Une Danse pour un bel avenir Une Larme pour un passé de sang

Une danse pour un bel avenir

Les deux semaines qui avaient suivi l'attaque du petit contingent de morts étaient passées à une vitesse ahurissante, non pas du fait des nombreuses choses que Cephas aurait eu à gérer pour tenter de remettre le temple à peu près en état, mais plutôt des recherches préliminaires afin qu'il en apprenne davantage sur l'histoire de Targatt. Histoire ancienne afin de lui permettre de replacer les rouages qui avaient valeur de tradition et qui étaient ancrés aujourd'hui dans le coeur des habitants, comme l'histoire récente afin de comprendre leurs attentes et leurs craintes. Et elles étaient nombreuses. Très nombreuses.

Toujours est-il que le haut-prêtre avait, pour l'instant, décliné une bonne partie des invitations qu'il avait reçu de la part des plus hauts placés de la cité qui avaient souhaité le rencontrer, leur répondant ouvertement qu'il les remerciait mais qu'il n'avait guère le temps actuellement. il avait évidemment pris soin de préciser qu'il organiserait lui-même une réception dès que les temps le lui permettraient afin de faire connaissance avec tous. Sans doute aurait-il vexé quelques personnes mais à l'heure actuelle il s'en moquait pas mal. Les seuls avec lesquels il avait maintenu le contact furent les soldats, et notamment les gradés de la Grande Armée qui avaient prêtés main forte afin de libérer la cité, et qu'il connaissait depuis des mois maintenant.

Si il avait fait rapidement fait le tour des rares apprentis qu'il restait dans le temple pour s'assurer de leur état, ces passages furent brefs. Le temps que le prêtre de la trinité du Destin se fasse à son arrivée, Cephas avait également pris soin de le laisser passer davantage de temps avec les plus jeunes puisque ça semblait lui tenir à cœur. Par ailleurs, il avait tout de même pris le temps de faire un état des lieux avec Kardey Sansoni, tant matériel que spirituel. Il avait également tenu à avoir son avis tant sur le culte en général que son opinion sur la manière dont la cité était gérée.

Aujourd'hui cependant, il faisait une pause dans ses études, ayant, selon lui, appris suffisamment sur les mœurs et les citoyens pour pouvoir commencer à prendre ses marques au sein du Temple en tant que Haut-prêtre.
Et avant toute chose, il souhaitait s'entretenir avec tous les enfants et tous les fidèles qui passeraient leurs portes ces prochaines semaines. D'abord pour montrer le renforcement du culte, ensuite pour restaurer doucement mais surement la confiance brisée en leur culte.

Il venait d'ailleurs d'avoir un débat des plus intéressants avec une vieille dame qui avait successivement perdu ses enfants et ses petits-enfants dans les différents conflits : seuils démoniaques, conflits entre grandes familles, purges... et maintenant les morts. Seule au monde, elle était initialement venue insulter les dieux, ce qui était en fait assez compréhensible. Du moins était-ce très humain. Et les dieux ne punissaient pas injustement ceux qui, par chagrin, manquaient de discernement. Sauf peut-être Korda ou Ellaynea... Mais c'était une autre histoire.

Tendis qu'il se dirigeait vers les différentes sections du Temple pour aller à la rencontre des rares fidèles présents, il entendit des voix dans une des alcôves réservée, de ce qu'il avait compris, à Olidamara. Les reconnaissant, il frappa doucement pour avertir de son arrivée et entra.

"Bonjour à tous les deux. Je ne dérange pas j'espère ?"

Il ne fit pas de commentaire sur le collier. Il était vrai qu'elle devrait porter sur elle le symbole du dieu qu'elle vénèrerait lorsqu'elle aurait trouvé sa foi. Car c'était une chose très personnelle et par trop fragile. Il ne fallait ni la brusquer ni la contraindre et surtout, elle devait croitre d'elle-même. Toutefois, Kardey semblait des plus doux avec elle, ainsi, aussi maladroit qu'il puisse parfois être, il agissait pour le mieux.

