L'ennemi d'un ami peut-il être un allié ?

Le jour même où des débats politiques sur la guerre s'ouvraient au sénat, des gardes royaux vinrent chercher Cephas pour lui indiquer qu'Elle - sous entendu la Reine - souhaitait lui parler.

Certains témoins affirmaient que la reine avait été blessée pendant l'attaque de l'ordalie et du démon et qu'elle avait été rapatriée en urgence vers le palais par la garde royale. Cependant, aucune information officielle n'avait été communiquée à ce sujet et la souveraine n'avait fait aucune apparition publique ; si bien que les rumeurs les plus folles commençaient à courir concernant son état de santé réel. Le haut-prêtre serait donc probablement heureux d'être parmi les premiers civils à voir de ses propres yeux ce qu'il en était.

Cephas fut escorté jusqu'au grand l'escalier de la grande porte du palais. De nombreux artisans étaient afférés à réparer l'aile ouest qui s'était effondrée lors de l'attaque de l'Ordalie. Et alors que le haut-prêtre montait les marches, les gardes royaux postés dans les ouvertures béantes du bâtiment le suivirent d'un regard froid.

L'escorte de Cephas le conduisit à travers les couloirs et ils passèrent devant la salle du trône, mais la reine ne s'y trouvait pas. C'est dans un petit bureau un peu plus loin qu'on le conduisit. Etant donné la destruction des défenses globales du palais, la garde avait probablement jugé qu'il était plus simple de protéger une pièce moins vaste que la salle du trône. On le laissa entrer seul et les gardes se postèrent devant les lourdes portes que l'on refermait dans son dos.

La pièce était plongée dans la pénombre et les rideaux à peine entrouverts laissaient seulement filtrer quelques rayons de lumière. La reine était installée derrière un bureau de bois massif, dans l'ombre du contre-jour, immobile dans son grand fauteuil. La seule autre personne présente était son barde, posé sur un divan, qui jouait sur sa lyre un air mélancolique. Malgré l'air nonchalant du musicien, il n'était pas là uniquement pour divertir. En y regardant magiquement de plus près, le haut-prêtre pourrait peut-être s'apercevoir que la musique du haut-elfe était imprégnée de magie, et que de son énergie spirituelle emplissait la pièce. Celle-ci n'avait cependant rien d'une présence oppressante, elle était en réalité presque invisible, comme une brume légère. La magie du barde semblait se concentrer sur la reine qui prit la parole. La voix de Lùthien était neutre, presque lasse, et n'avait pas le tranchant de leurs derniers échanges.

- Malgré tous les problèmes que vous causez, vous vous dites encore être mon allié ? J'écouterais votre proposition, mais vos actions ne peuvent rester sans conséquences.

Chute de dominos - Acte 1 - l'Hayili entre en scène

Le haut-prêtre n'avait pas été surpris outre mesure de l'invitation de la Reine à un entretien. Peut-être était-il temps de coordonner les efforts pour éviter que la prochaine étape de la prophétie ne se réalise. Du moins était-ce dans cette optique que Cephas avait accepté de suivre les gardes royaux jusqu'au palais. Leur titre de garde était quelque peu surfait d'après lui mais il ne se formalisa ni de leur faible énergie, ni des regards froids qu'ils lui adressaient, se contentant de leur sourire avec chaleur et amusement. Qu'il soit "escorté" n'était bien là encore que du théâtre. Une jolie représentation pour faire croire aux clampins qui les voyaient passer que la reine avait un semblant de pouvoir, ou peut-être juste pour dire "coucou je suis en vie". Dans tous les cas, il n'était pas suffisamment diminué pour qu'il ait quoi que ce soit à craindre d'autre que le Trône. Et sans le royal fessier destiné à la guider, il n'était ni plus ni moins qu'un artéfact en sommeil dépourvu du moindre intérêt.

Il entra dans le bureau... et sourit davantage tendis que son regard multicolore se posait sur le barde. Tant de moyens déployés. Ce n'était rien d'autre que la preuve de faiblesse d'un animal blessé qui craignait un prédateur potentiel. A savoir, Luthien. C'était si mauvais que cela alors... Une information utile. Celui-là était déjà un peu plus "présent" que les autres "gardes" bien qu'il ne serait pas un adversaire sérieux pour autant, il serait sans doute à même d'ennuyer quelque peu le haut-prêtre, brièvement. Mais même bref, un ennui pouvait facilement devenir mortel. Autrement dit, il ne sous-estimerait le barde. Pas plus que d'ordinaire.

Le haut-prêtre finit par adresser un regard à la reine, agrémentée d'une légère inclinaison du buste en guise de salutations respectueuses tendis qu'elle faisait directement preuve d'une stupidité sans bornes à laquelle il accorda le maximum d'intérêt qu'il lui était possible, à savoir : aucun. Elle ne comprenait décidément pas l'ordre naturelle des choses.

"Je suis ravi de constater que vous n'êtes pas aussi diminuée que les rumeurs l'affirmaient. Ma proposition comme vous dites, est aussi limpide que l'était mon courrier."

