta quelques secondes, reconnaissant le lieutenant de la garde royal. Lieutenant de Nogaret... Celui qui avait laissé son grand-père mourir face à ses insectes. Ce dernier le repéra et il blanchit légèrement devant son regard glacial appelant au meurtre. On lui avait souvent dit qu'il avait le même que son grand-père. Il s'approcha de Nogaret et siffla entre ses dents.

Tu laisses le souverain mourir et tu continues de te pavaner, te prétendant de la garde royal?! Tu es pathétique. J'espère que tu crèveras comme le chien que tu es. C'est tout ce que tu mérites. Oh. Et fais bien attention à ta famille. Ça serait dommage qu'ils leur arrivent un... Accident. Surtout si tu ne restes pas à ta place.

Ce dernier hocha vivement la tête sous le regard de Brann qui ne put s'empêcher de ricaner. Il avait murmuré à voix basse, empêchant les autres gardes autour d'écouter, mais ils devaient se douter de ce que Brann lui disait. Après tout, tous savaient que Drake était mort à cause de son incompétence. Il éclata d'un rire sinistre et continua son chemin, faisant claquer son long manteau argenté derrière lui. Il continua son chemin et s'arrêta finalement à la salle du trône. Il ne mit pas longtemps à repérer la reine... Par sécurité, il verrouilla son esprit comme son grand-père lui avait appris et s'approcha. S'il y avait bien une chose dont l'ancêtre était doué pour enseigner, c'était bien la magie spirituelle. À force de souffrance, son esprit était devenu une forteresse.

Il posa un genou devant la reine et baissa la tête quelques secondes, le poing placé sur le corps comme le voulait la coutume. Un signe d’allégeance silencieuse qui l'exposait entièrement à une lame. Une façon de montrer que l'on a une totale confiance en son souverain. Une coutume humaine que Luthien ne devait même pas connaître. Il releva finalement la tête, toujours un genou à terre. En cette journée, il portait ses habits noirs et son long manteau gris comme à son habitude. Il ne portait aucune arme et seulement quelques bijoux, dont certains semblaient enchantés.

Mes hommages majesté. Je suis Brann Leckard. J'étais en Albion pour affaire et j'ai enfin pu me libérer. C'est un honneur de vous rencontrer enfin.

Le ton était parfaitement mielleux et suave comme il savait le faire. Ah... Il avait charmé tant de noblionnes à Albion avec cette voix. Caïn avait beau le comparé à Ladon, ce dernier n'avait pas son charisme et son sens du jeu d'acteur.

La reine avait eu quelques informations sur Brann Leckard : il était proche des idées de son grand père, et son ambition le poussait probablement à se rapprocher du gouvernement. Lùthien ne s'attendait cependant pas à se retrouver devant un homme d'allure aussi délicate. Elle devait avouer qu'il avait du charme, malgré la dureté de ses traits, et de la présence... Pas autant qu'Hithfaeron mais tout de même. Si son aura avait été plus claire, cet homme n'aurait pas dépareillé chez les elfes.

Lùthien vivait à Targatt depuis plus longtemps que Brann. Elle connaissait parfaitement les coutumes humaines et savait les respecter si nécessaire. Observant le jeune homme du haut de son trône, elle songea que s'il suivait vraiment les traces de  Drake, il ne s'agenouillait probablement pas de bonne grâce. Quand il eut présenté ses hommages, elle lui fit signe de se relever.

- Soyez le bienvenu à Targatt, sieur Leckard. Mes condoléances pour feu votre grand-père. Comment se porte votre famille ? Je pensais rencontrer votre nouveau patriarche... êtes-vous son émissaire ou bien demandez-vous audience à titre personnel ?



Un fois que Brann eut répondu à ses questions, la reine l'invita à présenter la raison de sa visite. Malgré ses belles manières, la reine se méfiait quelque peu. Elle avait eu vent de la visite du Leckard chez son chancelier et se demandait ce qu'elle pourrait répondre de plus que son premier ministre si la langue élégante de ce jeune noble formulait les mêmes demandes.

Était-ce dur pour le jeune homme de courbe l’échine devant la reine? Étrangement, pas du tout. Il croyait en sa force, mais savait aussi qu'il lui faudrait des années pour atteindre celle de son illustre grand-père. Aussi, il ne pouvait pas simplement entrer et exiger ce qu'il souhaitait comme Drake avait l'habitude de le faire. Il devait ruser, sourire, jouer la comédie. Des domaines dans lesquelles il excellait. Après tout, il avait particulièrement bien représenté Targatt lors de son séjour à Albion. Les nobles anglais parlaient encore de la délicatesse ainsi que du sens du raffinement de ce jeune homme. Bien sûr, il lui arrivait souvent d'aller faire un tour en ville histoire de se défouler, mais on ne faisait pas d'omelette sans casser des œufs, n'est-ce pas? Aussi, il était aussi mielleux et courtois que possible, respectant à la lettre la bienséance et l'étiquette de la cour de Targatt.

