Tournoi de la grande fête de Targatt - Victor VS Delphine

Dans la salle d’attente de l’arène, Victor vérifiait ses préparatifs. Ses cheveux étaient bien attachés en une tresse guerrière, inspirée de la culture du nord.
Sa tenue, elle, est moins révélatrice qu’à son habitude. Il s’est en effet équipé d’un pourpoint de cuir comprenant des épaulières, qui lui permettra de combattre en étant un tant soi peu protégé. Il n’a rien pris, pour ses jambes, car désire garder le plus de mobilité possible et ce, même s’il sait que ça rend cette partie bien plus vulnérable.

De plus, ce n’est pas son épée d’entraînement qu’il porte à la taille en cette belle journée. C’est une lame qu’il s’est procurée de lui-même, avec ses propres économies. La quasi-totalité de l’argent que son père lui donnait depuis son entrée à l’académie était partie dans cette lame, qui fut finie seulement quelques jours avant le tournoi. Heureusement, Victor a tout de même bénéficié de ces quelques jours pour s’habituer à cette arme.

En dehors de son équipement, il a en ce jour de combat pris un collier représentant des griffes d’ours. Certe, celui-ci n’était pas magique, comme aucun de ses équipements en soi, mais Victor a toujours préféré mettre un collier en accord avec la journée qu’il allait passer.

Son premier adversaire, enfin sa première adversaire, avait été annoncé. Une certaine Delphine Adelung. Victor ignorait jusqu’à présent que l’ancienne professeur de magie blanche avait déjà eu une fille, mais son appréhension grandissait cependant. La fille de la chancelière… Ce ne pouvait être qu’une elfe, n’est-ce pas? En plus, s’il s’agissait de la fille de madame Adelung… Cela voulait aussi dire que le professeur Daragonne était son beau-père.


Victor s’avança dans l’arène, alors que son nom était appelé. Au départ, il n’entendait aucun bruit. Il ne sentait que le regard des spectateurs sur lui, sur eux. Il s’approcha de l’estrade sur laquelle se trouvait l’arbitre.

— Le combat est limité à quinze minutes. Pas une de plus. Tous les coups sont permis et vous allez utiliser votre propre équipement. Seul sont interdite, les artefacts magiques. Vous avez rempli une fiche contenant les objets magiques que vous allez utiliser et seuls ceux-ci sont autorisés. L'utilisation d'un autre objet entrainera votre élimination du tournoi. Je me réserve le droit d'interrompre le combat si je le juge nécessaire. Vous avez tous reçu un sort empêchant les dégâts mortels la première fois. S'il s'active, vous avez perdu. Vous ne pouvez pas attaquer à nouveau un adversaire qui a été déclaré perdant. Vous avez compris? Bien. Commencez!

Victor se tourna alors vers son adversaire et se figea une poignée de secondes, de surprise. Il s’agissait de l’elfe danseuse, celle qui renvoyait des airs d’esclave dans le cours de magie spirituelle. Il put alors réduire lentement la tension, la peur qu’il sentait s’accumuler en lui depuis qu’il était dans l'arène, dans les vestiaires.

Il s’inclina ensuite, respectueusement. C’était un duel, il fallait donc en respecter les us et coutumes.

— Enchanté, demoiselle Adelung. Que la chance soit avec vous.

Il dégaine ensuite et attend quelques instants qu’elle réponde à sa présentation. Si elle ne le fait pas, c’est avec un rictus que sa première attaque s’effectuera. Une attaque lourde en tenant son arme à deux mains. Un coup de taille dont le but est d’activer le plus vite possible le sort de protection de l’arène.

Après que j’aie dégainé, je la voix tendre une main vers moi. Je change alors mon arme de main afin de tendre ma main droite vers elle, tentant de retenir les tremblements de mon corps. Je vais serrer la main à une elfe, ce sera mon tout premier contact non violent avec une personne de cette espèce, libre de surcroît. C’est donc une main légèrement tremblante que la jeune elfe voit approcher d’elle.