Il rassembla ses mains devant lui, paumes ouvertes, et s'appuya sur le bâton qui venait d'y apparaitre, son visage trahissant un léger soulagement dans ce changement de posture. Bien qu'il n'ait pas été touché aussi durement qu'il l'aurait cru, par le courroux d'un dieu ou par celui de la magie elle-même compte tenu de son abus, il était tout de même partiellement affaibli. Dans sa chance, son affaiblissement demeurait purement physique et n'altérait en aucune façon sa connexion avec sa déité vénérée, ni les pouvoirs qu'il lui octroyaient. Autrement dit, il conservait toute la confiance et la bénédiction de Jaben.

Cephas leva son poing et déplia un premier doigt.

"Aide à la reconstruction des structures touchées, objets magique d'importance inclus... Car c'est bien trop lent vous l'admettrez."

Il leva un second doigt.

"Remise en état des protections de la cité et leur nécessaire amélioration."

Il en leva un troisième.

"Préparation de l’accueil des émissaires étrangers."

La main du prêtre se reposa sur celle qui n'avait pas quitté la pommeau de son bâton.

"On m'a confirmé que des ambassadeurs étaient officiellement partis de certains des territoires occupés par vos voisins. Nul doute que leur but sera de jauger la véritable faiblesse de la cité et de saisir l'opportunité qui en découle logiquement."

Il marqua une courte pause avant de reprendre, ses épaules s'affaissant légèrement, marquant par là l'importance des propos qui allaient suivre.

"Il serait de bon augure de priver les suppôts de Lehadin de leur liberté, au moins le temps que votre Sénat ne se calme et que l'instabilité croissante ne s'apaise. La prophétie a encore progressé... L’œil pourrait bien se fermer."

Il jeta un coup d’œil vers le barde. Nul doute que si la reine ne comprenait pas la multiplicité des interprétations possibles pour cette partie, lui pourrait être à même de le lui expliquer. Il pouvait tout à la fois s'agir de l'abandon du dieu pour cette cité perdue, bien qu'elle ait été de longue date parmi ses préférées. Comme il pouvait s'agir de la mort de Cephas, ou tout simplement d'un désaveu de la Reine qui l'empêcherait de mener à bien sa mission qui était des plus simplistes : préserver les mages et la magie, ce qui voulait également dire préserver l'équilibre des énergies magiques car un trop grand déséquilibre ferait tomber la cité aussi sûrement que de la priver de magie.

En vérité, Cephas, bien qu'il adore la vie, se moquait pas mal de mourir. Il faut dire qu'il aurait du rejoindre le royaume de Björ depuis plusieurs.... disons depuis longtemps. Tout ce que Jaben lui accordait était un bonus. Une preuve de sa confiance et c'était là sans nul doute ce que Cephas chérissait le plus. Ce qui l'ennuyait le plus dans cette histoire...

"Je souhaiterai vous parler franchement et sans ambages. Aussi, veuillez ne pas me tenir rigueur de mes propos qui sont davantage le sentiment d'un vieil homme féru de magie et désireux d'en préserver l'équilibre, davantage que d'un prêtre ou d'un mage."

Il marqua une courte pause, ses yeux s'assombrissant, le gris et le noir venant remplacer le bleu azur, le violet et le vert qui dansaient habituellement dans ses iris.

"Je reconnais que la privation de certains objets magiques pourraient nuire à la cité, bien qu'à l'unique court terme. Et il est clair que vous le percevez comme une faute, peut-être même comme une attaque, à tort cependant puisqu'il ne s'agit là que de dommages collatéraux. Je me permets de vous demander de prendre de la hauteur et vous inscrire dans une vision plus globale, ou, à tout le moins, dans une vision à moyen et long terme afin de comprendre l'impérieuse nécessité de recourir à une disjonction de cette ampleur, contrainte par la "bénédiction" qui a été lancée. Si elle était effectivement utile pour contrer le démon, la nature même de cette corruption affecte l'ensemble de vos concitoyens, comme de tout ce qui est. Vivant ou non. Vous n'êtes pas sans savoir que Targatt est une des cités regroupant le plus de mages, et, par conséquent, ayant le flux magique le plus fort. Ceci renforce par là-même les courants telluriques qui lui ont donné naissance de prime abord car la magie vogue dans les deux sens. Ainsi... je vous laisse imaginer le désastre en termes d'équilibre si, aux termes de quelques années, tous les citoyens avaient fini par n'employer que l'énergie positive, affectant les courants qui auraient, de fait, fini par également altérer les mages, objets et lieux se trouvant sur leur chemin, finissant par possiblement répandre une positivité forcée sur l'ensemble de cette terre."

Il tentait d'expliquer les choses le plus simplement possible, et à la fois de la manière la plus logique. Mais peut-être fallait-il éclairer un dernier point.