Cephas sourit aux deux présents. Il avait entendu l’interrogation de Kardey et laissa la jeune fille répondre si elle en avait envie. Il ne souhaitait pas s'immiscer entre eux. Il avait appris qu'il valait mieux ne pas trop contrarier les prêtres de la trinité... Ils pouvaient facilement faire de votre quotidien un enfer. Et Cephas n'aimait pas particulièrement les conflits de toute façon.

Une danse pour un bel avenir

Tendis qu'il venait d'ouvrir la porte pour y passer la tête, Cephas put voir la fin de la chorégraphie de la jeune fille, et, ce faisant, il manqua de peu de recevoir une dague dans la figure. Il rentra vivement la tête dans ses épaules comme le ferait un volatile et regarda la dague plantée dans la porte juste derrière lui avec un air faussement apeuré et scandalisé.

Tendis que Kardey faisait la morale à la jeune fille qui avait repris ses esprits peu après, Cephas faisait de grands gestes en pointant de ses deux bras tantôt vers Cepheid puis vers le dague, puis de nouveau vers Cepheid et encore sur la dague plantée.

Alors que Kardey se tournait vers Cephas en trouvant des excuses à Cepheid, le haut-prêtre de Jaben s'était recomposé un visage sérieux bien que ses yeux trahissent une certaine malice qu'il était bien incapable de faire totalement disparaitre. Il acquiesça simplement.

"Bien, mauvais, bon, méchant... seule la magie compte. Le reste importe peu. On appelle bien souvent "malédiction" ce que nous ne comprenons pas et qui semble contraignant. Qu'en savons-nous seulement ..?"

Un éclair violacé était apparu l'espace d'une fraction de seconde dans les yeux du prêtre qui se posaient sur la fillette. Après un instant, il se mit à sourire. Quelque chose clochait bel et bien et il avait hâte de découvrir quoi.

Est-ce vraiment "sa" façon d'être...? Je me le demande...

Pour l'instant il ne percevait que des bribes d'émanations magiques, tenues à cet instant précis mais était-ce le cas quand elle dansait ? Il n'était sur de rien, il venait simplement d'imaginer une bonne vingtaine de scénarios parmi les plus plausibles. Le vieil homme avait déjà hâte de les explorer et de vérifier si chacun d’entre eux pouvait avoir une raison d'être, voir être vérifié. Mais pour cela, il faudrait d'abord qu'il l'examine de plus près. Du moins, qu'il passe davantage de temps avec elle.

Les yeux multicolores de Cephas s'égayèrent encore davantage et il se mit à rire, amusé de la situation.
Plusieurs choses étaient amusantes dans le fond. Depuis son départ de sa dernière contrée comme son arrivée en Hésandre et plus encore depuis qu'il avait pénétré dans cette cité. Si l'entrée en matière n'avait rien de présagé de bon pour les vivants, en revanche il avait trouvé presque à chaque coin de rue des choses et des gens intéressants. Kardey était l'un d'entre eux, à sa manière. Et Cepheid également. C'était bien normal qu'il la garde à l’œil. Qui ne le ferait pas ?! Cette petite était une merveille à sa manière biscornue. Toutefois, le vieil homme n'était pas certain que Kardey s'y prenait de la meilleure de manières avec elle.

La danse de la fillette, ou du moins le fait qu'elle emploie des armes lui rappelait celles pratiquées par certaines tribus des déserts du sud, ou même, dans une moindre mesure, un dérivé d'une danse antique appelée "Voldo". Quoi qu'il en soit, ce serait amusant de passer un peu plus de temps avec elle. Mais sans Kardey. Il était gentil et avait à cœur le bien-être de leurs ouailles c'était un fait qui était tout à son honneur. Toutefois, il était un peu rabat-joie. Cephas ignorait si il l'était de base ou si c'était arrivé depuis les dernières évènements tragiques. Mais quoi qu'il en soit, cette petite ne serait pas recadrée de cette manière. Il allait droit dans le mur. Pour autant, Cephas n'avait pas forcément de meilleures méthodes. Simplement, il ne comptait tout simplement pas particulièrement la recadrer justement. Il faisait confiance à chaque être pour finir par se prendre en mains d'une manière ou d'une autre. Chacun fonctionnait comme il le pouvait, avec les moyens mis à sa disposition parla vie. Aussi, si elle fonctionnait de cette manière étrange, alors c'était ainsi qu'il convenait de l'accepter et pas autrement. Elle se transformerait bien assez vite toute seule avec les années ou avec la magie.

