Un peu d'amitié dans ce monde de fou. (PV) (TERMINÉ)

Yearius était rentré depuis deux jours maintenant en Targatt et était plutôt heureux d'enfin revenir chez lui. Il savourait le contact de ses draps propres, l'odeur de l'ancienne chambre que Saeline lui avait donné, sa mère et sa soeur. Au final, le paladin était toujours un enfant qui avait besoin de sentir la protection de sa mère près de lui. Il avait détesté sortir ainsi de sa zone de confort pour se retrouver en pleine nature loin de tout. Il avait fait son travail de son mieux, mais n'en restait pas moins un enfant. Si Saeline et Charle n'avaient pas été présents en permanence près de lui, les paladins se seraient sans doute écrasés au sol sans rien pour les retenir. La seule lumière dans ses ténèbres était le doux sourire de sa compagne. Allayne... Il l'aimait à un point qu'il était difficile de définir. Elle était sa lumière, son ange, son rêve. Il ne voulait pas la perdre, surtout pas pendant la guerre. Mais si jamais... Il devait lui faire comprendre que ce n'était pas qu'une aventure d'un soir. Qu'il la voulait à ses cotées pour toujours.

Cependant, ce n'était pas le moment de sombrer dans la douce folie des fiançailles possibles avec sa belle. Il devait parler avec le nouveau gouvernement des paladins et de leur avenir dans la cité. S'il s'attendait à devoir négocier avec ce serpent qu'était Nogaret, il fut agréablement surpris lorsqu'on lui annonça que Luthien était devenue reine de la cité. Agréablement surpris. Il connaissait bien Luthien, puisqu'elle était la meilleure amie de sa mère. Il avait connu cette grande dame alors qu'il n'était qu'un enfant innocent, ne possédant pas une once de malice. À l'époque, il s'était d'ailleurs blotti contre les jambes de Saeline et avait refusé d'en bouger. Il sourit légèrement en s'arrêtant devant le palais. Le petit garçon avait bien grandi...

Il entra dans le palais et montra au garde la missive signée de la reine, l'invitant à le rejoindre dans ses appartements. Le paladin portait comme à son habitude l'armure complète de l'ordre ainsi que son épée à la ceinture. Il ne portait aucune autre pièce d'équipement, étant là pour parler avec cette femme qui avait été comme une tante pour lui. D'ailleurs, il l'avait appelé comme tel très longtemps. Cependant, c'était du passé. Il était le chef des paladins et elle la reine de Targatt.

Malgré tout, il ne put s'empêcher de sourire en entrant dans ses appartements. Ils étaient immenses, digne de la reine qu'elle était devenue, mais elle restait habillée plutôt simplement. Lui même devait avoir l'air bien étrange dans une lourde armure simplement pour lui parler. Enfin, peut-être pas. Après tout, il devait lui parler d'un sujet plutôt sérieux, pas simplement lui demander comment il allait. Il lui sourit en s'arrêtant devant elle et s’inclina légèrement comme la coutume le voulait, même si l'envie de la serrer dans ses bras était plus tentante.

Merci de me recevoir, ma reine. Je vous ai demandé une entrevue en privé pour vous parler de l'avenir de l'ordre des paladins. Voulez-vous faire son ici, ou dans votre bureau?

Il lui parlait d'une façon si professionnelle... Ses propres mots semblaient sonner faux, mais il se contenta de rester droit et digne comme sa fonction l'exigeait.

Quand on lui annonça l'arrivée de Yearius, Lùthien renvoya les documents qu'elle était en train de lire dans son demi-plan. Elle était joyeuse de recevoir le fils de son amie, et d'abandonner pour un moment la lecture des rapports insipides - mais pourtant cruciaux - de l'intendance du palais. Elle se rendit jusqu'au vestibule pour accueillir en personne son invité.



- C'est un plaisir de vous recevoir, Généralissime. Dit Lùthien avec un large sourire. Restons donc par ici, ce bureau me sort déjà par les yeux.

Elle prit familièrement le bras du jeune homme qui la dépassait d'une tête. Oui, ce n'était plus le petit garçon qui l'appelait tatie. Elle le conduisit à travers l'enfilade des pièces jusqu'à un petit salon, le plus intime, celui juste avant la chambre de la reine. Le salon était meublé de petites tables et de canapés à la dernière mode, ce dont la reine n'avait que faire. Une elfe à la chevelure rousse était assise devant une tasse de thé, elle se leva en faisant cliqueter son armure sylvaine pour se mettre au garde à vous à l'entrée du paladin.