"Soyons clairs. La corruption positive ou bénédiction, peut certes amener les êtres à se vouer plus facilement au Bien de la même manière que les magies corruptrices de type négatives peuvent entrainer plus facilement une attirance vers le Mal. Cependant, un trop grand Bien nuit tout autant qu'un trop grand Mal. Si, en ce qui concerne l'atteinte aux personnes, ça n'agira pas exactement de la même manière ni sur les mêmes schémas, en termes d'équilibre des plans, des énergies et de la magie, préserver la Création de ce genre de catastrophes est primordial. Aussi, ce n'est pas en tant que Reine d'une cité que je fais appel à votre bon sens, mais bien en tant que Garante de l'équilibre d'une cité-mage. Car il ne me semble pas que vous régniez exclusivement sur les utilisateurs d'énergie positive ou neutre, mais bien sur l'ensemble... Employer une corruption, quelle qu'en soit sa nature, revient à priver tout un chacun de libre arbitre. Je pense que vous aviez conscience de tout ceci mais, pour ma sérénité d'esprit, je me devais de vous le formuler le plus clairement possible."

Au fur et à mesure qu'il parlait, son regard avait retrouve ses couleurs dansantes, bien qu'elles demeurent quelque peu ternies.
Toujours appuyé sur le bâton qui lui servait de canne, il reprit.

"J'ai conscience de la grande difficulté de votre position. Jongler entre politique intérieure, extérieure et équilibre planaire n'est pas donné à tout le monde. Et cette prophétie ne vient pas alléger votre fardeau j'en ai bien peur. Mais, bien que vous ne me portiez pas dans votre cœur, sachez que c'est pourtant bien là le vrai rôle des prêtres nommés à la tête d'un Temple hayiliste auprès d'une nation."

Un peu plus vouté que d'ordinaire, sa main droite délaissa son appui, son index se levant, il vint toucher un point imaginaire dans les airs devant lui.

"Pour finir, je me permets de vous montrer le résultat de mon investigation auprès du haut-prêtre de Lehadin, avec l'assistance de Ni...d'une prêtresse de Uetich... Elle a donné sa vie pour que ces informations vous parviennent. Je vous demande donc de les prendre en considération et de ne pas douter de leur justesse, ni de leur valeur."

Un petit nuage, très localisé, prit forme devant eux. Progressivement, au centre de ce dernier naquit une sorte de miroir brumeux qui se mit à réfléchir les souvenirs du prêtre qui dévoilait la vision que la prêtresse d'Uetich lui avait permis d'avoir, et qui, surtout, dévoilait les visages des "chouchous" de Lehadin et qui agissaient pour son compte, intentionnellement, ou pas.
Ainsi, la reine et son barde purent voir plusieurs visages s'éclaircir sous leurs yeux. Wilhelmine Schlacht et Kubilay Bones étaient les plus clairs d'entre eux. A leurs côtés, on pouvait discerner une forme humaine munie de deux yeux ocres lumineux. Le visage comme tout le reste de la personne demeuraient toutefois cachés comme s'il s'agissait davantage d'un amas de ténèbres et de Mal plus que d'un réel humanoïde. Derrière eux, une quatrième silhouette semblait plus floue encore, comme visible au travers d'une épaisse brume et sans qu'aucune réelle caractéristique ne soit déterminée. Cephas laissa le soin aux deux seules autres personnes présentes de prendre la mesure des ennuis que cela annonçait.

"Il semble que les pièces qui se retournaient contre vous dans la vision de Kardey soient désormais déterminées. Du moins en parti."

La suite de la prophétie faisait état d'une constatation conjointe : l’œil qui se ferme tendis que le poing de Lehadin, dont l'implication est maintenant avérée, se levait.
Cephas failli ajouter qu'il ne comptait pas demander à la reine de ne pas défendre sa cité contre d'éventuelles attaques. Simplement, peut-être y avait-il d'autres moyens de le faire qu'en suivant les "plans" et les "règles" que ces personnes émettraient. Or, pour briser les règles établies, Cephas s'avérait être plutôt doué. Il était prêt à lutter pour la préservation de la cité, de ces citoyens et de la magie. Cependant, il ne le ferait qu'avec le concours de la reine. Sans cela, son impact sera réduit d'office à néant par les autres contrepouvoirs à qui elle donnerait, de facto, plus de poids. Si tel devait être le cas, Cephas ne risquerait pas sa vie et celle de ses prêtres en vain.
En d'autres termes, si la reine devait faire preuve de sagesse et d’ingéniosité une fois dans sa longue vie, c'était maintenant, pour procéder aux choix qui allaient être les siens dans les semaines à venir.

Lùthien ne semblait pas surprise de voir les visages de Wilhelmine et Kubilay, et seuls les yeux ocres et la silhouette inconnue la laissèrent un moment pensive. Elle répondit après un moment.

- Je partage votre souci de l'Equilibre. Le problème entre vous et moi n'est pas vos motivations mais les moyens que vous employez et leur conséquences. Vous avez profané l'arbre de Nanrak et des âmes innocentes alors que vous auriez pu faire autrement...

La désapprobation de la reine était visible, mais il n'y avait pas de colère dans sa voix, seulement une tristesse désabusée.

- Mais vous vous souciez peu de ce que les gens en pensent, n'est-ce pas ? C'est pour cela que votre politique intérieure en tant que haut-prêtre est un échec. Si le Sénat s'accorde sur une chose, c'est sur le fait que vous, et par extension le temple, êtes un problème. Et puis il y a cela...

