La couronne et le serpent (Wilhelmine - Luthien) (TERMINÉ)

"A toi qui a donné la force à ma famille de tirer l'épée chaque jour et confier à son sang de combattre à jamais. A toi qui me confie le courage et la fermeté nécessaire pour livrer bataille et croiser le fer avec mes ennemis, soit pour vivre la victoire, soit pour mourir par le fer. A toi qui vivra à jamais et à donner à notre sang le droit de vivre aussi longtemps que toi, je te dédis cette prière comme celles d'hier et celles de demain. Qu'à genoux devant ton autel je prie pour que tu confies à celle qui se veut être une de tes enfants sur la Terre la force et la ténacité pour continuer en ce monde. Que ta gloire retentisse encore et toujours dans toutes les guerres du monde et fasse de mon épée ta lame, mon bras ton bras et mon corps ton corps sur la Terre. Qu'en humble servante en ce monde  je prie pour obtenir de tes mains la bénédiction qui m'accompagnera à la guerre et que ta toute puissance soit crainte et admirée. Amen

La chapelle du Fort Schlacht n'avait rien d'extraordinaire. Elle avait été bâtit à l'époque de la guerre civile par des charpentiers émigrés et qui étaient encore là aujourd'hui. Les murs étaient en sapin et la toiture en ardoise. C'était d'ailleurs la seule vraie structure fixe et solide de tout le camps. Le reste était parfois en dure. Mais riend e comparable à ce modeste lieu de culte en dehors de Targatt.

Pourtant, en dépit de sa petite taille et de la vitesse à laquelle elle fut bâtit, les murs de la chapelle étaient de planches lisses et ne laissaient pas filtrer l'air. Les quelques vitraux présents étaient simples et laissaient passer une douce lumière chaude qui inondait les autels des grandes divinités. Les autels du panthéon classique. Mais un autel n'était pas avec les autres. Il était dans une alcôve à lui tout seul, en retrait dans le fond de la chapelle. Ce sur cet autel que trônait une grande statue de fonte ramenée par ma famille des provinces germaniques. Une statue de la taille d'un grand homme. Une statue du dieu de la guerre.

Son culte était commun dans les provinces germaniques. Mais au même titre que les autres divinités classiques. Les nouvelles religions ont toujours eu du mal à prospérer dans les terres germanique et scandinaves. Mais dans ma famille, le culte du dieu de la guerre était très ancien. C'était même le dieu principal. Dans notre maison non loin de la Baltique, nous avions un petit autel dédié au dieu de la guerre. Mère avait d'ailleurs longtemps fait la guerre avant de rencontrer mon père et de s'unir. Ce qui était drôle, c'était qu'ils s'étaient rencontrés sur le champs de bataille. La première avec les mains couvertes de sang carbonisé de ses ennemis et le second en train d'essayer d'apaiser la douleur des blessés avec son alchimie. Le couple le plus improbable de toutes les provinces germaniques. Improbable car dans notre famille, certains n'ont pas vraiment le choix dans cette matière. Enfin, malgré le manque d'entrain de mon père pour la guerre, nous avions un autel consacré à son dieu chez nous et ma mère alla même jusqu'à transporter elle-même la statuette du dieu jusqu'à Targatt. Dans l'échoppe dans le cercle, mes parents ont refait un petit autel consacré au dieu. Dès lors, je l'ai toujours prié. Au début sans conviction comme n'importe quel enfant. Ensuite, avec des projets et dévotion. Au réveil et au couché, tous les jours.

Peut-être était-ce ce qui m'avait offert tout ce que j'avais aujourd'hui ? Je ne savais pas. Mais j'espérais bien que mes prières, perdues au milieu de tant d'autres, était entendue et que ce dieu que j'adorai depuis des années, à défaut de m'avoir parmi ses plus grands fidèles, connaissait au moins mon simple nom. Je l'espérais car la guerre était à venir et je ne pourrais qu'être heureuse de pouvoir le servir dans ce moment.

Mon moment de méditation post-prière fut interrompu par l'ouverture bruyante des portes de la chapelle suivit la voix d'un de mes Jeagers.

"Mon Maréchal, la Reine Luthien est désormais en vue sur le chemin amenant au fort."

"Très bien. Faites dire à la Horde Noire de se préparer à escorter Sa Majesté. Quant aux hommes présent dans le fort, j'espère qu'à défaut d'avoir sorti leur tenus d'apparât comme je l'ai ordonné, ils sont tous au carré."

"Le général Hohen s'est personnellement chargé de vérifier qu'aucun homme ne porte un uniforme d’apparat et que leurs uniformes de campagne sont propres et opérationnels. Quant à la Horde Noire, votre cousin est déjà parti rejoindre Sa Majesté."

Je me retournais initialement surprise en entendant cela. Mais l'instant d'après mon visage redevint neutre. Il avait encore une fois pensé exactement comme moi. Dans notre famille, il y avait certaines choses qui n'était pas du tout improbable. Le fait qu'il agisse comme je l'aurai voulu en faisait parti de toute évidence.

Maintenant, il s'agissait de faire face au nouveau souverain. Je ne savais malheureusement pas assez de chose sur elle. Il valait donc mieux que je n'aille pas trop fort dès le début et que je tâte le terrain avant de frapper dans l'angle mort pour conserver ma place, mes titres et mon rang. Pour l'heure, il s'agissait surtout de jauger la nouvelle souveraine qui venait aussi jauger mon armée et les officiers la commandant. Il restait a savoir ce qu'elle attendait de moi. Même Drake avait compris que restreindre mes libertés de choix dans mon commandement était une très mauvaise idée.

Il restait à voir si la nouvelle souveraine ferait l'erreur de croire que cette armée était la sienne et agirait à mon égard comme si j'étais un officier à ses ordres.

Il était certains qu'elle arrive en l'envisageant. Toutefois, les bannières flottant au dessus des tours de garde du fort Schlacht serait une première mise en garde. Car à côté de chaque bannière de Targatt de trouvait un, ou deux étendards blanc avec en leur centre un long serpent vert enlaçant une épée longue et tout surmontant la devise "Par le sang, Par le Feu, Par le Fer". Une vieille devise familiale que j'avais décidé de ramener des légendes car elle nous définissait bien dans la famille : Nous naissons dans le sang, nous nous forgeons par le feu et nous mourrons par le fer. Mais surtout, cette alliance entre les étendards de Targatt et ceux de ma famille donnait le ton : cette armée protégeait Targatt, elle n'en restait pas moi la mienne.

Ces constations je les faisais à cheval en descendant de la colline pour rejoindre les troupes en faction à l'extérieur du fort. Tout comme elles, je n'avais pas sorti mon armure d’apparat. J'étais avec mon armure de bataille aux couleurs sombre et tendant vers le vers-brun. Les troupes à pied et à cheval aussi. Les uniformes noirs ou colorés des anciennes troupes avaient été mis en réserve et chaque homme et chaque femme pouvait distingué son unité par des brassards de couleur ou la forme de leurs uniforme. Nous étions en guerre. Pas au carnaval. Et les démons seraient faciles à reconnaître. Dès lors prendre le temps de donner une couleur spécifique à nos troupes alors que nous pouvions parvenir à les dérober à la vue de l’ennemi par des moyens aussi simple étaient bien plus pertinent.

