Etape 3 : Visite mortuaire

Christina avait enfin obtenu la plupart des objets qu'elle avait commandé voilà des mois aux pontes du marché noir en faisant croire à chacun d'entre eux qu'ils avaient l'exclusivité. C'était nécessaire pour couvrir ses traces, s'assurer de leur bonne foi comme de la qualité des produits. Vu le prix qu'elle y mettait, ils n'avaient aucun intérêts à la doubler. Et ils n'avaient d'ailleurs aucun intérêt à poser des questions puisqu'elle avait fait en sorte de commander des choses qui, seules, étaient sans grand intérêt pour eux et n'appelaient pas d'interrogations particulières. Quoi qu'il en soit, elle pouvait enfin passer à l'étape suivante : surcharger les pierres d'âmes.

Elle n'y connaissait rien en réalité et n'était certainement pas capable d'employer des sorts aussi complexes que l'extraction forcée d'une âme pour l'emprisonner dans les pierres mais l'Ordalie lui avait fournis de précieuses informations. A la mort d'une personne, l'âme était naturellement libérée de l'enveloppe mortelle de sorte qu'il était alors bien plus aisé de la piéger.

Christina avait donc d'abord songé à tuer quelques personnes mais elle était rapidement arrivée à la conclusion qu'elle se ferait choper bien trop vite. Même en ciblant exclusivement des moins que rien, citoyens de seconde zone qui ne manqueraient à personne, le nombre qu'elle devait atteindre était trop conséquent pour ne pas finir par attirer l'attention. A force d'y penser, une idée fort simple s'était imposée à elle... Les corps des morts non réclamés étaient rassemblés quotidiennement dans un lieu spécifique que tout le monde ou presque essayait d'éviter. D'ordinaire, les espaces mortuaires étaient tenus par des prêtres de Björ mais, par chance, ce culte était interdit à Targatt ce qui voulait dire que les corps les plus récents devaient encore avoir leur âme puisqu'il fallait parfois un certain temps, d'après le mage Ordale, pour que le cycle s'enclenche. Ce n'était pas de l'instantané. Ainsi, ces personnes étant déjà mortes, personne ne viendrait l'ennuyer.

Christina avait donc profité du désintérêt du citoyen en charge des morts pour faire son office sans être dérangée. L'homme d'âge mur avait été attendri par cette protectrice à la recherche de son fils, disparu dans les rues de Targatt et qui avait peur de se retrouver face à son cadavre.
Aussi, par égard et respect pour cette femme des plus humbles, il laissait la salle mortuaire à ses soins durant une petite demi-heure afin qu'elle prenne le temps de voir si l'être aimé n'était pas parmi les cadavres fraichement amenés.

Elle venait tous les jours depuis deux semaines maintenant, à des heures différentes. Le collecteur lui avait bien dit, avec un tact des plus appréciables pour une mère éplorée comme elle l'était, qu'il n'était pas très sain qu'elle vienne ainsi chaque jour mais elle les larmes silencieuses qu'elle avait versé devant lui, avaient fini de la convaincre qu'elle en avait besoin pour se rassurer, comme pour pouvoir endurer si elle devait retrouver le corps de son enfant. Les deux premières fois, il l'avait accompagné sans la lâcher d'une semelle mais, le constat de sa détresse, assurément réelle d'après lui, et la gentillesse de la femme, eurent tôt fait de le convaincre de l'honnêteté de la mère. Par ailleurs, il contrôlait à chaque fois qu'aucun corps n'eut été profané. Et d'aucun ne l'avait été.

Quoi qu'il en soit, la demi-heure qu'on lui accordait était amplement suffisante pour récupérer les âmes à l'abri des regards et sans attirer attention si bien qu'aujourd'hui serait, normalement, son dernier jour de visite. Toutes les pierres d'âmes étaient pleines sauf celle qu'elle avait sur elle actuellement.

Une fois de plus, elle salua d'un air triste le collecteur et prit le temps de quelques babillages polis et emplis de reconnaissance envers l'homme avant d'entrer dans la salle où les corps étaient entreposés. Elle se mit à l’œuvre dès les portes refermées sur elle. Sortant un parchemin et la pierre d'âme, elle posa cette dernière devant les sept corps amenés ces dernières vingt-quatre heures et se mit à incanter en se servant du parchemin sans lequel il lui aurait été impossible de faire quoi que ce soit, n'étant pas elle-même magicienne. Après plusieurs minutes des lueurs s'extirpèrent de certains des corps et furent irrémédiablement attirés à l'intérieur de la pierre qui se mit à luire doucement le temps de stabiliser l'espace de stockage, avant de redevenir une simple pierre, en apparence du moins. Elle rangea la pierre et brula le parchemin.

Christina dénoua ensuite de ses cheveux le fin ruban rouge qui les gardait attachés normalement et l'enlaça autour du corps d'un jeune adolescent aux cheveux blonds salis. Elle soupira, prenant sur elle pour se mettre en conditions afin de faire sa dernière interprétation. Puis ressortit de la salle. Elle donna deux pièces d'or au collecteur, les yeux emplit de larmes.

"Je n'ai pas la force de m'en occuper moi-même... je vous en prie, prenez soin de mon fils..." fit-elle tendis que sa voix se brisait et qu'elle fondait en larmes.

L'homme tourna la tête pour voir de qui elle parlait. Le ruban rouge lui indiqua immédiatement l'identité du pauvre gamin qui avait perdu la vie. Il posa une main bourrue mais pleine de compassion dans le dos de la protectrice et la laissa pleurer quelques instants avant de reprendre la parole.

"Je ferai ce qu'il faut. Je ne doute pas qu'il soit dans un monde meilleur." conclut-il maladroitement.

Christina, qui détestait pleurer, et d'autant plus quand elle faisait semblant, saisit cette chance pour faire mine de se reprendre comme elle pouvait et essuya ses larmes, tout en gardant ses yeux embués.

"Je vous remercie." finit-elle par dire la voix chevrotante.

La protectrice tourna les talons en soupirant une fois qu'elle fut sortie de son champ de vision. Bien.

Elle prit le chemin du cercle et parvint finalement sur une petite place occupée par quelques étales qui ne payaient pas de mine. Tendis qu'elle marchait à côté de l'une d'elle, elle se fit vivement bousculée par un homme, visiblement pressé, et vint percuter un des étales dont le contenu se répandit par terre.

Christina se confondit en excuses et entreprit de rendre le contenu au gérant qui s'était également agenouillé pour ramasser le fartas. L'homme lui remit le plus discrètement du monde un message codé tendis qu'il récupérait les derniers articles en la menaçant de la faire payer les articles endommagés si il en avait.

La protectrice repartit rapidement en secouant la tête d'un air agacé. Ce n'est qu'une fois dans un lieu sécurisé, chez elle, qu'elle se permit d'ouvrir la petite note, non sans avoir d'abord utilisé la chambre spatiale pour ranger la pierre à l'abri des regards. Il lui fallut 10 bonnes minutes pour déchiffrer le message. Les codes n'étaient pas vraiment son fort.

Un mince sourire germa sur ses lèvres tendis qu'elle lisait le message enfin décodé. Parfait.
Un frisson d'excitation la saisit. Machinalement, elle se mordit légèrement la lèvre inférieure à l'idée de ce qui allait suivre. Haaaa, tant pis !
Elle passa une tenue plus féminine et sortit avec dans l'idée de faire une rencontre. Il était encore tôt mais elle avait envie de se faire plaisir maintenant. Elle détestait devoir retenir ses pulsions réprimer ses envies.