D'un léger mouvement du menton, la reine désigna les lettres de Kubilay Bones et Derek Coursevent posées sur le grand bureau, en face de Cephas.

- Lisez-les.

Elle laissa le prêtre lire les lettres qui manifestaient la position conflictuelle des druides et de Kubilay envers Cephas et qui étendaient ce conflit à la reine elle-même. Lùthien et en profita pour fermer les yeux quelques instants avant de reprendre.

- Si l'on en croit la prophétie, l'ennemi intérieur est la discorde, et vous y contribuez. Je ne peux maintenir l'équilibre et la paix entre nos murs dans ces conditions. J'ai donc une contre-proposition : en ce qui concerne les affaires internes à la cité, j'accepterais l'aide des autres prêtres mais pas la vôtre. Pour ce qui est des affaires extérieures, les émissaires ne sont pas ma préoccupation principale. Je ne peux ni préserver la paix, ni préparer la guerre si je ne sais pas qui est réellement notre ennemi. Istya ná melehtë, la connaissance est pouvoir. Et l'oeil qui cherche la vérité ne doit pas se fermer.

Je pense que c'est ainsi que vous devriez m'aider : acceptez de vous exiler quelques temps. Trouvez la puissance qui a commandité l'attaque et financé l'ordalie, et trouvez ce qui menace réellement ce plan. Léhadin veut la guerre, soit, mais il n'a en théorie aucun intérêt dans la rupture de l'équilibre. Il se passera quelque chose de plus.

Chute de dominos - Acte 1 - l'Hayili entre en scène

L'homme arqua un sourcil tendis que son sourire devenait moqueur.

"Ha oui ? J'ignorais que vous étiez experte dans ce type de sort. Je me demande qui diable aurait pu vous mettre cela en tête...votre petit doigt sans nul doute." ironisa-t-il d'un ton pourtant toujours serein. Il reprit, son regard transperçant celui de la reine.

"Il est vrai que l'on aurait aussi pu employer la puissance du Trône à cette fin. Il en est de même concernant l'arbre monde. Votre artéfact a la capacité de faire tout cela voyez-vous..."

Cephas laissa un instant à la reine pour intégrer les différents reproches qui lui étaient adressés par cette seule phrase, ainsi que les scenarii qu'une telle action auraient déclenchés si il s'était accaparé l'énergie du Trône pour réaliser ces mêmes actions. Les retombées auraient été bien plus sérieuses en termes d'implication politiques. Alors seulement il aurait peut-être été légitime que des reproches lui soient adressés. Même si ça ne faisait que souligner, au mieux, le manque de la reine.

Elle lui tendit les lettres de Derek et de Kubilay. "Ha, vos fameux petits doigts !" Le haut-prêtre secoua cependant la tête en s'en saisissant, par politesse seulement puisqu'il les écarta de lui et les laissa tomber au sol sans les avoir lues.

"Laissez moi deviner. Le druide s'offusque, de la même manière que vous, pour l'arbre monde. Tendis que la très sage membre de l'académie se permet de formuler des jugements dans des domaines qui lui sont clairement inconnus. Vous préférez encore une fois vous fiez à des personnes qui ont toutes deux failli, plutôt qu'au dieu même que vous dites vénérer."

Il marqua une pause, son bâton d'appui disparaissant.

"Pensez-vous que Nanrak ou son adorable sœur m'auraient laissé en paix si j'avais réellement détourné l'énergie de l'arbre pour un but auquel ils n'adhéraient pas ? A moins bien entendu que vous pensiez ces dieux incapables de défendre leurs intérêts seuls et qu'ils soient si désespérés que leur seule solution soit de se tourner vers un druide de bas étage."

Cephas la questionnait sur sa foi. Les elfes étaient pourtant connus pour se détourner facilement, au fil des années, des préoccupations matérielles et ils étaient censés être de ceux qui percevaient le mieux la chose spirituelle. Pourtant, l'esprit de la reine semblait être totalement embrumé et consumé par les charges "humaines" qui résultaient de sa position, au point d'accorder sa confiance à n'importe qui.
Il reprit avec douceur.

"Il me semblait avoir entendu des rumeurs selon lesquelles l'arbre vous aurait été confié pour purifier Targatt et l'aider à lutter contre la famine, entre autre chose, donc, en extrapolant à peine, Nanrak vous l'a offert afin de vous aider à protéger votre population. Croyez-vous vraiment qu'il pourrait s'offusquer, lui qui protège toute vie, que j'ai utilisé à peine le tiers de son énergie pour sauver l'ensemble des blessés et mourants des attaques ? N’est-ce pas au contraire là la preuve que même un autre prêtre reconnait en son présent un attrait et une force aussi puissante que nécessaire ?"

Le haut-prêtre secoua une nouvelle fois la tête en soupirant. Son regard revint au barde pendant l'exposé de la "discorde" qu'il initiait à Targatt. Devant une telle accusation, il se permit un bref éclat de rire.