Je vous remercie, votre majesté. Ma famille se porte un peu mieux, je dois l'avouer. Il faut dire que mon grand-père, feu le roi Drake, était un homme aussi dur avec sa famille qu'avec n'importe qui. Peut-être même plus avec. Nous sommes beaucoup à être soulagé de voir un homme plus avisé à la tête des nôtres.

Il avait usé de son charme pour mettre l'accent sur un soulagement parfaitement joué. Il n'appréciait pas spécialement devoir se ranger du côté de tous ses misérables de la famille Leckard qui se réjouissait de la mort du roi, mais c'était la meilleure chose à faire. Sans aller jusqu'à faire semblant de sauter de joie, il exprimait ici une certaine tristesse de perdre un membre de sa famille, mais aussi le soulagement de voir le règne de terreur de Drake s'achever. Ceux qui le connaissaient très bien pourraient douter fortement de ses paroles, mais la reine n'était qu'une ancienne professeur d'invocation. C'était d'ailleurs une chose curieuse. La reine avec laquelle il discutait maniait la même magie que lui. Parfois, le hasard faisait bien les choses. Il pourrait sans doute en jouer.

Je suis venue de mon propre chef, majesté. En effet, peut-être ne le saviez-vous pas, mais j'ai fait partie de ce gouvernement. J'étais l'émissaire de Targatt en Albion et j'officiais aux affaires étrangères. Il me semble normal de vous informer de l'état des lieux avec nos alliés.

Albion était officiellement alliée de Targatt, mais officieusement c'était avec les Leckard que le roi avait fait affaire. C'était à un Leckard qu'il avait donné cette bâtarde de Yamilo. En bref, sans les Leckard la reine aurait sans doute du mal à négocier avec Albion. Cependant, Brann avait bien dans l'intention de faire valoir son utilité. Il ne prévoyait pas écarter la possible personne qu'elle avait déjà nommée aux affaires étrangères, mais finies tout de même en lui proposant d'une voix toujours aussi mielleuse.

Je suis aussi venue vous proposer de revenir travailler dans le giron de celle que le trône a vue comme une lumière qui pourra nous guider. Je suis sûr que mes compétences pourraient vous être utiles, majesté.

Le discours de Brann était un peu contradictoire avec ce que la reine avait entendu sur lui. Et elle était pour l'instant plus encline à suivre les avis extérieurs. Les propos de Brann semblaient contenir une part de vérité sur sa famille. Mais venant d'un Leckard, Lùthien eut du mal à voir autre chose que de l'hypocrisie dans la fin de son discours. "Une lumière qui pourra nous guider"... Il fallut un moment à Lùthien pour réaliser qu'elle était l'objet même de la métaphore. Elle oscilla un instant entre l'envie de rire et l'exaspération. Ce fut l'agacement qui l'emporta. L'elfe n'était pas sensible à la flatterie, elle avait passé la moitié de sa vie comme soldat, l'autre moitié à étudier les arcanes de l'invocation et les voyages transplanaire. Elle aimait la poésie des incantations et le mystère des créatures magiques, mais dans une situation de crise militaire, l'officier en elle exigeait des propos clairs et concis. Elle avait le sentiment que Brann lui faisait perdre son temps, en plus de celui du chancelier. Cependant, elle devait jouer à ce jeu de convenances et ne pas froisser l'honneur des Leckard.

- Je vous remercie d'avoir pris cette initiative Brann, et j'accepte d'entendre votre rapport. Quand à vos compétences, peut-être pourriez-vous me les exposer ? J'imagine que si le chancelier ne vous a pas proposé de poursuivre votre travail aux affaires étrangères ou à la chancellerie, c'est qu'il a jugé que vous seriez plus utile ailleurs...



La reine venait de rappeler d'une manière relativement subtile au Leckard qu'une partie de ses options étaient déjà éliminées. Elle en profitait pour montrer par la même occasion que son gouvernement était moins divisé qu'il n'en avait l'air, ou tout du moins que le chancelier n'avait pas caché à sa reine le contenu de son entretien avec Brann.