Pertinence qui n'allait certainement pas être du goût des vieux de Targatt. L'esprit martial et rustique des germains n'avait plu aux gens de Targatt et à l'époque de mon commandement de la Garde Royale, ce fut un long combat d'obtenir une simplification des uniformes.

Néanmoins tout ceci n'était là que pour monter à la Reine que pendant six mois, je n'avais pas ménagé mes efforts et que l'or de Targatt avait permis de lui donner l'armée la plus organisée et performante du continent. Du moins, jusqu'à ce que les démons la décime. Mais pour cela, il faudrait qu'ils attaquent soudainement et aux différents points de garnisons. Car malgré cette revue des troupes, je ne pouvais risquer de mettre toute mon armée au même endroit. De surcroît, je devais aussi surveiller les cols, les passes et le fleuve. Dès lors, il n'y avait au fort que la Horde Noire, mes Jeagers et les mercenaires de Razel que j'avais bien gardé de faire participer à cette revue. Même si elle était très utile, ses hommes n'étaient pas des soldats de la Grande Armée et n'en avait pas la discipline. La Horde Noire, elle, c'était plus de la propagande. Et d'une certaine façon, il s'agissait de la Grande Armée car cette troupe de mercenaires était commandée par mon cousin. Cousin qui avait eu la "chance" de rencontrer le capitaine du protectorat. Enfin, il l'avait simplement vu et jugé du haut de son cheval qu'elle n'avait pas l'étoffe d'un commandant. Ceci mis de côté, face aux portes du Fort Schlacht se trouvaient donc 400 Jeagers, l'élite de la Grande Armée et 250 cavaliers lourds. Les cinquante autres escortaient Sa Majesté jusqu'au lieu des manœuvres.

Puis vint le moment attendu. Le moment où en haut d'une petite colline permettant de voir les formations impeccables de la Grande Armée, Sa Majesté se porta à mon niveau tandis que mon cousin prenant ma droite.

"Votre Majesté, c'est un extrême plaisir de vous recevoir aux abords de Fort Schlacht. Votre prédécesseur ne m'avait pas fait cet honneur en son temps. Les manœuvres sont prêtes. Libre à vous de décider si vous voulez inspecter la troupe maintenant ou après. lançais-je avec un regard neutre davantage tourné vers mes hommes que vers ma souveraine, à l'exception de l'instant où je lui disais bonjour bien évidemment.

Lùthien avait refusé l'armure d'apparat qu'on lui avait présenté, préférant faire nettoyer son armure de vétéran. L'acier sombre et irisé issu des forges des elfes était toujours aussi solide malgré le siècle qui s'était écoulé. Les plaques présentaient les marques de l'usure et des coups reçus, elle avait été réparée plusieurs fois... mais c'était précisément ce que l'elfe voulait montrer. La reine savait que les soldats avaient plus de respect pour ceux qui avaient le feu du combat dans leurs yeux plutôt que des reflets dorés sur leur armure.

Elle chevauchait maintenant en compagnie d'une quinzaine de soldats revêtus des couleurs de la garde royale. Lùthien montait à cru un hippogriffe noir et blanc qu'elle avait invoqué. Malgré l'épée à son côté, elle se sentait étrangement désarmée. La magie du trône était si vite devenue une extension d'elle même qu'elle ressentait un étrange vide en étant aussi loin de son aura.

Le fort fut bientôt en vue. L'elfe regarda les bannières étrangères flotter au dessus du fort et songea que les négociations allait mettre ses nerfs à rude épreuve. Deux longues colonnes de cavaliers ne tardèrent pas à venir à leur rencontre. Les soldats de la Horde Noire vinrent grossir l'escorte, leur nombre faisait paraître la garde royale bien modeste.

Personne ne vint saluer la reine qui sentait déjà sur elle la puissance étouffante de la force de la Grande Armée. Elle contrôlait parfaitement sa monture au plumage tacheté, mais de temps à autre elle laissait à dessein s'exprimer sa fougue sauvage. Le rapace glatissait en renâclant, battait des ailes ou faisait claquer son bec au nez des chevaux trop curieux. Peut-être l'elfe essayait-elle ainsi de prouver que même au milieu dizaines de cavaliers qui en servait une autre, elle était encore une reine libre de ses mouvements.

Quand le lieu de rendez-vous fut en vue, Lùthien poussa la troupe au galop et son hippogriffe prit son envol. Elle parcourut en quelques instants la distance qui la séparait de la petite colline et se posa , bientôt rejoint par le général. Sa monture parfaitement calmée s'avança à la hauteur du cheval du maréchal qui la salua.

- Votre Majesté, c'est un extrême plaisir de vous recevoir aux abords de Fort Schlacht. Votre prédécesseur ne m'avait pas fait cet honneur en son temps. Les manœuvres sont prêtes. Libre à vous de décider si vous voulez inspecter la troupe maintenant ou après.

Lùthien découvrit la Grande Armée en tenue de combat. Elle se félicita de ne pas s'être couverte de breloques d'apparat, elle se serait sentie ridicule. La reine observa les rangs serrés, elle savait encore estimer à peu près les forces d'une troupe. Il n'y avait là pas plus de huit cent lames, en comptant l'escorte, pourtant l'armée devait en comporter deux milliers.

- Commençons par la revue. Où se trouve le reste des troupes ?

Lùthien avait déjà vu des armées bien plus grandes, mais n'avait jamais elle même dirigé plus d'une centaine de combattants. Elle espérait que son expérience lui suffirait à gagner un minimum de respect de la part des troupes... à défaut d'avoir leur fidélité, qui était vraisemblablement acquise à Wilhelmine Schlacht.

Avoir cinquante hommes en armure lourde au petit galop sur les routes pavé s'entendait de loin. Un hyppogriffre en pleine descente aérienne, nettement moins. Je devais admettre qu'à l'instant où je me rendit compte de l'approche du rapace, une pointe de surprise se fit dans ma tête. Faire une entrée triomphale auprès du chef de la Grande Armée, c'était intelligent. Cette nouvelle Reine avait bien plus d'intelligence que les imbéciles qui étaient venus me voir jusqu'à maintenant. Sauf Cain. J'appréciais ce gamin pour ce qu'il était, un bon garçon cherchant à faire ce qu'il pouvait. Parfois en bien, parfois en mal. Mais toujours avec un peu de fougue. La simplicité de Cain était parfois reposante en réalité comparée aux intrigues dans lesquelles je suis depuis des mois maintenant.

Cependant, revenons à Sa Majesté. Celle-ci ne m'avait retourné les honneurs. A croire que la gangrène qui avait gagné la haute société de Targatt s'était déjà chargé de lui faire perdre le goût de m'accorder un temps soit peu de respect. Qu'importait, je n'allais pas me froisser pour si peu.