"Je note tout de même que l'agitation que soit-disant, je créé, est engendrée aussi en les personnes qui s'opposent à moi. Car, apparemment, pour générer des heurts quels qu'ils soient, il faut être au moins deux. Ne trouvez-vous pas cela étrange qu'il s'agisse justement des préférés de Lehadin ?"

Il gloussa de rire une seconde au reste de la proposition de la reine avant que son regard ne vienne transpercer celui du pouvoir faiblissant.

"S'il-vous-plait. Ne commettez pas l'erreur de me confondre avec vos services secrets. N'est-ce pas vous à notre première rencontre qui m'avait fait accuser d'outrepasser mes prérogatives de prêtres en m'attachant aux problèmes terrestres de la cité ? Je ne suis pas un de vos sujets. Ni moi ni aucun des prêtres. Exception faite de Kardey puisque vos cuisses semblent l'avoir fidéliser." ironisa-t-il.

"Les seules enquêtes que je mène sont celles ayant attrait au divin. Or, la mienne est pour ainsi dire achevée. Vous vous méprenez sur le compte de Lehadin. Vous semblez penser que la fin de la Création signerait sa fin à lui aussi... Si la destruction de la Création arrivait suite à des conflits suffisamment forts pour causer une telle chute, inutile de vous dire qu'il serait d'ici là devenu le dieu le plus puissant, dépassant peut-être même sa propre mère. Par ailleurs, s'il n'a en effet aucun intérêt pour la fin de la Création, tout autant qu'il n'a pas d'intérêt dans sa préservation non plus. Il ne vit que pour les conflits et cette faim dévorante n'a pas forcément de logique. On le qualifie à tort comme le dieu de la guerre mais en vérité, il serait davantage la représentation de toutes les formes de chaos."

Il revint après cet exposé sur le cœur du propos de la reine qui souhaitait le voir enquêter et, par là, s'éloigner de la cité comme le voulaient les êtres simples qui réclamaient sa tête.

"Je suppose qu'il n'est pas étonnant que vous cherchiez un tant soit peu de compétence en ma personne, tout en m'éloignant, vu l'absence de cette qualité en les personnes à vos côtés, ou auxquelles vous accordez du crédit. Malheureusement, accéder aux requêtes de ces éphémères ne vous aidera pas. De plus, j'ai été affecté ici par d'autres autorités que la vôtre et si je devais partir, ce serait de mon propre chef, ou du leur."

Et en emmenant avec lui la plupart des prêtres cela allait de soi. Mais puisqu'une telle action aurait tôt fait d'entrainer la chute de cette cité, en plus de signer son échec à préserver l'équilibre, il repousserait l'échéance le plus longtemps possible. Par ailleurs, elle signifiait que sa politique intérieur était un échec.
Peut-être était-il temps de lui montrer ce qu'il en était réellement.

Le nuage qui n'avait jamais disparut se mit à luire de nouveau tendis que sa surface montrait les alcôves des prêtrises, remplie de personnes. Principalement celles de Jaben -où un novice assurait maladroitement le remplacement de Jaben-, de Maurii, d'Alieri et de Feanor, mais également, en grand nombre, celle d'Hextor sur laquelle il s'attarda un instant.

"Il s'agit des prêches en cours. Contrairement à ce que l'on semble vous avoir indiqué, ma politique interne est un franc succès. Certes pas au niveau de vos noblions. Sans doute n'apprécient-ils pas que leur âme vaille autant que celles des pauvres et des indigents. Toutefois, je m'inquiète quelque peu de constater qu'Hextor prenne autant d'ampleur... Même vous devez bien comprendre que là où est Hextor, Lehadin suit, voire précède. C'est un précieux indicateur qui permet de jauger plus efficacement que toutes vos... hypothèses, la réalité de la situation vis-à-vis de la prophétie... Le jour où un de vos citoyens, ou qu'un des chouchous de Lehadin deviendra davantage, il sera trop tard pour nous tous."

Cephas reporta son regard multicolore sur la Reine tout en se demandant pourquoi est-ce qu'il perdait son temps à essayer de l'éduquer quand il y avait tant de lacunes. Il serait plus simple qu'il détruise Kubilay et la Vice-Reine... Puis de découvrir les identités des deux derniers agents du chaos. Par ailleurs, il bénéficierait probablement de l'aide d'Alrost pour la préservation de l'équilibre. L'hybride était encore jeune mais il avait déjà prouvé son utilité par le passé et le simple fait qu'il soit venu le rencontrer était le signe d'un tant soit peu de sagesse. De plus, leurs intérêts convergeaient.

Lùthien tourna un regard interrogateur vers le barde qui n'avait pas cessé de jouer pendant leur conversation. Celui-ci répondit en haut-elfique à sa question silencieuse.

- Je n'ai pas vu Léhadin depuis bien longtemps... Je ne saurais dire s'il pourrait égaler Feliyann dans sa folie et sa démesure... Milil n'en sait pas plus, il fréquente peu son frère, et je doute qu'Ellaynea lui en dise davantage à son sujet.