- Yearius, je te présente mon amie Aewiel que j'ai nommé capitaine des garde du corps royaux. Aewiel, voici Yearius, Généralissime de l'ordre des paladins et fils adoptif de Saéline.

- C'est un plaisir de faire votre connaissance, Généralissime. Salua la capitaine en s'inclinant légèrement. Je suis certaine que votre bravoure égale celle de votre mère.

Lùthien se retourna vers la porte de la chambre royale qui était ouverte. Hithfaeron était allongé en travers du lit de la reine et fixait les rideaux du baldaquin en jouant du luth. Malgré sa désinvolture, l'elfe continuait de protéger les appartements de la scrutation et autre espionnage de par ses enchantements musicaux. Il jeta un regard vaguement intrigué au demi-ange dont il avait senti l'aura particulière, mais retourna bien vite à ses mélodies qui avaient bien plus d'intérêt à ses yeux.

- Et voici Hithfaeron, qui remplit avec zèle son office de Barde. Conclut Lùthien. Maintenant asseyons-nous. Toi aussi Aewiel, après tout nous sommes presque en famille.

- Dieux merci, tu sais que j'adore faire le planton jours et nuits pour toi ma reine, mais ce thé est délicieux. Soupira Aewiel dans la langue chantante des elfes des bois avant de se rassoir.

- Yea... comment se porte l'ordre ?

Yearius était heureux de revoir cette femme qui avait été très présente au cours de sa vie. Il lui sourit lorsqu'elle attrapa son bras et il la suivit jusqu'à ses appartements, ne pouvant s'empêcher d'être heureux de la revoir en pleine forme. L'espace d'une seconde, il se revit plus jeune accompagnant cette femme et recevant ses premiers cours en invocation. Il n'était qu'un gamin et même pas un élève de plus. Pourtant il avait réussi à invoquer une petite fleur pour cette femme qui ressemblait beaucoup à sa mère sur bien des points. Le temps passe si vite lorsque l'on vit avec des mortels. Lui même était immortel, tout comme sa mère. Serait-ce différent s'il avait été éduqué chez les elfes? Sans doute. Il ne serait qu'un enfant pour ses êtres mystiques et n'aurait pas vécu toutes ses horreurs. Il chassa les images du massacre de son esprit avant d'entrer avec la reine. Inutile d'être maussade ou triste de ses événements passés.

Il entra dans les appartements et son regard se porta sur la jeune femme rousse aux longues oreilles pointues. Il lui sourit et se libéra du bras du Luthien pour se mettre au garde à vous, répondant à son salut militaire. Il ne resta ainsi qu'une fraction de seconde avant de lui tendre le bras, lui serrant l'avant-bras à la manière des paladins. C'était un honneur pour elle, celui qui connaissait les traditions de l'ordre savait que seuls les paladins se saluaient ainsi. Il saluait aussi de la même façon les hommes d'armes qu'il considérait comme leur égal, mais qui n'appartenait pas à l'ordre. C'était le cas de cette femme qui, il devait l'admettre, était vraiment jolie. Même si elle n'était pas spécialement son genre. Il salua de la tête le barde et prit lentement place dans le fauteuil indiqué par Luthien en lui rendant son sourire.

Un ange élevé par un elfe qui voit sa tante de coeur devenir reine. Une bien étrange famille si tu veux mon avis.

Il rigola légèrement et déposa une main sur son torse, faisant disparaître la lourde armure qu'il portait pour ne garder que ses vêtements. Des bottes, une chemise blanche et des pantalons tout ce qu'il y avait de plus simple. La chevalière de l'ordre à son doigt était le seul bijou qui le caractérisait. Dans l'ensemble, il était plutôt modeste. Il ne souhaitait pas être vu comme un homme se pavanant de richesse. Selon lui, excepté leur armure, les paladins ne devraient pas porter de bijou ou d'objet en tout genre rappelant la richesse. Le généralissime, une fois débarrassé de son armure, soupira devant la question de sa tante.

L'ordre se porte mieux qu'avant, mais nous avons toujours quelques petits problèmes. Cependant, nous continuons le recrutement de notre mieux. Depuis la mort de Drake nous n'avons plus à craindre la cité, même si certaines de ses ennemies restent actives. Enfin... Ce n'est pas très grave. Je voulais d'ailleurs te parler de l'ordre pour cette raison.