"Ta danse était des plus réussies même si j'ai eu la peur de ma vie !"

Cephas se remit à rire avant de continuer du même ton enjoué.

"Tu sais que je danse moi aussi ! Et plutôt pas mal m'a-t-on dit ! Tu veux voir ?"

Une danse pour un bel avenir

Kardey s'évertuait à rabrouer en douceur la fillette et à tenter de lui inculquer un semblant de morale, ce qui ne semblait pas avoir la moindre prise sur elle. D'ailleurs, paraissant sortir de sa transe sans le moindre souvenir, elle ne semblait pas écouter quoi que ce soit, fascinée par autre chose. Le jeune prêtre avait très bon fond, mais il était clair qu'il était à court d'idées pour se faire entendre de la fillette. Peut-être que d'autres lui viendraient si il ne tentait pas de la faire entrer dans un moule. Il était clair qu'elle n'était pas vraiment faite pour cela.

Ceipheid s'approcha finalement du haut-prêtre en tiquant sur les couleurs étranges des yeux de l'homme qui se mit à rire doucement. Il s'accroupit de sorte à se mettre à la portée de la jeune fille et lui sourit largement d'un air amusé.

"Et pourquoi devraient-ils se contenter de n'être que d'une couleur si toutes leur conviennent ?"

Il se releva et tourna sur lui-même. Pendant ce demi-tour, il avait semblé rapetisser. Lorsque le tour sur lui-même s'interrompit, une autre Cepheid faisait face à l'enfant. Semblables en tout point, exception faite des yeux.
Cephas lui tira la langue d'un air taquin.

"Les couleurs sont qu'apparences. Tels des voiles, il faut les repousser pour voir ce qui se cache derrière."

Cephas avait tendu la main et un voile fin était apparu entre les fillettes et Kardey dont elles ne pouvaient plus discerner que la silhouette.
Il fit signe à Cepheid, si elle le voulait, d'écarter le tissu étrange. Si elle ne le faisait pas, c'était Cephas qui s'en chargeait, de sorte à dévoiler une sorte de moineau à l'air renfrogné duquel irradiait une douce lueur argentée en lieu et place de Kardey. Évidemment, Cephas n'avait pas touché à la forme réelle du prêtre, il s'amusait simplement avec les illusions visuelles et trouvait que cette apparence était la forme animale qui conviendrait le mieux au jeune prêtre.

Il fit apparaitre quatre toutes lames et en tendit deux à Cepheid tendis que Kardey retrouvait son apparence, aux yeux des fillettes du moins, car si ce dernier se regardait, il n'avait vu nulle différence avec ce qu'il était en temps normal.

Cephas prit un air pensif et concentré, comme si il effectuait une chose compliquée avant de souffler un petit nuage d'une fumée violacée qui prit la forme de Cepheid, reproduisant les mouvements qu'elle avait effectué durant sa danse. En tout cas pour la dernière minute de sa danse.

Le haut-prêtre prit position dans la silhouette de fumée et se mit à suivre les mouvements. D'abord hasardeux et peu fluides, il finit toutefois à prendre le rythme et comprendre la manière dont cet exercice réclamait qu'il ne se déplace. Quelques instants plus tard, il fermait les yeux en reproduisant la danse, à quelques exceptions prêts puisqu'il lançait parfois les lames qu'il récupérait avec grâce dans un mouvement presque parfait. Profitant d'une acrobatie qui l'emmenait de nouveau à côté de Cepheid, il lui sourit en lui faisant un clin d’œil. Il apprécierait qu'elle se joigne à lui mais la laissait faire comme bon lui semblerait.

Il profitait de la danse pour faire en sorte de diffuser une aura apaisante et sereine, tout en créant, de temps à autre, l'illusion diaphane d'une autre entité, bien plus grande, haute en couleurs, qui, tel un écho, jouerait la même danse.
Toutefois, l'illusion était faite pour se soustraire au regard de celui qui souhaitait en voir davantage, ou mieux la discerner si bien que l'on pouvait facilement douter d'avoir vu quelque chose. Un peu comme pour les fantômes vis à vis des mortels.