Puis il leva les yeux vers Cephas, sans que ses doigts ne cessent de faire entendre le son de sa lyre. Il fit l'effort notable de parler en Hésandrin, même si ses tournures de phrases évoquaient plutôt la langue telle qu'elle était parlée plusieurs siècles auparavant. Le rythme de sa voix grave se plaçait parfaitement sur la mélodie qu'il jouait, comme si ses paroles faisaient partie de sa musique.

- Elu de Jaben, je te pri de ne point parler poür mon Pere, à moins qu'il ne te parole. Nanrak n'ai point besoign de punir les humains. Ils se punissent eux-mêmes quand ils brisent les cycles qui les norrissent... J'ai emmeneit Lùthien parler à Notre Pere. Elle l'ai convencu que les humains de cette cité méritent encor une chance de prover leur vertu dans la préservation de Sa Création. J' espoir seulement qu'elle ai raison. Ne voiz point d'impuissance en la confiance que Nanrak porte à ses enfants. Il ai donnei sa confiance à Lùthien, et il ai feit d'elle la mère et gardienne de l'arbre monde. C'est à elle de décideir ce qui est juste à son sujet.

Le barde retourna à sa musique, dans une indifférence apparente à ce qui se passait autour de lui. Il devenait plus visible cependant que sa magie venait soutenir l'esprit de la reine qui commençait à fatiguer alors que la conversation s'éternisait. Elle reprit cependant.

-Silalma, l'arbre monde, il sait que mon peuple m'importe. Il vous a laissé faire. Il a fait quelque chose pour cette cité, et je peux le tolérer si cette cité fait quelque chose pour lui en retour. Mais je ne peux vous laisser le considérer comme une vulgaire réserve de magie. D'autant que je vous aurais prêté la puissance de trône, vous n'aviez qu'à demander. D'ailleurs, ma relation avec Kardey n'a rien à voir avec notre discussion. Quoique votre mépris de l'amour explique peut-être votre incapacité à comprendre ce que Nanrak attend de moi.

Quant à la corruption, nous sommes venus à bout de celle des démons dans la vallée, nous aurions bien trouvé une solution pour celle-ci. Pourtant vous avez préféré sacrifier des âmes - n'allez pas me faire croire que les dieux ont apprécié, ils le tolèrent tout au plus - cela pour faire sauter l'ensemble de nos défenses tout en me blessant au passage.

Malgré ma sympathie pour le temple et pour certains de vos objectifs, vous avez fait plus que je ne peux tolérer. Navrée mais si vos remèdes sont pires que le mal, je préfère encore m'en passer.
Vous m'avez conseillé d'agir "normalement" malgré cette prophétie... Sans ces prédictions, j'aurais probablement déjà dénoncé Hésandre, faisant le premier pas vers la guerre. Je suis proche de le faire en vérité. Si nous voulons être en mesure de combattre les extraplannaires, il faudra des mages. Hésandre les brûle et les persécute depuis des siècle, pourquoi ne pas en profiter pour les remettre à leur place ? Et puis l'avertissement de la trinité me semble plus concerner la division interne de Targatt que la guerre elle-même. La seule chose qui pourrait à terme m'empêcherait de déclarer la guerre c'est de nouvelles informations sur le comportement de notre ennemi présumé. Libre à vous de m'en apporter ou non.
Vous sortirez de cette pièce comme exilé ou hors la loi, faites votre choix. Je vous conseille la première option, peut-être pourrez vous négocier votre retour avec des arguments plus convaincants dans quelques temps. Et si vous estimez votre enquête achevée, je garderais pour moi l'hypothèse que j'ai concernant le 3e pion de Léhadin.

Chute de dominos - Acte 1 - l'Hayili entre en scène

Cephas avait écouté avec attention les propos du haut-elfe, qu'ils soient formulés dans leur propre langue ou en hésandrin. Peut-être aurait-il pu s'épargner cette peine. D'un côté, le haut-prêtre aurait pu lui être reconnaissant de sa tentative pour se faire comprendre plus aisément. Bien que cela souligne le fait qu'une fois de plus, ou plutôt, comme toujours, les hauts-elfes, d'autant plus lorsqu'ils étaient aussi âgés, considéraient toujours les humains comme inférieurs. Cephas était-il vraiment trop stupide pour comprendre d'autres langues ? Habitué à ce genre de comportement, il choisit de ne pas relever, ni d'informer les participants. Il y avait plus important que leurs égos, même s'agissant de celui du haut-prêtre lui-même.

Le haut-elfe par ailleurs, n'avait fait que brasser de l'air dans les propos qu'il avait émis à l'attention directe de Cephas. A une exception prêt : peut-être avait-il effectivement parler à la place de Nanrak. Cependant, il y avait suffisamment de faisceaux de preuves pour pouvoir en déduire la chose. Mais il comprenait qu'il pouvait avoir, peut-être dépasser quelque peu son champ d'expertise privilégié. Il hocha simplement la tête à l'attention du barde, signifiant par là qu'il tiendrait compte de son avis.

Puis le haut-prêtre reporta son attention sur la reine qui avait reprit la parole et qu'il interrompit.