Il s'assit plus confortablement sur le fauteuil en hésitant à parler devant les deux inconnues qui les entouraient. Cependant, il ne pouvait pas se taire ou demander à sa tante de faire sortir ses deux personnes qui semblaient être de confiance. Aussi, après quelques secondes d'hésitation il se lança.

Nous sommes peu nombreux, mais nous sommes fiables et fidèles. J'aimerais te proposer d’intégrer l'ordre au gouvernement. Comme une milice qui de la lumière qui n'aurait de compte à rendre qu'à toi. Tu sais comme moi que tu es entouré de vipère, tante Luthien. Ça serait une excellente chose pour les paladins qui retrouverait un but dans la vie et pour toi qui pourrait compter sur des alliers fidèles. J'aimerais vraiment pouvoir oublier ce que ce gouvernement que tu diriges nous a fait et aller de l'avant.

Il soupira une nouvelle fois en passant une main dans ses cheveux. Négocier ainsi avec cette femme était difficile, si bien qu'il se demanda l'espace d'un instant s’il ne préférait pas le juge. La réponse lui vint rapidement. Non, il préférait de loin cette femme juste une bonne.

En termes de projet pour l'ordre, j'ai l'intention de créer un nouveau quartier général en ville. De plus, j'ai parlé avec certains alliers trouvés durant les révoltes contre Drake qui pourrait nous aider à créer une forteresse dans la forêt entourant la cité, nous permettant une mobilité et une autonomie maximale. Finalement, j'ai prévu créer un monument dans cette même forêt, en l'honneur de nos morts. Bien sûr, j'ai besoin de ton accord pour tous ses projets et probablement de l'aide financière de la couronne. Mais j'espère que tu comprends que c'est pour le bien de l'ordre et de Targatt que je demande tout cela.

Yearius planta son regard dans celui de sa tante et dit sur un ton nettement moins joyeux.

Si nous sommes au font du trou, c'est à cause du gouvernement. Nos services ainsi que les choses que je demande sont en quelque sorte une compensation pour tout ce que ce gouvernement nous a fait endurer. J'espère que tu seras d'accord avec moi.

Lùthien répondit à son neveu de cœur d'un ton teinté de tristesse.

- Tout ce que tu demandes est légitime. Vous ne demandez pas de justice sanglante, et rien que pour cela vous avez énormément de mérite. Je ferais tout ce que je pourrais pour réparer le tort qui a été fait à l'ordre. Les monuments en souvenir de ceux qui sont tombés ont leur place au cœur de Targatt, pas au fin fond d'une forêt. Mais nous sommes au milieu d'une guerre... le peuple n'est pas assez serein pour que nous puissions appeler à l'apaisement.

La reine songeait que c'était avec l'or des Helmael et des Leckard qu'il fallait construire ces monuments et financer l'ordre. Mais elle n'avait pas encore les moyens de les contraindre à respecter de telles sanctions et préférait donc éviter de faire des promesses en l'air. Elle soupira légèrement à son tour. Elle ne pouvait malheureusement pas accéder à toutes les requêtes du paladin et  refuser tout cela à cet ordre qui avait tant souffert était peinible. Pourtant, elle n'épargna pas à Yearius la réalité de la situation et le traita comme le généralissime qu'il était.

- Comme tu t'en doutes, mes marges de manœuvre au sein du gouvernement sont très réduites. Pour le moment, l'or de la couronne, c'est l'or des Bones et il est mobilisé pour l'effort de guerre. Je ne peux rien te promettre pour l'instant sur ce plan, sans compter qu'à l'issue de la bataille nous aurons probablement besoin de moyens pour reconstruire Arakis et Meghir... Et peut être Targatt. Dit-elle sombrement. Quand à cette forteresse... nous la construirons un jour si elle a un intérêt stratégique pour la cité. Par exemple, pour protéger ces deux cités non-mages qui finiront probablement sous notre protectorat. Targatt est déjà une place forte... bâtir une forteresse dans la forêt qui la jouxte a malheureusement peu d'intérêt. Je ne suis pas contre sur le principe, mais c'est après la victoire que nous devrons en reparler. Par contre vous me rendriez un service immense en revenant au palais. L'ensemble de la garde a participé au coup d'état de Drake et à la traque des rebelles... Autant dire que je m'en méfie comme la peste. La garde compte une centaine de soldats. Soixante-dix aux ordres de David De Nogaret pour l'instant, une trentaine aux ordres d'Aewiel et ses elfes qui dirigent ma garde personnelle. Nous avons triés sur le volet les soldats qui me sont le plus proche mais ce n'est toujours pas l'idéal... Je dormirais mieux avec un peu plus de lumière dans mon entourage. La garde royale a perdu pas mal d'effectifs, vous pourriez prendre vos quartiers directement au palais plutôt qu'en ville... Mlheureusement je ne suis pas sûre de pouvoir diriger cette milice moi-même. J'ai déjà sous mes ordres le protectorat, la garde royale et la grande armée, sans compter la gestion de la partie civile du gouvernement... J'aimerais te proposer de travailler sous les ordres d'Aewiel. J'ai une confiance totale en elle, autant qu'envers ta mère.