Finalement, il stoppa sa danse après une ultime acrobatie. Essoufflé, il se laissa tomber au sol en lâchant un long soupire sonore tendis qu'il reprenait son apparence de bucheron en toge.

"Ce n'est plus de mon âge décidément !" Se plaignit-il.

Cephas avait fait cesser les effets avec la danse et se redressa finalement sur ses coudes en demandant à ses deux spectateurs, son regard trahissant son ravissement et sa malice naturelle.

"Alooooors ? Vous en avez pensé quoi ? "

Puis, s'adressant à Cepheid uniquement.

"Elle te disait quelque chose ?"

Une danse pour un bel avenir

La jeune fille n'avait pas compris l'image employée par Cephas pour lui expliquer ce qu'il pensait des apparences. Il ne s'en offusqua pas, préférant lui montrer en vrai ce qu'il voulait dire. Pour cela, il avait légèrement altérer les sens afin que Kardey soit perçu comme ce qu'il était. Ou du moins, tel que Cephas le percevait : un petit animal mignon mais grognon.

Finalement, le jeune prêtre finit par s'éclipser de la pièce, laissant Cepheid seule avec le haut-prêtre encore légèrement essoufflé après sa danse. Lorsque Cepheid souligna qu'il était vieux, il se mit à rire de bon cœur avant de s'arrêter subitement et de se redresser en position assise pour faire face à la fillette d'un air choqué.

"Attends ! Tu me donnes quel âge ? dis comme ça, on dirait que j'ai un pied dans la tombe.... c'est si cruel...." finit-il par dire, les yeux larmoyants de fausses larmes en surjouant totalement toute la scène.

Enfin, il lui demanda ce qu'elle avait pensé de la danse. C'était en fait là l'essentiel, le but de la démarche. Le prêtre se releva, reprenant son apparence masculine classique tendis qu'elle répondait que l'esprit n'y était pas. Il laissa sa grande main retomber sur le sommet du crâne de la fillette avec un air ravi.

"Exactement ! Et tu penses pouvoir retrouver cet état d'esprit quand tu le souhaites ?"

Il fit apparaitre au sol devant eux les statuettes de chacun des dieux qui composait le panthéon hayiliste. Devant chacune d'entre elle, une statuette plus petite représentant un personnage humain était apparue également. Il retira sa main de sa tête.

"Tu vois, chaque dieu apprécie un certain état d'esprit. Pour certains, il s'agit de respecter la loi du plus fort. Il arrive parfois que quand l'état d'esprit entre le divin et un mortel est assez similaire, le dieu transmet certains de ses pouvoirs à celui-ci."

Tendis qu'il parlait, la statuette de Korda s'anima, faisant une série de mouvements avec une épée. Puis, en écho, la statuette humaine s'anima à son tour et les deux composèrent alors les mêmes mouvements avec un synchronisation parfaite.

"Pour Korda, il s'agit de chercher et respecter la seule force. Grâce à cet état d'esprit, un guerrier moyen peut devenir...meilleur."

La statuette humaine liée à Korda, pourtant ridiculement petite, enfonça son épée dans le sol du temple, morcelant entièrement la dalle dans laquelle la lame de la statuette s'était enfoncée.

Ce fut finalement au tour de statue d'Olidamara de s'animer, dansant et fendant les airs avec ses couteaux. La statuette humaine -qui ressemblait grandement à Cepheid, à une ou deux différences près- s'anima à son tour et le même manège recommença.

"Mais les dieux n'ont pas ce seul effet. Parfois, ils permettent, à la manière de moines, de calmer le flux interne."

Songeant qu'elle ne comprendrait sans doute pas, il reprit.

"T'est-il déjà arrivé d'être triste, ou énervée ? Est-ce qu'il se produit quelque chose de spécial quand ça t'arrive ? Comment réagissent les autres dans ces moments-là ?"