Ce qui m'intéressant davantage, c'est que la Reine s'interrogea presque immédiatement sur le manque d'effectif apparant de la Grande Armée. Ainsi elle était déjà au courant de l'effectif de mon armée. Cela révélait le fait qu'elle n'arrivait pas les mains dans les poches. Le fait qu'elle porte une armure de bataille et non d’apparat allait aussi dans ce sens. L'usure et les trace de réparation trahissait le fait qu'elle avait été une guerrière. Nous parlions donc entre soldat. Mais parlions nous entre commandants ? Là était la question.

Mais je connaissais déjà la réponse. Si elle avait été un commandant habitué à commander de larges forces, elle aurait immédiatement demander pourquoi le reste de l'armée n'est pas là, m'enjoignant ainsi à expliquer ma stratégie défensive. En me demandant simplement où se trouve mes troupes, elle ne se doute pas de la stratégie et demande simplement que je lui offre sur un plateau d'argent des explications sur la position exactes de mes troupes et la raison.  Je devais donc, à première vue, composer avec une guerrière qui n'est pas rompu à l'art de la guerre.

"A défendre la frontière et dans des points de garnisons vitaux non loin de Fort Schlacht pour permettre de créer des points de résistances et ainsi favoriser un redéploiement du reste des forces non engagée. Il s'agit selon moi du meilleur moyen pour contrer un ennemi dont on ne connait que l'incroyable supériorité numérique."

Restait à savoir si elle allait faire un commentaire sur cette information. Si elle le faisait, elle n'était pas simplement là pour faire parader son rapace et ses années devant mes hommes. Mais elle était bien là pour me jauger. Toutefois, les elfes sont patients et sages. Elle pourrait attendre que je fasse une erreur pour tenter de s'y engouffrer et me déstabiliser. Ceci ne devait pas arriver. A l'inverse, je ne devais pas me laisser emporter face à elle. Si elle ne montrait pas les capacités de commandement qui pourraient être les miennes, je ne devais pas faire de l'excès de zèle sinon je me l’aliénerai. Je n'ai qu'un seul allié en Targatt. Avoir la Reine comme deuxième alliée serait un avantage pour réfreiner les ardeurs de certains.

"Si vous n'avez pas d'autres question Votre Majesté, nous pouvons commencer la revue. Theodore ! Nous allons commencer par la Horde Noire. Dit à tes hommes de se mettre en ordre!

Le cavalier noir a côté de moi retira son casque pour laisser découvrir une longue tresse de cheveux vertes et me regarda un instant, laissa à Sa Majesté le temps de constater que nos partagions, en plus des cheveux, les mêmes yeux émeraudes.

"A vos ordres Mon Maréchal ! CAVALIERS ! FORMEZ LES RANGS !

Il dévala la petite colline pour rejoindre ses hommes qui sortirent des premiers rangs pour former deux lignes devant les Jeagers. Une fois en place, j'invitais Sa Majesté à descendre de la colline avec moi pour rejoindre mon cousin au début de la colonne.

"Présentez, ARME !"

Les cavaliers présentèrent leurs lances à 30°, le petit fanion au serpent vert flottant au bout. Tandis que nous avancions devant les cavaliers, je les présentais eux et leur commandant à Sa Majesté.

"Votre Majesté, la Grande Armée ne dispose pas de cavalerie lourde comme celle-ci. A la différence des grand royaumes, notre noblesse n'est pas la plus encline à prendre les armes et assumer ce rôle. Dès lors, disposant de fonds suffisants, j'ai fait appel à cette compagnie de mercenaire germains de 300 hommes que se sont appelé la Horde Noire, la couleur de leur armure l'indique. Ils ont été formé il y plusieurs génération par la branche de ma famille à laquelle appartient mon cousin, Theodore Von Schlacht qui vous a escorté jusqu'à nous. Malheureusement, Théodore ne connait pas très bien la langue commune. Mais ce n'est pas un problème pour commander l'armée de Targatt, je vous rassure."

Lùthien n'était pas très encline à se montrer cordiale avec la cheffe des armées,  après tout, celle-ci était responsable directement ou indirectement de la mort de bon nombre de personnes innocentes, y compris parmi les amis de la reine. Celle-ci savait que Yearius rêvait de voir au bout d'une pique la tête de la femme qui se trouvait à ses côtés, pour Marinn, elle n'était pas sûre de la position... Dans tous les cas, l'elfe tâchait de faire abstraction des événements qui avaient mené à la situation présente pour se concentrer sur le problème brulant des infernaux.
Elle écouta la réponse du maréchal sur les positions des troupes. Sans avoir les cartes sous les yeux, ces informations restaient vagues, de même que le terme "incroyable supériorité numérique". C'était la seule information qu'une armée de deux mille personnes avait obtenu sur l'ennemi en six mois ? Lùthien avait bien des questions mais elle voulait faire chaque chose en son temps. Elle comptait discuter en détail la stratégie du maréchal devant une carte dans la salle dédiée au commandement, pas les cheveux au vent devant les troupes. Elle resta donc silencieuse.

- Poursuivez, maréchal.

Lùthien fut un peu surprise d'entendre les ordres donnés dans une langue étrangère. Mais les explications ne tardèrent pas. Elle écoutait la maréchal en passant lentement au pas pour observer les armes et les visages fiers des soldats. Elle nota bien que 300 mercenaires resteraient quoi qu'il arrive fidèle à la maréchal via Theodore Von Schlacht et les fonds propres de l'officier. La reine n'avait pas pour l'instant l'intention d'évincer Wilhelmine, mais elle prenait soin de retenir qui était les officiers influents, question de stratégie. Ainsi ce Theodore ne maîtrisait pas la langue... certain aurait vu y voir une excuser pour son absence de salut à l'arrivée de la reine. Lùthien pensait quant à elle qu'il n'était pas bien compliqué d'apprendre quelques mots de bienvenue... enfin, cela signifiait que la langue s'ajoutait aux lien qui unissait Wilhelmine à la Horde Noire.

La reine se contentait de hocher la tête devant les présentations sans cesser d'avancer. Peut-être donnait-elle l'air d'acquiescer sans rien comprendre. En réalité elle notait mentalement les points qu'elle aborderait par la suite. Son regard suivait l'alignement les lances. Les cavaliers avaient certes fière allure en rang serré, mais leurs armes seraient-elles suffisantes face à la magie noire démoniaque ?

"La Horde Noire n'est pas la seule formation de mercenaires employée par Targatt. Il y a aussi les troupe du commandant Razel. Toutefois, celle-ci n'est pas propre à une revue du fait de la nature de la troupe enquestion."