- J'ai protégé et conseillé Lùthien pendant longtemps. Expliqua l'elfe aux cheveux de feu. J'étais son ailière pendant la guerre, j'assurais sa défense pour qu'elle puisse lancer tranquillement ses invocations majeures. J'ai ensuite été son officier en second pendant des années... Je ne laisserais personne s'en prendre à elle, crois moi.

Yearius ne put s'empêcher de lui rendre son triste sourire, devinant sans mal que sa réponse serait sans doute négative. Il ne pouvait pas lui en vouloir, il lui avait donné ses projets d'avenir et il était évident que la reine devait s'en vouloir. Yearius était un paladin et son neveu de coeur, cependant elle agissait comme reine de Targatt, non pas comme une tante aimante actuellement. Il écouta donc ses paroles en hochant doucement la tête, ne parvenant pas à cacher la légère frustration en lui. Elle lui avouait ouvertement que l'ordre n'était pas le première de ses priorités, bien loin derrière la guerre et la gestion de royaume. C'était logique et il ne pouvait pas lui en vouloir. Cependant, il fut surpris devant ses paroles. Elle ne comprenait pas l’intérêt d'une forteresse? Aussi bien être sincère avec elle, après tout elle l'avait été jusqu'à maintenant avec lui.

Je comprends Luthien. Je... Je n'ai jamais été fort pour négocier pour être honnête et je ne chercherais jamais à t'arnaquer. Je t'aime trop pour cela. Je vais être honnête avec toi, je cherche surtout à protéger l'ordre et lui donner une indépendance qui nous éviterait de finir comme la dernière fois. Ce qui nous a été fatal, c'était que l'ordre n'avait aucune structure hors de Targatt et était livré à son gouvernement. Ça n'arrivera plus jamais. Cependant... Avec toi sur le trône je sais que ça n'arrivera pas tant et aussi longtemps que tu occuperas le titre de reine.

Il lui sourit finalement, de manière plus douce. Il ne pouvait pas lui en vouloir, elle lui offrait déjà de les intégrer au palais, permettant à l'ordre de financer ses caisses. De plus, elle avouait que sa situation n'était pas des plus enviables et il se tendit en apprenant qu'elle était ainsi entourée de vipère de la pire espèce. Il fronça les sourcils et baissa la tête quelques instants, faisant le compte rapide de ce qu'il attendait de ses hommes et des effectifs qu'il possédait. Les paladins avaient en effet longtemps occupé la garde royale en totalité, permettant à la régente de l'époque d'être en sécurité. Aujourd’hui cependant ils n'étaient plus assez pour s'assurer ainsi de la défense de tous les palais. Par contre, défendre la reine et ses appartements était parfaitement possible.

Si tu as besoin de nous au palais, il va sans dire que nous allons venir te prêter main-forte. Cependant... Je ne peux accepter qu'une personne extérieure à l'ordre nous commande. Je suis sûr qu'Aewiel est une personne de confiance qui pourrait nous apporter de précieux conseil, mais le problème n'est pas là. L'ordre paladin a toujours agi d'elle même et je ne peux me permettre de la confier à une personne extérieure. Charle est mon général et un soldat expérimenté, qui s'est toujours battus pour le bien. il se tourna vers l'elfe à la chevelure rousse avant de lui sourire de manière désolée [coloris=#0000ff]je prendrais avec plaisir tous vos précieux conseille et je suivrais vos directive pour les transmettre au besoin et croyez bien que je ne cherche pas à vous insultez. Mais pour les paladins, vous ne serez jamais qu'une conseillère. L'ordre fonctionne parce qu'elle sait faire preuve de droiture dans son travail. Sans vouloir vous manquer de respect, vous ne pouvez prétendre commander des hommes dont vous ne savez rien et dont les traditions vous sont inconnues.[/color]