— M-mmmerci... B-b... B-b-b-bonne chance à à vous aussi monsieur X-Xelcius…

Nos mains entrent en contact et, alors qu’elle me la serre, je me crispe sur mon arme, serrant le poing à m’en faire blanchir les jointures. Je sens un cri de douleur monter depuis les tréfonds de mon être, mais ce dernier ne peut sortir, bloqué par ma mâchoire crispée, et se trouve contraint de se transformer en gémissement étouffé pour pouvoir sortir.

Mon regard se charge d’incompréhension, de colère et de douleur. Cette sale engeance ne vaut finalement pas mieux que tous ceux de son espèce, j’en viens même à regretter d’avoir accepté la proposition d’Alexia de m’en faire rencontrer un.

Alors que je me plie en deux sous la douleur, la sale petite elfe me lâche et je sens autre chose se coller à moi. C’est gluant et cela me gêne dans mes mouvements. Elle en a bien profité, hein, la petite putain.

— Pardonnez moi je vous pris…

Alors que la douleur finit par refluer, je peux entendre ses paroles. Un rictus me tord le visage alors que je lui lance un regard empli de haine. Attends un peu que je t’attrape, tu vas vraiment apprécier ce que je vais te faire, toi… Cette douleur, je vais te la rendre au centuple !

Elle s’éloigne, elle fuit alors qu’un animal apparaît dans le stade. Ce dernier est tout aussi couard que sa maîtresse apparemment, vu qu’il fuit encore plus loin qu’elle. Attends un peu, ma petite, attends un peu que papa Xelcius se libère de ton piège…

En parlant de piège, je finis par sentir que la toile se resserre sur moi. Il serait de bon ton que je me libère rapidement, maintenant. Mon premier sort est une simple protection, me permettant de résister à la constriction en me laissant réfléchir.

Comment me libérer… Comment la faire souffrir… Attendez-deux minutes, elle ne semble pas vouloir m’attaquer tant que je suis empêtré là-dedans… Je vais pouvoir utiliser ça à mon avantage. Il me suffit donc de continuer à jouer la comédie, à faire semblant d’essayer de me libérer.

Pendant que je me remets à gesticuler, je tente de me rappeler de ce que je sais sur elle. C’est une elfe, la fille de la prof de magie blanche et donc la belle-fille du professeur Daragonne. Nous avons eu un cours de magie spirituelle ensemble, et elle a été dans les premiers à ressentir les effets de la crise de Cepheid…


Attendez… Cela ne veut-il pas dire qu’elle n’a aucune défense psychique ? Comment dire… Je pense que ça vaut le coup d’essayer. Je m’immobilise quelques secondes, le temps de me concentrer, puis envoie un sort de Choc mental en direction de la petite peste prétentieuse.

Elle me regarde, elle me parles alors que je suis englué dans sa toile.

— S’il vous plaît… Abandonnez… Je… Je ne veux pas vous blesser d’avantage !

Elle me supplie d’arrêter ? D’abandonner ? Mais quelle garce ! Elle se permet même de me montrer qu’elle utilisera le feu pour sa prochaine attaque… Dès que je l’ai affaiblie, je me libère de cette toile et je m’occupe d’elle, c’est certain.

Je lui lance alors un sort de choc mental, persuadé qu’elle n’a aucune défense psychique. L’effet est immédiat, je la vois éteindre sa flamme et se tenir les tempes. Parfait, mon sort a fonctionné.


Mon crâne…

Une migraine m’accable.

Pourquoi… Elle n'a pourtant pas l’air de s’y connaître en magie spirituelle… Pourquoi, comment puis-je ressentir une telle douleur ? Je suis pourtant certain qu’elle ne peut rien me faire de ce point là… Aurait-elle une capacité, un pouvoir lui permettant de renvoyer les sorts qu’on lui lance? Ce serait vraiment la pire des options.

Sentant la toile continuer de se resserrer, je m‘acharne sans pour autant réussir à ne serait-ce que l’entailler. Au moment où je reprends mon souffle, je la vois lancer son sort. Je devine que son bras est tendu, alors qu’une lumière semble sortir de sa main.


Je n’ai que le temps de me concentrer sur mon sort de protection avant de sentir les effets de son attaque. Je sens ma protection disparaître alors que la chaleur, la brûlure m’envahit.

Le sort finit par s’arrêter, et je garde conscience. Je m’acharne alors à nouveau contre cette toile affreuse, utilisant la technique que j’ai auparavant utilisée contre le professeur Daragonne. Cette fois, cela fonctionne. Je suis enfin libre de cette toile.