Une façon évidente d'indiquer que ce n'était pas tous les mercenaires qui pouvaient avoir la discipline de la Horde Noire. Mais au moins la chose était dite. La Grande Armée avait deux compagnies de mercenaire pour opérer dans des domaines qu'elle ne maîtrisait pas forcément. Toutefois, il y avait un domaine dans laquelle elle excellait : l'attaque rapide. Les Jeagers étaient là pour cela et à l'époque de mon commandement de la garde royale, je les avais formés à cette fin. Ils étaient bien plus utiles dans l'enceinte du palais qu'un paladin avec sa grosse armure qui l'entravait. La souplesse, la force et la précision des Jeagers en faisaient des armes de frappe difficile à anticiper et contrer. Il s'agissait aussi de la meilleure unité pour mener des opérations de guérilla. C'est d'ailleurs ces unités qui assuraient de temps à autre des reconnaissances en territoire ennemi. Mais l'information de Cain indiquant que les Démons cherchaient des mages rapides me fit cesser de les envoyer en mission. Le risque de donner à l'ennemi les armes qu'il souhaitait était devenu trop grand.

Néanmoins, ils restaient l'élite de la Grande Armée et avaient subit l'entrainement le plus difficile possible pendant tout l'hiver. La torture n'était plus un problème. La fatigue une passion. La douleur une rédemption. C'était des armes de guerre. Mes armes de guerre. Forgé de la même manière et avec le même tranchant. ils étaient ma plus grande fierté et je ne leur avais jamais caché. Comme ils savaient tous que le jour où cette armée viendrait à être vaincu, je me trouverai avec eux pour livrer mon dernier soupir et mourir avec eux par le fer.

"ARMES AU PIED ! Général Théodore, vous pouvez prendre place avec vos hommes derrière nous.

Mon cousin répondit d'un simple hochement de la tête et après avoir remis son casque hurla ses ordres. Les grands chevaux de guerre se mirent à trépigner sur place, comme sautant d'une patte à l'autre avant d'enfin s'élancer dans un passage bruyant et uniforme. Chaque retombé des chevaux faisait trembler la terre, le mélange des armures s'entrechoquant et des armures des chevaux retombant sur eux à chaque pas avait fait naître autour de moi et de la Reine une symphonie mortuaire terrible. Ainsi elle expérimentait sans en être la victime l'effet de 300 chevaux de guerre en arme se mouvant pour la guerre ensemble et pouvait déjà imaginer la proportion que prendrait cette musique de guerre en pleine charge.

Les cavaliers se redéployèrent juste derrière nous, faisant un mur noir contre lequel la Reine et moi ne pouvions que nous adosser. Face à moi et Sa Majesté, restaient donc mes enfants. Ils tenaient leurs positions malgré le soleil. Aucun ne flanchait et tout leur uniforme était impeccable. Il y avait en tout quatre cent hommes réparti en huit formations. A l'avant de chacune, se tenait ce qui constituait le commandement de ces formations. Un mage télépathique, un commandant, un commandant en second et deux mages spécialisés dans les soins. Une organisation faite pour la guerre et qui disposait des moyens pour la mener efficacement.

"SOLDATEN !"

Tous se dressèrent et leur regards était rivé droit devant.

"En avant, MARCHE !"

Tous avancèrent le regard fixé vers l'avant.

"HALTE ! PRÉSENTEZ PAVILLONS !"

La troupe s’arrêta nette et les portes drapeau basculèrent en avant leurs pavillons. Un drapeau de Targatt accompagné d'un ruban blanc brodé du serpent et de l'épée.

"L'élite de la Grande Armée Votre Majesté. Chaque homme et chaque femme de ces unités ont été trié sur le volet, entraîné avec le plus grand des dévouements et leur utilité à la guerre m'a été confirmé à plusieurs reprises. Si vous me demandiez à quelle unité je serais prête à confier ma vie, ce serait l'une de celles qui vous font maintenant face."

Si elle ne l'avait pas remarqué,maintenant elle l'aurait forcément à mesure que nous remontions les formations de Jeagers. Nous étions dans un couloir formé d'un côté par la Horde Noire et de l'autre les Jeagers. Ceci était évidemment une manifestation de puissance sans plus. Je ne voulais pas la vexer ou me la mettre à dos. Mais je devais montrer que mon armée savait inspirer la peur et le respect.

Lùthien sourit en sentant raisonner dans sa chair la charge des cavaliers. Étrangement, elle aimait cette sensation. C'était ce même frisson qu'elle ressentait lorsqu'elle invoquait les créatures les plus terribles. La sensation physique de la puissance pure. Qu'importe que cette armée puisse un jour lui être hostile, elle savourait pour l'instant sa puissance. Loin d'être vexée par la démonstration de force de Schlach, elle en était satisfaite. Elle examina lentement la formation, avec calme, la tête haute. Pour une reine, un couloir hérissé de lances n'était pas une menace, c'était une haie d'honneur.

Les deux femmes arrivèrent à la fin de la formation. Les troupes étaient clairement bien entraînées et organisées, Lùthien n'avait rien à redire aux manœuvres.  Schlach se disait prête à leur confier sa vie, la reine ne doutait pas que ce soit vrai, elle se demandait cependant si elle pouvait se permettre de faire de même. Elle ne s'y risquerait pas pour l'instant. La revue était satisfaisante et la reine n'avait pas envie de passer plus de temps en cérémoniel, mais quelque chose manquait... les armes et les armures des soldats étaient bien visibles mais quelle était l'ampleur du pouvoir invisible des mages parmi eux ? Il arrivait aux elfes de faire démonstration de leur magie pendant la revue des troupes, mais dans le cas présent Lùthien jugea que serait probablement une perte de temps. Elle aurait bien assez tôt l'information, et préférait commencer à aborder le vif du sujet avec la générale.

- Merci générale Schlach. Je vois que la rigueur est de mise dans vos rangs. Si nous avons terminé, je souhaiterais m'entretenir avec vous de votre stratégie. Je suppose que vous avez une salle de commandement pour cela ? J'aimerais également que vous me présentiez le reste de vos officiers.

Lùthien voulait absolument renouer le contact entre le trône et les officiers. Dans une armée aussi grande, il était important qu'elle les connaisse au cas où le contact avec Schlacht soit perdu pendant la bataille. L'autre raison était que la reine espérait apprendre quels commandants pourraient éventuellement redevenir fidèles à la couronne après la guerre.

- Ensuite, j'irais voir le reste des troupes. Ajouta-t-elle. La reine se fichait bien que les mercenaires soient ou non capable de respecter le protocole. Elle voulait voir à quoi ressemblait ces soldats ainsi que le reste de la grande armée, et surtout leurs capitaines.

Nullement impressionnée donc ? Cela faisait donc écho à mes premières impressions. Notre nouvelle Reine n'avait rien d'une novice dans l'art de la guerre. Mais je refusais de croire qu'elle le cultivait autant que moi ou ceux de mon peuple. Nous étions nés pour faire la guerre et personne ne pouvait la connaître mieux que quiconque. Du moins, tant que celui pour lequel je priais restait de notre côté.