Il se tourna vers sa tante et plongea son regard dans le sien. Il soupira longuement. C'était douloureux de devoir ainsi tenir tête à cette femme qu'il aimait de tout son coeur, presque autant que sa mère, mais il ne pouvait pas flancher. L'ordre tout entier comptait sur lui et il ne pouvait pas se permettre de se laisser écraser ainsi par un elfe qui n'avait rien à voir avec l'ordre paladin.

Comme je l'ai dit, tu n'auras qu'à me dire ce que tu attends de nous et Charle s'assura que ce soit fait. Il a commandé des hommes, est un stratège reconnu par ses pairs et a combattu de nombreuse fois par le passé. J'espère que tu me comprends. L'ordre à besoin de rester soudé. Puisque tu crains pour ta sécurité, je peux te proposer d'affecter les paladins à la protection de tes appartements ainsi que les zones du palais ou tu te trouves. De plus, des paladins seront déjà à l'académie puisque celle-ci sera probablement transformée en hôpital de fortune. Nous aiderons donc autant que possible.

Il aurait aimé accepter l'offre de la reine, mais il devait négocier autant que possible. Il s'en voudrait sans doute toute sa vie pour ainsi lui tenir tête et la culpabilité le tenaillait. C'était évident sur son visage, cependant il devait continuer. Lorsque tout ça serait fini, il pourrait quitter leur rôle respectif et redevenir une tante et son neveu l'espace de quelques minutes. Ce n'était malheureusement pas pour tout de suite.

Lorsque nous aurons gagné cette guerre, tu peux être sûr que les paladins te resteront fidèles quoiqu'il arrive. Nous serons derrière toi et nous t'aiderons autant que possible. Pendant et après la guerre, considère-nous comme ton épée et ton bouclier. Nous serons toujours en Targatt pour que la lumière resplendisse. Et je ne chercherais jamais la vengeance. C'est une perte de temps... Monumental. Trop de sang a déjà coulé.

Après les explications de Yea, Lùthien comprenait mieux son idée de forteresse, elle secoua la tête en souriant légèrement.



-          Alors même toi tu te sens obligé de me demander ce que tu veux de manière détournée ? Oui, nous sommes en train de négocier, mais tu peux me parler franchement, je ne t’en tiendrais pas rigueur, et comme tu le vois je fais de même avec toi. Quand la guerre sera finie, nous réfléchirons ensemble à une solution pour que l’ordre soit en sécurité.

Aewiel croisait les bras, un peu vexée des propos du demi-ange, mais elle laissa sa reine la défendre sur la question du commandement. Lùthien soutenait avec calme le regard du généralissime et précisa ses propos.

-          Je ne veux pas nuire à l’organisation de l’ordre, j’essaye de construire une chaîne de commandement fonctionnelle. Je comprends que l’ordre tienne à son identité et son autonomie, la milice détachée au palais restera sous les ordres de son propre lieutenant, qui commandera comme il l’entend. Mais si vous êtes à mon service, il faut bien que quelqu’un transmette mes ordres, n’est-ce pas ? Aewiel sera cette personne. Elle laissera autant d’autonomie que possible à la personne qui dirigera la milice, mais en cas d’urgence, il faut déterminer qui aura le dernier mot. Aewiel est présente aux réunions stratégiques, elle saura mieux respecter mes intentions. Je sais que votre loyauté est inébranlable, mais si les soldats affectés à ma garde personnelle commencent à agir indépendamment vous pourriez nuire à mes plans, même avec la meilleure volonté du monde… Sache que ctte hiérarchie ne s’appliquera qu’aux paladins servant aux palais, le reste de l’ordre est bien sûr libre. D’ailleurs tu me fais penser que je n’ai personne pour coordonner la gestion des blessés pour la partie civile… tu aurais quelqu’un en tête ? Saéline serait évidemment qualifiée mais ce sera sans doute éprouvant et j’aimerais lui éviter ça…