Étrangement, le jeune Leckard ne tiqua pas devant la révélation de la reine à son égard. Il avait déjà compris que le chancelier le trahirait pour ses propres intérêts. Tant mieux pour lui, il mourrait de toute façon en même temps que ceux qui oseront s'opposer au Leckard et à lui même. Cependant, il n'en restait pas moins que ce petit contretemps n'arrangeait pas tellement ses affaires. En effet, s'il voulait une place au gouvernement pour la puissance qu'il pourrait accumuler de la sorte, la reine lui avait fait remarquer que le chancelier avait déjà refermé ses portes. Ce n'était pas tout à fait faux, mais pas tout à fais vrai, non plus. Il devait habilement jouer sur ses mots et sur les actions en cours pour avoir une chance de s'intégrer. D'un autre côté, il était déjà fourré dans des affaires plus sombres. Il avait suivi les conseils de Johanne et lentement, avait commencé à reprendre le petit commerce de Cain pour s'étendre au différent marché de la pègre. Étant un Leckard d'une puissance respectable, il n'avait pas eu trop de mal à se faire entendre. D'ailleurs, les Xelcius commençaient à le remarquer, sans doute d'un mauvais oeil, mais il n'en avait que faire. Ils n'étaient pas assez puissants ou influents pour empêcher son ascension.

L'autre solution pour lui était de proposer ses services à l'académie. Grâce à Cain, il savait que le poste de professeur d'invocation n'avait pas été pourvu par un autre membre du personnel. Il pourrait sans doute essayer de se faire engager en jouant les toutous bien dociles et en faisant valoir ses talents d'invocateur. Malheureusement, ça posait deux problèmes majeurs. Le premier était que l'académie était dirigée par un Rayem, ennemie des Leckard depuis toujours. L'autre étant que la simple idée de devoir enseigner la magie à des gamins lui donnait la nausée. Il l'avait déjà fait pour l'un de ses petits cousins, mais c'était à base de torture de souffrance et de magie interdite. L'idée de se conformer comme les bons à rien de lumineux lui donnait la nausée. Aussi, le gouvernement semblait être le meilleur moyen à court terme.

Lors de ma discussion avec le chancelier, nous avons surtout parlé de possible avenir pour la cité. J'ai effectivement demandé s'il était possible de prendre un poste dans votre gouvernement, mais il m’a simplement redirigé vers vous. Après tout, sauf si bien sûr tout cela a changé, c'est vous qui nommez les ministres.

Il insinuait tout aussi subtilement que le chancelier commençait à lui voler de son pouvoir et qu'elle passait ouvertement comme une personne faible se faisant mener comme un mouton par Nogaret. Bien sûr, le tout était resté poli et parfaitement courtois, mais c'était ce qu'il voulait dire en insinuant que les choses avaient peut-être changé depuis que Drake était mort. Après tout, jamais son grand-père n'aurait nommé de chancelier. Il était le seul maître à bord et tous le savaient pertinemment. Prétendre le contraire était faire preuve d'une grande stupidité.

Mes compétences sont celles d'un diplomate formé pour officier dans les différentes cours d'Europe ainsi que dans la gestion des affaires étrangères du temps du roi Drake. Je suis aussi juriste à temps perdu et je maîtrise sans trop de mal les arts politiques. Puis je suis, sans vouloir me vanter, un bon invocateur qui sait se débrouiller. Dans ses conditions je vous propose donc mes services comme ministre des affaires étrangères et émissaire de la couronne. Poste que j'ai remarquablement bien tenue toutes ses années. Sinon, je pourrais reprendre une des places de juge laissé vacante par l’ascension de votre chancelier. Je suis certain que cela pourrait, dans l'un de ses cas, nous profiter à tout les deux.

Il n'avait pas été pédant et n'avait pas minimisé ses compétences. Il avait usé de la bonne quantité de confiance pour faire valoir ses points. Il n'avait pas cherché à influencer sa décision et ses bons vouloirs. Pour finir, il reprit son rapport sur Albion.

Comme convenu avec feu le roi Drake. Le royaume d'Albion à signer une attente avec la famille Leckard, formant une alliance avec le jeune Cain Leckard, petit fils de Drake et la princesse Yseult Avalon Arie. Les termes du contrat stipulent notamment une alliance avec notre famille et la possibilité d'une aide envers celle-ci en cas de besoin. Nous parlons ici d'une aide commerciale et possiblement militaire. Comme le voulait feu le roi Drake, aucune alliance avec Targatt n'a été signée. Il serait sans doute possible de changer légèrement ce contrat, bien sûr...

Voilà qu'elle était le plus gros problème. Albion avait signé avec les Leckard. C'était avec un Leckard que l'une de leurs princesses s'était fiancée. Targatt n'avait aucun rapport dans ce contrat. En clair, si la reine voulait de l'aide d'Albion dans ce conflit et dans l'avenir, elle allait devoir apprendre qu'il valait mieux parfois perdre une bataille pour gagner la guerre. Brann n'en avait que faire de l'alliance avec ce royaume de pouilleux. Rompre le contrat était une formalité pour lui. Pour le royaume de Targatt en revanche...