Je charge alors en direction de l’elfe, prêt à me jeter sur le côté afin d’éviter toute attaque qu’elle pourrait m’envoyer. Il est hors de question que je me rende sans combattre. Cette elfe de mes morts va voir que Victor Xelcius ne se laisse pas mettre à terre aussi facilement.

Je prépare un autre sort. Elle peut me renvoyer les attaques, probablement. Mais que ce passerait-il si je l’attaque indirectement, si elle n’est que prise dans la zone d’un de mes sorts ? J’ai hâte de le savoir. Je veux voir ce qu’elle va me sortir de son chapeau, la petite.

Les spectateurs doivent se moquer de moi, je me suis fait avoir facilement au début après tout, mais ce n’est pas grave. Je vais leur montrer, à eux aussi, que je ne suis pas qu’un mec naïf. Elle m’a humilié devant tout le monde, alors je vais jouer avec elle. Il faut que je lui fasse épuiser toutes ses réserves de magie avant de l’attaquer pour de bon. Les seules inconnues sont de savoir laquelle de sa magie, ou la mienne (ainsi que mon endurance) sera épuisée la première.

Je sais que je ne suis pas en position avantageuse. Je sens que ses sorts du début de combat m’ont bien amochés, mais je peux encore combattre.

Je cours vers elle, elle n’y échappera pas cette fois. Mes appuis sont sûrs, lors de mon attaque, et je suis prêt à toute éventualité. Je me rends compte, pourtant que quelque chose cloche. Comme si je voyais quelque chose qui ne devait pas être là, ou…

— MAINTENANT !

*Merde ! L’animal !*

Je me jettes sur la gauche pour esquiver tout ce qui pourrait m’arriver dessus. Mon objectif est d’effectuer une roulade avant de reprendre ma course. Seulement, à la fin de cette dernière, alors que je suis en train de me relever, un grand choc m’envoie au sol, me faisant lâcher mon arme.

— Rhhhaa !

Je sens les griffes de son familier. Mon cuir se déchire, à l’image de celui de mon armure, laissant l’intérieur de mon corps goûter au plaisir de sentir l’air passer sur lui. Malheureusement, les griffes ne se plantent pas suffisamment profondément, laissant la possibilité à mes nerfs de me dire qu’ils n’apprécient pas, mais alors vraiment pas, cette nouvelle information.

Alors que je pousse ce cri, je réussis à garder les yeux ouverts. Je la vois arriver. Elle dégaine sa petite dague, elle s'approche lentement de moi tandis que son animal me maintient au sol.

Elle me menace, elle me parles mais je n’écoute pas. Je lance mon sort de protection alors qu’elle approche sa dague de ma gorge, voulant résister jusqu’au bout. Au moment où je sens la lame sur ma gorge, je me rappelle d’un sort. Le transfert mineur… Il peut être utilisé dans cette situation…

Je bouge ma main gauche, je la place sur la main de l’elfe. Je n’active pas d’autre sort à ce moment. Juste après avoir établi le contact, je ressens la sensation d’une main se posant sur ma main droite.

Ainsi, je finis par comprendre que je ressens tout ce qu’elle ressent, mais avec une fraction de seconde de décalage. Probablement à cause du temps de transfert. Une idée me vient alors. Je suis sûr qu’elle doit penser que j’ai posé ma main ici afin de l’empêcher de remonter sa lame, ce qui est vrai en un sens. Cependant, ce contact peut avoir une autre utilité.

J’active alors mon sort de transfert mineur. Je tente de me soigner en lui transférant mes blessures lorsque son animal commence à mettre son poids sur ma tête. Mon cou s’approche donc de la lame, malgré ma résistance.

Lentement, le fil du poignard commence à m’entailler le cou, alors que mon sort de transfert est actif. Si elle n’a pas mis de bouclier, alors que ma protection et mon transfert agissent et vident mon énergie bien trop vite à mon goût, elle se fera petit à petit tailler la gorge à la même vitesse que moi.