Yearius soupira devant les paroles de sa tante. Se sentait-il obligé de lui parler de façon détourner pour avoir ce qu'il voulait? Une voix en lui s'éleva pour hurler que c'était faux, mais une autre voix lui rappela qu'il était le chef des paladins et que ses hommes comptaient sur lui. Il ferma les yeux l'espace d'une seconde, la culpabilité se lisant sur son visage. Avec un inconnu ou une personne moins proche de lui dans la vie de tous les jours, ça n'aurait sans doute pas posé problème. Mais il se rendait compte qu'il essayait d'arnaquer quelque part une personne qui avait toujours été près de lui, d'aussi loin qu'il se souvienne. Il aurait probablement dû demander à Charle de l'accompagner. Lui aurait sans doute gardé la tête froide pendant les négociations. Seulement, Yearius ne voulait pas de négociation. Il croyait que sa tante comprendrait sans problème ce qu'il demandait. Il avait été stupide et naïf. Elle avait un royaume à faire tourner et dans ce genre de cas, la famille ne comptait plus.

Il leva son regard d'un bleu éclatant sur celui de la reine et lui sourit tristement. Il aurait voulu s'excuser et revenir le gamin qu'il était quelques années plus tôt. C'était cependant impossible et le regard offusqué que lui lançait l'elfe à la chevelure rousse n'aidait en rien. Il finit par lâcher à mi-voix.

Bien sûr que non Luthien... Je ne te mentirais jamais, tu le sais bien. Je te remercie de tout ce que tu pourras m'accorder et de ton aide après la guerre.

Certains pourraient dire qu'il s'écrasait sans combattre, mais c'était trop douloureux de devoir mentir et manipuler ainsi une personne qu'il aimait. Dire que certains en avaient fait leur quotidien. Certainement pas des paladins au coeur pur comme lui. Il pensait l'espace d'une seconde aux vipères qui entouraient cette femme lumineuse qui avait la pleine confiance de celle qui l'avait aimé, chéri et élevé comme si elle l'avait porté. Saeline était une merveilleuse mère et Yearius ne pouvait certainement pas trahir la confiance de cette dernière en essayant de jouer dans le dos de sa meilleure amie. Surtout pas une meilleure amie qui avait vu grandir ses enfants. Il fronça les sourcils avant de dire d'un ton décider.

Très bien. Dans ce cas, je prendrais moi-même la tête des hommes qui resteront au palais et je suivrais les directives du capitaine Aewiel. Cependant, je demande à assister aux réunions de l'état-major. Les paladins sont une chevalerie à part, il est normal que nous soyons présents. Pour le reste... je sais que c'est un sujet sensible, mais tu comprendras que mes hommes ont besoin d'être nourris, loger et payé pour leur service. Nous sommes des paladins, mais vu l'état de nos finances, nous ne pouvons nous permettre de travailler gracieusement. Nous sommes en guerres, aussi je ne négocierais pas avec toi un salaire. Je trouve ridicule de devoir négocier des pièces d'or alors que la vie de centaines, non, de milliers d'innocents est en jeu. Je demande seulement à ce que l'ordre soit nourri et logé au palais. De préférence dans une aile dédiée. Ça ne doit pas manquer ici. Tu n'aurais qu'à nous permettre de prendre l'ancienne aile réservée au paladin de l'époque d'Astoria qui est toujours vide, je crois. Lorsque nos vies ne seront plus en danger, nous pourrons prendre le temps de perdre des heures en essayant de nous arracher mutuellement la moindre miette de pain. C'est bien ce que fondent les politiciens, non?

Il avait lâché cette phrase en ricanant, d'un ton légèrement amer qui montrait bien le dégoût que lui procuraient les hommes qui agissaient de la sorte. Il ne comptait pas sa tante dans le lot, mais il se doutait que Drake n'était pas entouré de personne bonne et pure. Plutôt de rapace et de vipère de la pire espèce. Il se souvint de ce qu'elle avait dit, Bones contrôlait les finances. Avec le juge qui contrôlait la justice, il s'agissait d'une belle paire. Cependant, il se força à arrêter de penser à ses deux cloportes pour se concentrer sur sa tante. D'un ton un peu plus joyeux et rappelant qu'au fond il n'avait qu'une vingtaine d'année, il demanda.

Je suis vraiment heureux que tu aies pris le trône, tatie. Maman aussi était aux anges. J'espère que tu ne rencontres pas trop de difficulté.