"Vous demander ? Vous demander quoi ? Je vous rappelle que concernant le culte de Björ je n'ai toujours pas eu de réponse officielle et aucun acte permettant d'enfin clarifier votre position alors même que vos citoyens en sont morts. Ai-je eu ne serait-ce qu'une seule fois une réponse de votre part par l'affirmative à tout ce que j'ai déjà pu vous exposer ? Je ne le crois pas."

Le timbre de sa voix n'était aucunement ni agacé ni agressif. En revanche, il faisait clairement état de sa désillusion et de l'incompréhension d'une telle remarque.

"Que pensez-vous que nous déduisions de cela ? Pas que l'on puisse compter sur vous. Et encore moins dans l'urgence. Voyez les choses en face. D'abord, le simple fait que la requête d'emploi du trône vienne de moi, ou du temple, vous aurait d'office mise dans de mauvaises dispositions. Par la suite, vous auriez été demandé conseil à tous les impotents et ridicules paons qui se prétendent sénateurs qui, ce faisant, auraient tot fait de vous mettre la pression pour refuser la requête de peur qu'il s'agisse d'un subterfuge quelconque. Vos plus proches conseillers vous l'auraient tout autant déconseiller en prétendant qu'accepter une telle action vous aurez déposséder du peu de pouvoir qu'il vous restait, en plus de finir de briser votre image de chef auprès de la population. Et je ne peux leur donner tort sur ce dernier point. Au final, vous auriez très probablement refusé. Et nous aurions perdu un temps précieux. Par ailleurs, a-t-on vraiment besoin de demander l'assistance du seul artéfact surpuissant de la cité à un tel moment ?"

Il s'interrompit, soupirant longuement. Non pas à cause de Luthien elle-même mais plutôt parce qu'on s'éloignait du sujet primordial et qu'ils ne pouvaient se payer un tel luxe. Il fixa un instant la reine dans les yeux avant de secouer lentement la tête et de s'incliner, un peu plus profondément que d'ordinaire.

"Pardonnez-moi. Je crains que mon inquiétude ne fasse pas ressurgir de moi le meilleur trait."

Se redressant, il poursuivit tendis que Luthien reprenait la parole, enchainant sur le fait qu'il ait sacrifié des âmes. Même Jaben n'appréciait pas d'y recourir, il le lui avais fait sentir. Malgré tout, le dieu de la magie avait visiblement fait le même constat puisqu'il lui avait autorisé un tel sort. Ca plus le fait que s'il n'avait pas mis fin au processus, Kubilay l'aurait fait d'une manière... qui certes n'aurait pas annihilé le cycle éternel de ces trois âmes, mais qui aurait eu un plus grand impact sur l'équilibre des forces au sein de la cité. Il avait été nécessaire de lui couper l'herbe sous le pieds. Tant pis pour ce qu'il adviendrait du reste.

La reine évoqua le fait que les protections avaient, de fait, été abaissées, rendant la cité plus vulnérable encore, tout en la blessant. En vérité, Cephas n'en avait rien à faire. Il la laissa poursuivre, et finir par lui faire ses menaces quant à son statut au cœur de la cité. Cephas n'en avait cure.

"Votre vie n'a pas plus de poids dans l'échiquier que la mienne ou celle de n'importe lequel de vos citoyens. A vous entendre gémir de la sorte on n'imaginerait pas que vous ayez un temps été soldat. J'avais la preuve que la cité ne risquait rien dans l'immédiat, au moment où j'ai lancé ce sort. Ca n'aurait pas été le cas si, en lieu et place des zones de scrutation ennemies, c'était leurs troupes qui avaient investi la cité. C'est bien là, la preuve que le démon œuvrait seul et que j'avais moi la latitude nécessaire pour gérer les bévues de votre directrice d'école."

Le haut-prêtre secoua de nouveau la tête, de dépit.

"Je suis plus utile ici. Je ne partirai donc pas. A moins que vous souhaitiez appeler ma future excursion à Melghir, "exil" bien qu'il sera assurément de courte durée, je resterai. Libre à vous de monopoliser vos gens, et les risques encourus, pour tenter de me la faire quitter."

Il savait, bien qu'il n'apprécie guère l'option, qu'il serait contraint, tôt ou tard, de rendre visite à la vice-reine pour mettre au clair la menace qu'il percevait à travers elle. Il espérait cependant, que ça ne serait pas pire que ces prévisions.

"Je vous invite à revoir avec plus d'attention les flash de la vision de Kardey. la guerre en fait parti intégrante... tout autant que vos ennemis intérieurs. La logique voudrait que vous ne négligez pas d'éléments sous prétexte que ça vous arrange."

Quoi qu'il en soit, le haut-prêtre ne se plierait pas au souhait de l'elfe. D'abord car l'éloigner de la cité reviendrait à laisser le champ entièrement libre à Lehadin et, ensuite car il ne reconnaissait nullement son autorité sur sa personne, ni sur qui que ce soit dans le temple. Il lui avait répété pourtant... La magie, la connaissance et l'équilibre tellurique primait sur toute chose à ses yeux, comme aux yeux de son bienfaiteur.