Maintenant, il était temps de passer stratégie. Sa Majesté voulait connaître les ficelles de mon plan. Voilà qui ne me plaisait guère. Même s'il s'agissait de mon souverain, même Drake n'était pas au courant de l'exacte mise en oeuvre de mon plan. J'avais troqué cette liberté contre le fait de ne rien faire contre lui. Même si je n'en avais pas la moindre intention depuis l'instant où il m'avait approché, depuis l'instant où le monde doux en apparence de Targatt avait connu les horreurs du meurtre fratricide et du régicide. Je ne m'ôterais jamais la part de responsabilité dans le sang versé jusqu'à maintenant. Je ne le ferai jamais. Cependant, cette responsabilité je l'ai prise pour remettre sur le chemin de la guerre Targatt, pour lui redonner les forces de se battre et d'anéantir ses ennemis. Aussi pour donner à ceux de mon sang un lieu pour vivre sans être opprimé par la peur des non-mage.

Cette paix pour les miens et pour Targatt passait aussi bien par le secret que par ma liberté d'agir. Je n'allais pas attendre un quelconque ordre de Sa Majesté pour agir. Je n'allais pas, non plus, prendre le risque de révéler une stratégie pour laquelle j'avais passé de nombreuses nuits éveillées, fuyant les démons de mes rêves. Néanmoins, je n'étais pas assez forte pour me faire de la Couronne un ennemi. Les Leckards étaient partiellement des alliés. Cependant leur influence était trop faible pour m'assurer aussi bien ma position que mes prétentions une fois la guerre finie. Arakis, la cité qui était la clef de la route à travers la montagne vers l'Ouest. Targatt ne pouvait pas laisser cette cité aux mains de quelconques non-mages. Il lui fallait un maître et je comptais bien m'assurer, le moment venu, de le devenir. Le noble sans terre que j'étais allait enfin faire taire les moqueries et voir qu'il fallait mieux m'aider plutôt que me haïr.

"Si Votre Majesté insiste, alors je vous en prie, suivez moi. Nous allons nous rendre dans le coeur de Fort Schlacht pour cela."

Noble sans terre, pas vraiment en réalité. Il y avait bien ce bout de terre dont je m'étais faite la maîtresse grâce à la grande armée. Mais ce n'était rien aux plaines fertiles d'Arakis, à son immense ville et les richesses qu'elle pouvait contenir et créer. Enfin, je n'allais pas rester des heures à penser à mon avenir alors même que notre ennemi n'était pas encore vaincu.

Sur ordre des différents capitaines des unités présentes, celles-ci se mirent en mouvement et nous précédèrent, Sa Majesté, sa suite, mon cousin et moi en direction de Fort Schlacht. Il n'avait rien d'un château ou d'une citadelle. Mais ave l'enlisement des opérations et la fin du projet de campagne contre les démons chez-eux, nous j'avais été forcée d'aller dans le sens d'un de mes généraux en fortifiant davantage l'îlot où le fort se trouvait. Les premières pierres étaient apparues sur les murailles. Toutefois, il y avait bien plus de bois que d'autres matériaux.

A l'approche du pont principal, la troupe se scinda pour reformer les rangs de part et d'autre de la route, laissant voir à Sa Majesté le bastion menant au pont, les drapeaux au serpent flotter au vent et les gardes assurant sa défense. Deux d'entre-eux se tenaient à la limite de la zone d'anti-magie du bastion et à l'approche de Sa Majesté et moi-même, s'avancèrent à notre rencontre.

"Mesdemoiselles ! Pas un pas de plus, ceci est une zone militaire ! Veuillez nous dire la raison de votre venue !"

"Imbécile ! Tu ne vois pas que c'est le maréchal Schlacht ? Bon la femme avec elle je ne sais pas qui c'est. Mais si elle est avec le Maréchal, c'est surement pour une bonne raison !"

"Et qui te dis que le Maréchal s'est fait retourner le cerveau et que cette femme elfe là, elle la manipule ? hein ?"

"... c'est pas faux..."

Les deux gardes regardèrent Sa Majesté puis reculèrent doucement pour retourner dans la zone d'anti-magie avant de reprendre.

"Mais quand même ça me paraît bien officiel comme façon de faire ? Elle aurait quand même pas pu retourner le cerveau de toute l'armée ? Non ?"

Mois je te dis, on ne prend jamais trop de précautions ! Bon si vous voulez passer v-

"BANDES DE CRÉTINS ! JE NE VOUS AI PAS FICHU A CETTE PORTE SIMPLEMENT POUR CASSER LES PIEDS À TOUS CEUX QUI S'EN APPROCHE ALORS OUVREZ AVANT QUE JE VOUS FASSE TRAÎNER JUSQUE DANS LA BALTIQUE PAR LES PIEDS !" hurlais-je à Timun et Pumbar qui, constatant que je n'avais rien d'un pantin, se jetèrent vers la porte pour en ordonner l'ouverture.

Quand elle fut enfin ouverte, je continuais à chevaucher au pas avec un air médusé. Ces deux gardes faisaient un très bon travail en tant que garde. Toutefois, même un orque pouvait faire preuve de plus de jugeote dans certaine situation. Pour éviter une quelconque réflexion, je ne fis aucun commentaire sur ce qui venait de se passer. Au moins ils donnaient un visage humain à la Grande Armée.

Il ne fallut pas beaucoup de temps avant d'arriver dans le dernier bastion du fort, là où il y avait la tente de commandement, les quartiers des officiers et la chapelle. Là, je descendis de monture et laissant mon cousin offrir une main à Sa Majesté pour l'aider à descendre. Il se rachèterait un peu comme ça. Puis, laissant les palefreniers prendre les montures, je conviais Sa Majesté à entrer dans la tente de commandement. Elle était tout sauf vide car autour de la grande table qui occupait la majeure partie du lieu se trouvaient tous les généraux de la Grande Armée. Il n'y avait que quatre cinq sièges vident. Deux richement ornés qui étaient dédié à Sa Majesté et son époux s'il y avait lieu, mon fauteuil qui lui faisait face et le serpent gravé dans le bois marquait bien son appartenant, un fauteuil commun pour mon cousin et le dernier, aussi commun, était celui du général Hohen qui ne devrait pas tarder.

Autour de la table, il y avait pas moins de quinze généraux. Pour diriger 2.300 hommes cela paraissaient beaucoup. Mais une partie d'entre-eux n'avaient aucun rôle au combat. Ils appartenaient aux corps de soutient de la Grande Armée. Toutefois, sur sept d'entre-eux, il pouvait être vu, comme pour moi, un collier rappelant les armoiries de la Garde Royale. Ces officiers avaient été les miens depuis mon accession à la tête de l'ancienne Garde et constituait le noyaux dure de l'état major. Le reste étaient d'anciens sous-officiers de la Garde Royale. Mais sans distinctions, tous se levèrent à l'arriver de Sa Majesté que je laissais naturellement entrer en première. Marque de galanterie de plus, mon cousin l'aida à s’asseoir sur son fauteuil. Mais ce ne fut que lorsque je fus assise que les officiers en firent de même.