Le problème, que je n’avais aucun moyen d’identifier, est que mon cou se taillade à nouveau, et bien plus vite que ce que le transfert mineur peut gérer. Je ne comprends l’état de la situation que lorsqu’un autre sort s’active… Le sort de l’arène. J’ai perdu.

J’ai perdu face à une elfe. J’ai perdu devant tout le monde. Je me suis fait soumettre tel un enfant qui ne sait se défendre.


*Sale garce… Attends que je te retrouve. Je vais te faire souffrir comme jamais tu n’a soufferts auparavant. Je vais te trouver et t’humilier devant tout le monde. Tu ne comprendras pas ce qu’il t’arrive. Tu as gagné d’un moyen très simple, tu as triché de manière éhontée. Les protocoles de duel sont très clairs… Je te hais… Je t'exècre de toute mon âme. Sache une chose, petite putain. Si tu croises à nouveau mon chemin en tant qu’adversaire, si on se retrouve face à face pour quelque cours ou tournoi que ce soit, ne compte pas sur ma clémence. Je me ferais un plaisir de passer mes nerfs sur toi.*

Je lui lance un regard noir lorsque ces pensées tournent dans mon esprit. Je vais cependant lui montrer que ce n’est pas parce qu’elle ne respecte pas les règles de courtoisie des duels que je vais me rabaisser à son niveau. Non. Je vais lui montrer que je vaux mieux que ça, mieux que ce qu’elle ne pourra jamais atteindre.

— Merci pour ce combat.

Mes paroles, cependant, donnent l’impression d’avoir une aura de glace palpable. Si jamais il lui vient en tête de vouloir se faire pardonner en me proposant de m’aider ou de me soigner, je l’enverrai paître telle la truie qu’elle est.

Je préfère encore me faire brancarder hors de l'arène que d’accepter sa fausseté outrancière.

J’ai perdu. Ma haine bout en moi, mais les règles du tournoi sont claires. Si je les brise en l’attaquant après la fin du combat, mon déshonneur sera la conséquence de mes propres actions. Ceci, c’est une chose que je ne me permettrait pas. Je me suis fait humilier, je ne vais pas en plus faire un caprice de gamin. Je suis un Xelcius. Je suis Victor Xelcius. Je suis bien au-dessus de ça.

L’animal me relâche. Mon esprit, encore embrumé, comprend bien vite que le bouclier s’est arrêté, et que la garce ne va plus me faire de mal. Je me détends alors, de manière très visible. Il m’est cependant impossible de me calmer. La petite pouffe va souffrir, je m’en fais le serment.

— J.... J-j.... L-laisser m-moi v-v-vous soigner.... C-c'est l-l-l-la mmmoindre des ch-ch-chose.... J-je vous en p-pris....

*Elle… Elle ose !? Je vais me la faire… L’humilier… *

Oh oui. Ces pensées, qui m’échappent à ce moment-là, je me les grave dans un coin de l’esprit, je vais me remémorer ces phrases, chaque soir avant de me coucher, ou chaque matin en me levant. Cette elfe représente vraiment tout ce que j’exècre dans cette espèce. Toujours à effectuer des coups dans le dos, puis à tenter de montrer de la fausse compassion pour sauver les apparences, avoir l’air gentils et bien sous tous rappots.

— Ne m’approche pas, sale petite putain.

Ces mots m’ont échappé, certes, mais c’est une bonne chose, ça me permet de lâcher un peu de pression. Je ne bouge toujours pas, afin d’éviter de trop me vider de mon sang.

Les soigneurs arrivent alors. Je me sens transporté sur le brancard. Le ciel s’offre alors à moi. Ce ciel bleu, si calme, semble loin de représenter mon état mental. Je ferme les yeux, ne supportant pas de voir ceci, je préfère largement ruminer ma rancœur. Je tourne en mon esprit l’ensemble de mes idées, toutes les souffrances que je souhaite lui faire bénéficier. Toutes ces idées se bousculent tellement que je commence à les trier, ce qui me calme lentement.

Lorsque je rouvre les yeux, je suis à l’intérieur. Les vestiaires m’entourent, avec les regards des autres participants. Les regards goguenards de ceux qui ne comprennent pas la trahison de la catin.

Je finis cependant par m’évanouir, reprenant conscience quelques heures plus tard, dans un endroit que je ne reconnais que trop bien.