"Mais vous pouvez toujours me révéler l'hypothèse sur le troisième des quatre pions. Sait-on jamais, peut-être que ça me poussera à partir plus tôt, ou plus longuement."

Elle était décidément... imbuvable et d'une stupidité sans nom. Faire de la rétention d'informations dans ces moments-là ? Ne se rendait-elle compte de rien...

Le haut-prêtre se tenait toutefois prêt à répliquer si cela s'avérait nécessaire. De son point de vue, elle n'était qu'une simple elfe, indécise, faible et sans aucune force de conviction, si ce n'était à faire les choses les plus stupides qui soient. La dernière fois, ça avait annihiler entièrement un petit pays... Cette fois-ci, la situation différait en tant que le mal était bien plus insidieux. Et il gagnait chaque jour du terrain, contaminant les habitants et leur reine chaque jour davantage.

- Mon administration a été assez claire au sujet de Björ. Le problème entre nous est que je ne vois pas pourquoi les prêtres devraient être au-dessus de la loi, même si par ailleurs les principes qu'ils défendent peuvent la transcender.

Quant à l'urgence, les décisions militaires m'appartiennent, les sénateurs n'ont rien à y faire. Pendant l'attaque, si vous aviez demandé le soutien du trône pour vos sorts, mes seuls critères de décision auraient été l'intérêt de la cité et la pertinence stratégique. Oui, je suis un soldat, et si donner ma vie permettait de régler toute cette affaire, je la donnerais volontiers. Mais selon la Trinité, cela ne doit pas être mon destin... ni le vôtre.

Tout ce que je demandais c'était un peu de coordination et le respect de quelques conventions mortelle, mais vous n'en avez cure. Et au final ce qui brise mon image de chef c'est de vous laisser me marcher sur les pieds. Alors quand vous sortirez d'ici, vous serez hors-la-loi. Et si votre nom revient à mes oreilles, j'enverrais mes soldats. Libre à vous de faire en sorte que cela n'arrive pas.

Lùthien s'arrêta un instant, fixant le haut-prêtre de ses yeux gris-bleus.

- Le 3e est Cain Leckard, un semi-démon fait à partir d'un fragment d'âme de démon majeur. J'ai perdu sa trace chez Wilhelmine Schlacht il y a un peu plus d'un an. Il pourrait très bien être celui qui fera tout dégénérer.

Elle conclut froidement : - Maintenant sortez.

Suite

Le prêtre se contenta de laisser Luthien déblatérer ses basses considérations qu'il écoutait à peine, ses pensées étant entièrement focalisées sur des choses plus importantes que la préservation d'un pouvoir qu'elle avait d'ores et déjà perdu depuis plusieurs mois. Si ça pouvait la rassurer d'imaginer que quiconque d'autre qu'elle en soit la cause, grand bien lui fasse. Malheureusement, Cephas pourrait avoir besoin d'un minimum de stabilité politique au sein de la cité pour gagner du temps. Malheureusement, elle était peu encline à lui donner.

Ce n'était pas un problème en soi. Mais ça le forcerait à se préparer plus rapidement que prévu, avec les risques que cela comportait... et le flou dans lequel il était. Ca faisait bien plus de 1000 ans que Lehadin ne s'était pas manifesté aussi souvent et aussi clairement. Il avait plusieurs longueurs d'avance et c'était bien cela qui inquiétait le haut-prêtre. A quel point avait-il prévu le déroulé de ce qu'il était en train de se produire ici ? A quel point y avait-il apposé sa patte ? Avait-il été jusqu'à s'allier avec d'autres... dieux ? autre créatures ? ce ne serait pas la première fois que Lehadin aurait été invité au banque d'un des seigneurs des enfers... Dans le fond rien n'était impossible. C'était bien pour cela que ça méritait de prendre le moindre détail au sérieux.

Tendis qu'elle le menaçait d'envoyer ses soldats, il se prit à sourire, son regard témoignant à lui seul de sa propension à nuire autant qu'à aider.

"Mon nom reviendra forcément puisque je ne compte pas rester inactif pendant que la cité tombe entre leurs mains. Assurez vous alors de ne pas vous placer comme ennemie de la foi car vous ne feriez que laisser la place à ceux-là même que vous espérez défaire."

Il ne s'attarda pas davantage sur ce sujet. Pour le bien de ses soldats, il espérait qu'elle n'aurait pas la sottise de les lui envoyer. Quoi qu'il en soit, il avait d'autres choses plus urgentes à faire, et son statut auprès d'elle l'intéressait assez peu.

Il fut toutefois étonné qu'elle lui communique une information supplémentaire qu'il accueilli avec un hochement de tête pensif.

"Comment ça "fait" à partir d'un fragment d'âme ?" Il marqua une courte pause avant de secouer la tête tendis que plusieurs théories commençaient à s'échafauder dans son esprit. Elle le congédia sans autre forme de cérémonie.

Il s'éclipsa sans demander son reste. La situation était des plus limpides. Au moins en ce qui concernait cette reine et le théâtre dans lequel elle évoluait. Soit. Il agirait donc seul.