"Votre Majesté les hommes et les femmes qui sont autours de vous sont ce qui s'approche le plus d'un État-Major compétent sur ce continent. Je suis certaine qu'il peut y avoir mieux, notamment en extrême orient. Cependant j'ai l'audace de croire que si Targatt à aujourd'hui sa Grande Armée, c'est grâce aux efforts acharnés et la cohésion qui existe entre les différents officiers ici-présents et à leur entrainement long et difficile qu'ils ont pu subir à l'époque où je n'étais qu'une simple Capitaine de la Garde.

Je laissais un instant de silence avant de reprendre. Sa Majesté aurait tout le loisir de pouvoir s'exprimer ainsi.

"Ceux sont les seuls à connaître avec exactitude le plan de défense de Targatt qui consiste en réalité... à ne pas défendre Targatt."

Mon visage resta neutre en disant cela tandis que les autres officiers semblaient vouloir goûter aux moindre réactions de la Reine. Si elle avait une expérience militaire et au vu des moyens qu'elle a vu, elle pourrait au moins en déduire une stratégie générale.

Lùthien aurait peut être sourit devant le zèle stupide des soldats de garde si elle avait compris leur conversation. Mais elle ne saisit que vaguement l'altercation et resta donc de marbre.

Une fois dans la cour, elle laissa Theodore Von Schlacht l'aider à mettre pied à terre, plus par diplomatie que par réelle nécessité. Ecartant d'un geste le palefrenier qui s'approchait, la reine fit apparaître un quartier de viande aux pieds de l'hyppogriffe. Le rapace s'en saisit et s'envola pour le dévorer perché sur le toit du fort. La place d'un tel animal n'était pas à l'écurie.

Elle laissa son escorte en dehors de la tente de commandement, ces soldats n'avait pas à connaître la stratégie de Schlacht et celle-ci pourrait à raison s'offenser de leur présence. Lùthien entra donc accompagnée uniquement de sa garde du corps Aewiel et de son barde Hithfaeron.

L'absence de magie rendait le barde irritable, il ne pouvait pas faire courir devant ses yeux de charmantes illusions, ou étendre son esprit aux alentours, ni communiquer sans avoir à parler. Lui bander les yeux et le bâillonner lui aurait probablement fait le même effet. Et puis la pesanteur lui était insupportable. Il serait probablement ressorti de la tente si Lùthien ne lui avait pas fait signe de prendre le fauteuil libre à côté d'elle.

La reine s'assit sur le siège qui lui revenait. Le frêle elfe prit place à côté d'elle en effleurant amèrement les cordes de sa lyre dont le son ne produisait plus aucun enchantement. Aewiel resta debout quelques pas en arrière, une habitude rapidement acquise. Lùthien ne s'attendait pas à voir déjà l'Etat-major au complet et elle était plus impressionnée par cette assemblée que par la charge des cavaliers. Les visage sérieux des anciens officiers de la garde royale lui rappelaient quel point la garde royale actuelle lui semblait insipide. Hésandre avait sans doute un état-major qui valait bien celui-là mais en dehors de cela, les parole du maréchal semblaient des plus véridiques : au premier abords cette armée était un bloc solide et organisé. La reine aurait voulu pouvoir en dire autant des forces restées à Targatt. Le seul problème était que tout ces talentueux officiers avaient trahi la reine précédente... Le règne d'Astoria avait-il été si désastreux ? Ce n'était pas le moment d'aborder la question, Lùthien resta donc diplomate.

- Officiers, je suis heureuse de savoir que Targatt peut compter sur vos forces face à la menace qui nous guette. J'espère avoir à l'avenir le loisir de mieux connaître chacun d'entre vous.

La maréchal annonça ensuite que son plan était de "ne pas défendre Targatt" Lùthien fronça vaguement un sourcil, cela pouvait vouloir dire beaucoup de choses. Elle s'attendait à ce que Schalcht poursuive pour détailler sa stratégie mais elle n'en fit rien. Son visage restait de marbre et la reine sentait sur elle le regard des quinze officiers de l'Etat Major. A quoi jouaient-ils ? Ils attendaient visiblement une réaction. Les doigts de Lùthien serrèrent légèrement ses accoudoirs. Si elle devait leur tirer les vers du nez pour connaître leurs plans, elle était prête à le faire, elle n'avait pas l'intention de jouer les reines fantoches. Elle n'avait été qu'officier dans l'armée elfique mais cela ne l'avait pas empêcher d'assister régulièrement aux discussions stratégiques sous la tente de commandement. Contrairement au maréchal Schlacht, elle avait déjà participé à des guerres ouvertes contre des forces des ténèbres. Elle n'avait croisé que des démons mineurs mais elle se disait pour l'instant qu'une armée de Drow était un point de comparaison valable.

- C'est à dire ? Attaquer en premier ? Attendre le premier mouvement de l'ennemi pour le prendre à revers ?  Piéger la ville et laisser l'ennemi la prendre ?  Je suis certaine que votre stratégie ne manque pas d'audace, Maréchal, mais éclairez-moi tout d'abord sur les forces en présences. Ici, trois cent cavaliers de la horde noire et quatre cents soldats de la grande armée, mille six cent sont en garnison dont une centaine de mercenaires du commandant Razel. Soit. Mais quels sont les spécialités de vos mages, les complémentarités stratégiques de leurs pouvoirs ? Avons nous de l'artillerie ou d'autres appuis pour l'infanterie ? Quels sont nos approvisionnements clés ? Quand à l'ennemi, quelle est l'ampleur de son "incroyable supériorité numérique", sommes nous à un contre deux, un contre dix, vingt ? Avons-nous une idée du nombre de démons majeurs parmi eux, de la magie qu'ils pratiquent, de leur style de combat ? Savons-nous au moins ce qu'ils veulent ?

Lùthien voulait bien faire preuve d'observation, mais elle n'était pas là pour jouer aux devinettes. Si elle était prête à être fidèle à la couronne, Schlacht se devait de lui confier sa stratégie en détail.

Nous fûmes tous bien déçu de la réaction de la Reine. Si sa crispation avait pu être ressenti par tous les membres de l'Etat-Major, ce qui avait presque naturellement arraché un léger sourire au général Villier, anciennement commandant de la logistique et du ravitaillement de la Garde Royale et qui avait acquis ces fonctions dans la Grande Armée. Il était celui ayant permis la mise en place du plan final pour empêcher la prise de Targatt par une armée ennemie et avait toujours eu un caractère à la limite du mépris mépris à l'époque de la Garde Royale. Diable qu'Héléna pouvait me manquer dans ces situations. Elle aurait assurer le commandement des opérations avec brio. Malheureusement, elle fut le seul officier à succomber pendant l'opération Sichern. Maintenant c'était moi qui avait la charge des opérations aussi.

Enfin, cela ne changeait rien à la réaction de la Reine. Celle-ci n'avait fait aucun effort. Elle n'avait pas cherché à faire preuve de déduction ou d'intelligence. Elle attendait simplement que lui soit servit sur un plateau un plan qu'il aura fallut plusieurs semaine à mettre au point et pour lequel tous les officiers ici présents avaient entraîné leurs hommes. Bien évidemment, le plan ne survivrait pas au premier contact avec l'armée des démons. Toutefois, il offrait les bases pour agir efficacement contre l'ennemi. Avant même que je puisse ouvrir la bouche, ce fut le général Leroy qui s'exclama.