Il essayait volontairement de changer de sujet avec elle. Il aurait tout le temps de parler stratégie avec elle un peu plus tard. Pour l'instant, il était simplement heureux de demander à cette femme si tout se passait bien. Peut-être pour lui rappeler qu'il était lui même probablement plus elfique qu'humain vu sa mère et qu'il était de son côté peut-importe ce qui ce passait. Il ajouta doucement, dans la langue elfique de sa mère.

peut-être que je me répète, mais je suis heureux de voir que tu te portes bien.

Lùthien sourit avec amusement à son neveu.



-          Tu as vraiment encore des progrès à faire Yea. Cette fois tu fais trop vite des concessions. Vous serez logés, nourris, blanchis et payés comme il se doit. Ce n’est pas quelques soldats de plus qui vont causer la faillite de la cité. Et j’ai peut-être même quelques chevaux à vous prêter. Pour l’état-major, c’est un peu plus délicat, je marche aussi sur des œufs avec la grande armée. Même en tant que reine j’ai eu beaucoup de mal à ce que les généraux et la maréchal Schlacht me prennent au sérieux. Je vais voir ce que je peux faire mais dans tous les cas je ne pourrais pas t’offrir plus qu’un rôle d’observateur. Par contre tu peux assister à la réunion de préparation de la défense de la cité cet après-midi.


La plupart des questions urgentes étaient réglées et la reine apprécia le changement de sujet. Aewiel s’était aussi radoucie en voyant que le paladin savait se montrer raisonnable. Voyant que la conversation prenait un tour plus personnel, elle finit son thé et se leva pour quitter la pièce.

-          Yearius, je t’introduirais à ton nouveau poste lorsque vous aurez terminé. Elle poursuivit pour Lùthien dans la langue sylvaine. Je te retrouve plus tard, Fille des Fleurs. Dit-elle en effleurant à son passage l’épaule de Lùthien.

La reine lui répondit d’un sourire affectueux avant de reprendre sa conversation avec Yea. En réalité ces deux premiers jours de règne avaient été éreintants, mais l’elfe s’inquiétait encore plus pour Saéline que pour elle-même.



-          C’est vraiment ce que Saéline ressent ? Ma visite avec elle hier a été plutôt… mouvementé… j’avais peur qu’elle m’en veuille… Tu l’as vue depuis ? Comment vas-t-elle ? Et toi Yea ? Tu as pris beaucoup de responsabilités récemment, tu arrives à tout gérer ? …tu as le temps de fréquenter cette belle Alleyne ? Demanda-t-elle avec un petit sourire, poursuivant la conversation en haut-elfique.

Yearius ne put s'empêcher de sourire légèrement devant le commentaire de la reine. En effet, il avait encore beaucoup à apprendre pour commander convenablement et surtout pouvoir négocier avec les puissants. Cependant, il était heureux de voir que Luthien comprenait sa position. Les paladins seraient maintenant logés, nourris et payés par la couronne. C'était un souci de moins pour le généralissime de l'ordre de la lumière, maintenant que ses hommes n'étaient plus à la rue il pouvait se concentrer sur la suite plus activement. Notamment sur la formation nouvelle de l'ordre et sur ses règles, ses grandes, sa hiérarchie. Le fait qu'une femme n'ayant rien à voir avec l'ordre le commande le dérangeait un peu, mais il comprenait la position de la reine. L'ordre paladin n'était pas assez puissant pour être considéré comme une force à part dans les conflits à venir. Aussi, Yearius devait accepter de travailler sous les ordres d'une autre quelque temps. Cependant, les paladins étaient ses soldats et il avait mis les choses aux clairs. La rouquine lui donnait ses directives et il les suivait. En aucun cas, les paladins n'avaient d'ordre à recevoir d'elle.

Les paladins n'étaient pas des soldats. Ils étaient une élite chevaleresque commandée pour des règles strictes et pure. Laisser un soldat en prendre le contrôle était un mouvement pouvant entraîner de grave conséquence. Les paladins préféraient par exemple neutraliser que tuer, ne donnaient pas la chasse à un ennemi et traitaient même les prisonniers avec dignité. Il n'était pas certain qu'une militaire de profession est la même vision baignée de lumière. Même si comme elfe, elle était sûrement mieux placée que bien des humains... Il hocha la tête vers Luthien en soupirant.