Ce n'était qu'une intuition. Une sensation des plus vague mais Cephas avait envie de creuser un peu, si elle le laissait faire bien entendu. Il était clair qu'elle était doté de sa propre magie mais le flux ne semblait pas emprunter le chemin habituel. La plupart des personnes utilisant la magie employaient simplement leur flux magique interne qui circulait sans cesse en eux, à la manière du flux sanguin. Pour autant, celui qu'il ressentait chez elle ne semblait pas réagir de la même manière. Il en avait eu le cœur net quand il avait pu comparer l'état de sa magie pendant la fin de sa danse, et après. Son pouvoir laissait une impression invasive et parasite à Cephas. Toutefois, ses yeux seuls ne pourraient pas analyser aussi finement ce qu'il en était que si elle acceptait de le laisser l'ausculter, magiquement.

Malgré tout, sa manière de faire était elle-même des plus invasives, magiquement et spirituellement, si bien qu'il préférait, dans un premier temps, avoir simplement davantage de matière à se mettre sous la dent par ce qu'elle accepterait de partager avec lui.

Dans la plupart des cas, la prêtrise était une bénédiction certes, mais qui n'avait pas totalement changé leur vie puisqu'il s'agissait le plus souvent de personnes déjà pieuses à l'origine. Dans de plus rares cas cependant, la prêtrise accordée avait le bénéfice de "sauver" les personnes. Lorsqu'il avait fait se mouvoir l'humain lié à Korda, Cephas avait pensé à cette prêtresse qu'il avait rencontré voilà quelques années maintenant. Si ils s'appréciaient, d'une certaine manière, ils ne se comprenaient que peu. Pour autant, elle avait bien voulu partager avec lui la manière dont elle s'était vu dotée miraculeusement d'une force supérieure : une force qui lui avait permit de se libérer de ses chaines d'esclave et de se venger du clan de ses maîtres notamment. Une force qui était "lui était tombée dessus" -pour reprendre ses propres mots- quelques instants avant qu'on ne l'enchaine devant les murs de la cité souterraine pour servir de hors d’œuvre aux créatures que les drows attiraient et tuaient pour leurs écailles et leur venin notamment. Ca l'avait littéralement sauvé.

Et ce n'était pas le seul cas. Cephas avait entendu dire que le haut-prêtre de Feanor avait vu le jour dans un village maudit par un sorcier qui forçait ses membres à s'entredévorer tous les cinq ans, ou à tuer et dévorer toutes les créatures qui les entouraient alors. La prêtrise de Feanor avait mis fin à cette malédiction, pour le prêtre de Feanor uniquement. Mais là encore, il avait été sauvé d'un effet qu'il ne pouvait contrôler.

C'était en fait cette histoire qui avait fait écho dans l'esprit de Cephas quand il avait aperçu le flux magique de Cepheid. Peut-être se trompait-il, mais les difficultés de la jeune fille ne semblaient pas toutes si "normales" que cela. Sans qu'elle ne soit prêtresse pour autant, il était clair que cette danse avait un effet crucial sur elle. En déterminant lequel avec précision, Cephas serait également à même de reformer le puzzle et d'imaginer si une actions était nécessaire pour l'aider, ou non. Par ailleurs, si cette danse avait bien l'esprit d'une déité quelle qu'elle soit, il se pouvait que la jeune fille ait tout à gagner à persister dans cette voie. Malgré tout, ce n'étaient que des hypothèses vagues pour le moment, extrapolées des rares faits et observations effectuées. Il lui faudrait beaucoup plus de matière et de temps sans doute. Mais par chance, Cephas adorait les défis et les recherches !

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De toute évidence, la jeune fille avait une incompréhension totale du second degré, qu'il soit imagé ou joué comme c'était le cas de la comédie qu'il faisait. A quel point était-elle incapable de déceler les jeux d'acteur ? Il ne s'offusqua pas lorsqu'elle évoqua son âge... pour la simple raison qu'elle tombait juste. Quant au fait que tout le monde devait mourir, il ne put s'empêcher de rire d'un ton léger.

"Ce n'est pas parce que c'est dans l'ordre des choses que c'est un fait immuable jeune fille."

Ha, elle n'allait sans doute pas comprendre le vocabulaire. Il reformula dans la foulée sans se départir de son sourire.

"Il n'est pas mal de vieillir, ni de mourir. Mais n'est-il pas mieux de rester en bon état et en vie jusqu'à ce que tu décides de mourir toi-même ?"