"De l'artillerie ? Ah ! Vous nous croyez dans une bataille de siège Votre Majesté ? Un canon pèse plusieurs tonnes et cette armée est basée sur la mobilité. Autant effectivement ne pas défendre Targatt et rester assis au chaud dans ce fort si on voulait utiliser de l'artillerie !"

Tous les officiers hochèrent la tête pour approuver ce qui venait d'être dit par le commandant de l'infanterie lourde de la Grande Armée, héritière des pratiques de la Garde Prétorienne de la Garde Royale.

"Nous disposons d'une force de 2.300 hommes qui pourra certainement être grossis des effectifs de ces erzats de forces militaires que sont la Garde Royale et le Protectorat. Cependant ces deux derniers corps sont cantonnés à la cité et devront la tenir, quoi qu'il advienne et ce sans l'aide de la Grande Armée. Comme l'a indiqué le général Leroy, la Grande Armée est faite pour se mouvoir rapidement. Dès lors, l'affirmation selon laquelle le gros de l'armée est en garnison est fausse. Il est en mouvement permanent dans des secteurs précis avec pour objectif de pouvoir reformer une armée complète rapidement dès que le centre de gravité de la formation ennemie, ainsi que sa puissance exacte, seront déterminées."

Le général Villier se leva alors, saisit un coffret et répandit sur la table son contenu, des dizaines de figurines aux atours ressemblant à ceux des différents soldats de la Grande Armée et des pièces difformes pour représenter les forces des démons. Il les plaça rapidement tant et si bien qu'il apparut claire que la Grande Armée était faîte pour la mouvement. Aucune unité n'était compacte et elles étaient toute éclatée mais leur déploiement, théorique car nullement fait sur une carte, révélait qu'elle n'était pas à plus d'une demi-journée de marche les unes des autres, voir moins à marche forcée. Enfin, le général rajouta à des points précis entre les unités des petites pièces en forme de fortins.

"Votre Majesté, même le Maréchal Schlacht aurait préféré que vous puissiez déterminer au moins par vous même une part de notre stratégie, laissez-moi vous en donnez les principes généraux. En l'état, nous ne disposons que de très peu d'information sur notre ennemi, ceci en raison des difficultés du contexte politique ralentissant nos déploiements, mais aussi des intuitions du Maréchal Schacht qui a refusé d'envoyer nos Jeagers dans les cités démoniaques après la disparition rapide de plusieurs éléments envoyés surplace. Toutefois, nous savons qu'ils veulent la cité à tout prix et que leurs forces, si elles s'articulent autour de quelques démons mineurs, sont surtout basées sur de l'infanterie désorganisée et mal commandée. Nous devons donc partir du principe que nous serons surpassés en nombre. Néanmoins, la discipline et la cohésion jouent en notre faveur. Les démons sont chaotiques, ils n'ont pas de chaînes de commandement fiable et fixée. Dès lors, la défense de Targatt doit avoir lieu en trois phases..."

Le général Villiers commença alors à faire bouger les différentes pièces en se faisant présenter deux énormes masse de figurines difformes avançant en deux points différents.

"La configuration entre Arakis à l'ouest et Melghir au sud nous laisse penser que les démons feront avancer leurs troupes par les deux cols. Toutefois, nous parlons de démons. Il est donc fort à parier qu'ils ne se risqueront pas à une bataille dans une gorge et feront arriver leurs troupes par des portails. La dispersion de nos troupes permettra ainsi de localiser rapidement des portails et permettre la mise en route de la première phase : le harcèlement et le rassemblement. Tant que les deux masses ne se sont pas rejointes, la Grande Armée est en danger et pourra se faire prendre sur deux flancs. Il s'agit donc de laisser l'ennemi se rassembler tout en épurant ses rangs avec de grandes manœuvres d'harcèlement avec nos Voltigeurs et nos Jeagers tandis que l'Infanterie Lourde se rassemble avec la Horde Noire. Au terme de cette phase, l'ennemi aura rassembler des forces non loin de Targatt, mais aura subit des pertes non négligeables tandis que nous aurons éviter l'encerclement et pourrons dicter les règles d'engagement avec des troupes de ligne fraîche et complètes.

La deuxième phase visera à forcer l'ennemi a se trouver entre la cité et le corps principal de la Grande Armée. Avec les forces mobiles, nous pourrons couvrir nos ailes et anéantir toute force s'éloignant du corps de leur armée et comme ils n'auront pas fait face à de grande forces armées, les démons pourront être tenter de donner l'assaut sur Targatt. Là, nous pourront les prendre en étaux et les écraser contre les murs de la cité. Enfin, la troisième phase consistera à nettoyer la campagne de ce qui reste de l'armée ennemie. Toutefois, le problème principal reste les démons eux mêmes. Un seul d'entre eux avec leurs sbires pourraient détruire n'importe quel formation. Nous espérons donc que pendant la première phase, certains soient tenté de s'en prendre à nos troupes légères pour les attirer vers nos troupes de ligne et là, plus facilement les neutraliser.

Une guerre de guerilla entre coupé de petites batailles rangées avant d'écraser le gros de l'armée affaibli et désorganisé. Voilà quel était le plan. Mais sans carte, il était difficile de se rendre compte de sa validité et même j'aurai voulu même révéler à la Reine le plan exact, Villier avait eu raison de couper court à ma tentative. La Reine était une elfe, elle pouvait avoir des ressources pouvant nous aider en y repensant, notamment our garnir davantage les murs de la cité.

Lùthien lança un regard noir à l'officier qui se moquait d'elle ouvertement. On ne la prenait visiblement pas au sérieux.

- Par artillerie j'entends également la magie lourde de soutien à l'infanterie, il n'est pas toujours nécessaire d'avoir une catapulte pour faire pleuvoir le feu, officier.

Après avoir écouté attentivement les grandes lignes du plan, la reine s'adressa à l'assemblée.

- Vous espériez que je devine en quelques heures cette stratégie que vous avez mis six mois à établir ? Cela aurait été déshonorant pour vous... Quand à moi, j'ai passé trente ans à combattre drows et autre créatures dans l'armée elfique, je n'ai rien à vous prouver. Je suis ici pour une seule raison : assurer la survie de Targatt. J'ai choisi d'assurer personnellement les fonctions du connétables pour garantir l'unité de la grande armée, de la garde et du protectorat. Au besoin je vous rappellerais que si ces corps ne sont plus ce qu'ils étaient, c'est parce que vous les avez quittés. Ensuite, je ne pourrais pas coordonner nos forces si vous me cachez vos intentions.


L'elfe se leva et observa les figurines, les mains posées sur la table.

- J'ai présenté ma candidature au trône parce que je savais que cet artefact pourrait changer le cours de la bataille. Si vous êtes devant les murs je pourrais utiliser ses pouvoirs pour protéger certaines unités ou vous supporter d'une autre manière...