Je fais de mon mieux, mais c'est dur... Parfois, j'aimerais redevenir le simple gamin toujours dans les bras de sa mère. À cette époque, je n'avais pas de responsabilité et pas de devoir... C'était bien. Enfin, je te remercie de nous permettre au moins ça. Tu comprends que je ne peux permettre qu'on soit écarté des décisions aussi facilement, surtout si on vous propose notre aide.

Le changement de sujet était le bienvenu et Yearius prit plaisir à simplement parler avec sa tante de coeur comme il avait pris l'habitude par le passé. Il hocha doucement la tête, se rappelant de l'état de sa mère. Si au début il avait été choqué et quelque peu jaloux d'apprendre qu'elle portait la vie, il avait été peiné de voir son état. Il avait entendu dire que certaines grossesses avaient des complications, mais maintenant qu'il le voyait de ses yeux c'était une expérience terrible. Surtout qu'il s'agissait de sa propre mère et que la guerre était à leur porte. Il espérait simplement qu'elle se remette rapidement. Il sourit à la reine avant d'ajouter doucement dans la langue elfique.

Maman va aussi bien que possible. Notre nouvelle infirmière fait des miracles avec elle et m'a assuré que sa vie n'était plus en danger. Elle m’a confié ne pas t'en vouloir et comprendre ta réaction. Elle regrette seulement que le retour de sa mémoire ait été aussi douloureux... Quant à moi... Et bien, je n'ai jamais voulu être chef. Je ne m'imaginais pas prendre ce rôle, surtout pas aussi tôt. Mais les paladins n'avaient plus de dirigeant alors je n'ai pas eu le choix. Il m'écoute aveuglément tout ça parce que je suis un demi-ange. C'est... Presque effrayant. Néanmoins ils sont fidèles et loyaux. L'ordre et ses valeurs ne sont pas morts et c'est une très bonne nouvelle.

Lorsqu'elle parla d'Allayne, les joues du demi-ange rougirent et un doux sourire apparut sur ses lèvres alors que le souvenir de leur nuit d'amour revenait en mémoire. Il se rappelait parfaitement de tout ce qu'il avait vécu cette nuit-là. La tendresse d'un baiser, les accolades amoureuses, les baisers sulfureux, le contact de sa peau chaude et douce contre lui. Sans parler du reste... Il se contenta de sourire comme un idiot avant de souffler, avec la tête d'un homme épris d'amour à un point maladif.

Oui, j'ai pu la voir quelques fois... Je l'aime tellement, je ne sais pas ce que je ferais sans elle. Elle est... Parfaite... Si lumineuse, si belle...

Se rendant compte qu'il portait dans un délire un peu trop intime, il rougit un peu plus et toussa en la regardant de façon gêner. Il ne croyait pas se laisser emporter par l'émotion...

Lùthien était rassurée que son amie ne lui en veuille pas.
- Je regrette aussi que cela ait été si violent pour Saéline... Parfois je me demande si ta mère n'est pas une ange elle aussi ! La rancune lui est tellement étrangère... Sourit-elle avant de redevenir plus sérieuse.

- Toi et moi sommes le type de personnes qui acceptons le pouvoir quand il n'y a plus personne d'autre pour le ramasser... Je crois que je sais ce  que tu ressens, je ne m'imaginais pas non plus reine de Targatt... Mais je sais que nous ferons de notre mieux. Tu as l'avantage d'avoir de la légitimité auprès des paladins, mais tu fais bien de t'entourer de personnes d'expérience comme ton général qui sauront être honnêtes avec toi si jamais tu fais des erreurs.



La tante du paladin rit avec bienveillance le en voyant amoureux transi, elle était heureuse pour lui. Elle n'avait aucune gêne à parler d'amour avec son neveu.

- C'est vrai qu'elle est jolie.

Un instant seulement, une ombre passa sur le visage de Lùthien lorsqu'elle se rappela qu'Alleyne était mortelle, mais Yea n'avait pas à se soucier de cela pour le moment.



- Profites bien de la passion Yea, du feu et de l'euphorie... mais si tu veux que ça dure, n'oubliez pas de devenir amis. Sourit Lùthien qui parlait d'expérience. Tu peux me parler si jamais tu as besoin de te confier à son sujet... et que tu ne veux pas en parler avec ta mère.



Ensuite, ils parlèrent joyeusement de choses et d'autres, profitant de ce court moment de répit avant de retourner à leurs obligations. Au moment de se séparer, Lùthien prit son neveu dans ses bras avant de laisser Aewiel l'introduire à ses nouvelles fonctions.