Après tout, un simple sort de métamorphose dotée de "permanence" n'était-elle pas la solution la plus simple pour vivre éternellement ? Il suffisait que la métamorphose nous fasse reprendre une apparence plus jeune. C'était ce qu'il y avait de merveilleux dans ce domaine de magie : la vie éternelle. Il suffisait de lancer le sort tous les 10 ans. Par ailleurs, en tant que ces sorts de haut niveau modifiaient même la structure du jeteur de sort, l'employer après une blessure grave revenait à la "guérir" aussi bien, voire même mieux que ne le faisait la magie de soin dérivée de la magie blanche qui, à l'instar de sa la magie noire, nécessitait une intention spécifique et de laisser le corps être envahi par une autre énergie que la sienne. Cephas leur préférait ce type d'emploi. Il avait d'ailleurs déjà employé plusieurs fois ce mécanisme pour se soigner, et comptait bien tenter la métamorphose à une physionomie antérieure quand il sentirait ses forces physiques décliner, ce qui n'était pas encore vraiment le cas.

Revenant à sa jeune amie, il lui demanda si elle saurait parvenir à se remettre dans le même état qu'elle l'avait été durant sa danse. Sa réponse fut négative. Comme attendu. Malheureusement. Cependant, il ne doutait pas qu'elle finirait par y parvenir avec davantage de temps passé dans cet état. Pendant l'explication qui suivit sur les dieux, il la questionna sur son état d'esprit. Pourtant, elle fut incapable de lui répondre. D'après elle, la tristesse et la colère lui seraient totalement étrangers.
Impossible qu'une enfant puisse ne pas être parfois en proie à ces. Pour autant, elle paraissait être absolument convaincue de ce qu'elle avançait. Tout comme le fait d'être "souvent seule". Un élan de compassion saisit le vieil homme qui posa un genou au sol pour se retrouver de nouveau à sa hauteur.

Il lui sourit avec chaleur.

"Pour ce que ça vaut et même si je n'ai pas ton âge, je serai heureux de pouvoir compter parmi tes premiers amis. Si tu le veux bien évidemment."

Le prêtre appréciait la jeune fille qui gagnait, selon lui, à être connue. Du moins, à l'être pour d'autres raisons que pour ses frasques. Qui par ailleurs semblaient souvent des plus amusantes. Pour ce que Kardey lui avait dépeint.

L'idée passa brièvement dans son esprit : créer un incarnat pour remplacer les amis qu'elle n'avait pas. Mais il rejeta cette idée. Hormis les cout élevé en temps, en magie et en matériaux, ça resterait une forme de comédie, un placébo. Et si ça pouvait fonctionner sur certains qui s'en seraient contenté. Cephas doutait que tel soit le cas de le fillette. De son point de vue, elle pourrait très bien se vexer et mal le prendre. Toutefois, il reprit avec douceur.

"Dis moi, tu es sans doute un peu trop grande pour ça mais sait-on jamais, aimes-tu jouer à la poupée ?"

Une question qui pourrait paraitre anodine. Il se releva. Il avait certes envie de l'aider mais pas de n'importe quelle manière. Il fallait que ça réponde à quelques critères importants parmi lesquels, celui de permettre le développement tant à la fois de sa psyché, si c'était possible, et de son... lien avec le divin. Et cela devait se faire naturellement. Il ne la forcerait donc en rien. Les liens les plus forts sont ceux que l'on a sciemment choisi et auxquels on adhère cœur et âme. Le corps n'était rien d'autre qu'une enveloppe à entretenir. Un détail. Mais il restait l'expression de ce lien étrange entre Cepheid et... autre chose. Le prêtre savait toutefois être patient et il ne doutait pas de parvenir à trouver des réponses au fur et à mesure qu'il observerait et côtoierait la jeune fille. Pour une première rencontre, il avait déjà avancé sur certaines choses. La réussite de son entreprise dépendrait du bon dosage : laisser à Cepheid la liberté dont elle avait besoin tout en parvenant à la guider sans qu'elle en sente le poids.

"Est-ce que tu veux faire quelque chose avec moi ou préfères-tu que je te laisse ? J'ai encore un peu de temps si tu le souhaites."

Le prêtre était en phase de récolte d'information, notamment sur les gouts de la fillette. Sinon, il irait simplement finir sa nuit quelque part avant de s'adresser aux rares fidèles qui demeuraient présents. Ensuite, il devrait s'atteler à générer les améliorations qu'il souhaitait. Un cercle l'aurait aidé mais il pourrait toujours en simuler un temporairement. Ses yeux pétillaient d'une lueur malicieuse tendis qu'il jubilait d'avance à l'idée de tout ce travail qui, pour lui, signifiait des heures de plaisir et de jeu.

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Le haut-prêtre venait de proposer à la jeune fille qu'ils soient "amis". D'une part, Cephas se considérait plus ou moins l'ami de tout le monde au sens où il n'était nullement malintentionné. Bien que certains aient déjà mal interprété certaines de ses blagues. D'autre part, la jeune fille semblait recéler plusieurs particularités et il avait hâte d'en apprendre davantage sur elle et ce serait bien plus facile si elle acceptait sa présence davantage comme un ami qu'un parent. Par ailleurs, Cephas préférait aussi la voir comme telle plutôt que comme une fillette abandonnée qu'il aurait du guider. Il ne se faisait pas d'illusion, elle savait parfaitement se débrouiller... aussi étrange que cette assertion paraisse du fait de son jeune âge comme de son attitude globale.

Comme pour confirmer cette prise de position et l'intérêt qu'il voyait chez elle, Cepheid prétendit devoir parler de sa proposition à Euryale et se tourna pour avoir une conversation avec elle-même. Hé bien... Voilà qui était original et quelque inquiétant. Du moins, pour un observateur extérieur. La jeune fille semblait évidemment parfaitement à l'aise avec tout ça. Cephas lui laissa l'intimité dont elle avait besoin, se contentant d'attendre patiemment la réponse.

Le haut-prêtre sourit de toutes ses dents à la réponse.

"Ha super tu m'en vois ravi !" s'exclama-t-il avec un réel enthousiasme.

Restant dans la même position, il reprit avec calme.

"Est-ce que tu penses que je pourrai remercier Euryale directement ? Je serai ravi de faire sa connaissance à elle aussi."

Évidemment, il n'insisterait pas si la réponse était négative et ne se risquerait pas à poser davantage de questions si il sentait une trop grande résistance de la part de sa toute jeune amie. Finalement, il lui demanda si elle aimait les poupées, ce à quoi elle répondit qu'elle n'en savait rien. Pauvre ? Malheureusement il y avait de plus en plus d'enfants qui se retrouvaient dans cette situation. C'était déplorable. Lui-même avait été dans cette situation étant enfant. Car oui, il avait été enfant un jour. Il releva tout de même qu'elle parlait d'elle comme si elle n'était actuellement plus une enfant. C'était amusant en un sens et il prit sur lui de ne pas faire de commentaire, pour une fois.

"Dans ce cas je t'en ferai une très spéciale et tu me diras si tu aimes ou pas." Lui fit-il en souriant. Il aurait pu en faire apparaitre une mais il souhaitait la personnaliser en y ajoutant des fonctionnalités qu'il jugeait intéressante.

Vint le moment de tenter de savoir ce qu'elle souhaitait faire pour l'heure à venir. Après Cephas devait assurer une prière mais il était disposé à dédier du temps à la jeune fille si une envie lui venait.

Il rit un peu quand elle releva ne pas savoir ce qu'elle allait faire 5 minutes plus tard.

"D'accord. Dans ce cas, tu sais où me trouver si tu en as envie... quelque part dans ce temple. Quand j'aurai plus de temps, et si l'idée te plait, je pourrai t'emmener en voyage pour quelques jours qu'en dis-tu ?"

Cephas lui adressa un petit clin d’œil en songeant qu'en fin de compte lui non plus ne savait pas réellement où il serait entre deux de ses obligations et qu'il avait bien envie de prendre l'air, de sortir de ce temple. Il faut avouer qu'il était un peu triste ce temple pour l'instant. Heureusement, il était là pour y remédier.

"A bientôt Ceph' !" Lança-t-il joyeusement en abattant sa lourde patte sur le sommet du crâne de la jeune fille pour lui ébouriffer les cheveux.
Il se retira le plus tranquillement du monde.