Elle reporta son attention sur les masses informes représentant les démons.

- Il est inutile de risquer la vie des éclaireurs, mais vous n'avez aucune autre source d'information ? Des invocations ? Des captures d'éclaireurs ennemis ? Un sort de scrutation majeur ? Ils n'ont pas pu protéger toute leurs cités contre ça, on devrait au moins savoir à quoi ressemble leur piétaille... Nous devons aussi savoir si les démons ont des portails vers leur monde à Arakis ou Melghir. Si de telles portes existent ils pourraient envoyer des renforts à n'importe quel moment et il faudra les fermer le plus rapidement possible. Pour ce qui est de leurs déplacements, une unité aérienne faciliterait le repérage des mouvements de troupes et l'apparition d'éventuels portails. La dispersion de la grande armée pourrait alors être moins importante. Et puis des cercles de téléportation bien placés rendraient nos forces plus mobiles encore.

La reine se retourna vers Schlacht et lui lança un regard aiguisé.

- Allez-vous chercher une carte ou bien vous souhaitez encore jouer aux devinettes ?

Le général Leroy resta silencieux à la réponse de la Reine et aucun officier, pas même moi ne surenchérit. Les raisons étaient diverses. Mais la principale était le fait que la Grande Armée, comme la Garde Royale avant elle, n'avait pas l'intention d'employer des sorts outre mesure. La magie était autant une bénédiction qu'une plaie et contre démons, elle pouvait rapidement se retourner contre mes hommes.

"Sauf votre respect, Votre Majesté, il aura fallut une journée au maréchal pour mettre au point les grandes lignes que je viens de vous indiquer. Quant au plan qui nous aura fallu de longs mois de préparations, il est caduque et ce même si nous parvenions à vaincre les démons dans les plaines d'Helmancourt. Sauf si Sa Majesté prévoit de nous accorder le droit de faire des levées, ce qui pourrait tout changer."

Ce n'était pas dans l'habitude du général Villier de prendre ma défense. Il avait plutôt le rôle de ne rien dire et de faire beaucoup de propositions et de donner corps à mes plans. C'était un homme de réflexions, de pensées. Méticuleux et précis dans chacune de ses interventions et de ses décisions. Un atout quand il s'agit du ravitaillement, Mais aussi du commandement en second de la Grande Armée.

A l'intervention et aux propositions de la Reine, lui comme moi nous étions attentifs et écoutions. Biensur le Trône n'avait pas été pris en compte dans le plan. Je me refusais même à en profiter ne serait-ce qu'un instant. POur deux raisons. D'abord parce que cette victoire devait être celle de la Grande Armée et non celle du Trône, ce qui allait m'offrir un parterre de "hourra" dans tout Targatt et imposer aux autres grandes familles une aura telle que s'en prendre à moi ou à ma famille leur coûterait trop cher. Ensuite, s'il advenait que les défenses des murailles tombent plus vite que je ne l'avais envisageais, nous perdrions l'avantage de ces sorts et même ils pourraient se retourner contre nous. Enfin, il était trop tard pour envisager de changer en profondeur la stratégie établie. Ce serait risquer de présenter la Grande Armée en pleine manœuvre face aux formations ennemies.

Quant aux autres propositions, une seule retenait mon attention et comportait bien plus d'application que ce que proposait la Reine. Des unité aériennes, une guerre non plus en deux dimensions, mais en trois. La présence d'unité dans les airs offrirait la possibilité de connaître exactement la position ennemi et les déplacement, plus rapide, offrirait plus d'informations. Toutefois, elle offrait aussi la possibilité d'une guerre menée par en haut. Des mages volants, des mages capables d'abattre le feux et le fer depuis le ciel. C'était cette pensée qui occupait mon esprit tandis qu'après la dernière intervention de la Reine, un silence de plomb s'installa. Aucun officier ne voulait parler et même Villier, qui voulut certainement prendre les devant pour m'offrir du temps, se ravisa en entendant le claquement de mes doigts contre les bois de mon fauteuil. Une main porté à mes lèvres et les sourcils légèrement froncés, je multipliais les pensées. Mon esprit, à l'annonce de cette possibilité de mener la guerre sur trois dimensions, s'était rempli d'image et de mise en oeuvre de cette guerre qui deviendrait inévitablement asymétrique. Démons comme piétaille ne pouvaient pas à la fois gérer une menace au sol et une menace aérienne. Les boucliers magiques ne pouvaient pas soutenir les assauts du sol et de l'air.

Evidemment ce n'était pas une stratégie nouvelle. L'employer à grande échelle était autre chose. L'employer non pas par quelques hommes valeureux, mais par des soldats entraîner et avec des missions précises. Ceci pourrait changer la façon même de mener la guerre car elle rendrait la façon traditionnelle de créer de larges forces dangereuse. La mort viendrait alors d'en haut... Mais avec quel moyen pourrions-nous créer de tels mages volants ? La télékinésie était une spécialité trop rares et nécessitant trop de concentration pour permettre à un mage de pouvoir mener de front un combat et un vole. Créer un artefact ? Une orbe permettant de canaliser la magie et mettre en oeuvre ces sorts de voles ? Il devait bien exister un moyen de créer des mages volants à grande échelle, comme j'avais créer des Jeagers à grande échelle.

"Cette unité aérienne dont vous parlez... comment l'envisagez-vous Votre Majesté ? Je suppose qu'avec votre expérience vous devez avoir quelques éléments pouvant éclaircir de ce point ?"

Ce n'était plus de la défiance, de la méfiance ou une volonté de jugement qui se trouvait dans mon regard. Mais le regard d'un officier supérieur qui était intéressée et qui voulait entendre la suite. Un officier supérieur qui avait clairement trouvé un intérêt suprême dans les propos qui venaient d'être dit et qui, non seulement l'avait fait changer d'avis quant à l'attitude à adopter envers son interlocutrice, mais dont la participation à l'actuelle réunion d'état major venait de passer de la simple présentation à la participation pure et simple. Une aubaine pour la Reine si elle ne se braquait pas parce que je n'avais pas prie la peine de répondre à ses autres questions. Elles auraient leurs réponses quand la mienne aurait la la sienne. Car de cette dernière pouvait dépendre une toute autre stratégie.

- Vous pourriez sans mal déterminer les grandes lignes par vous-même, Maréchal. Vous n'avez pas apprécié mon entrée ? Taquina la reine avec un léger sourire.


Assise à nouveau, Lùthien avait reprit contenance, Schlacht lui parlait enfin sérieusement. L'elfe avait posé la plupart de ses questions pour montrer qu'elle connaissait les enjeux même si elle n'avait pas les réponses. Elle avait lancé ses idées en espérant apporter des améliorations compatible avec ce que les officiers avaient en tête. Elle avait fini par viser juste. Le combat aérien n'était pour elle qu'un élément de la bataille, mais elle y réfléchissait depuis la réunion des professeurs à l'Académie... qui était le point le plus haut de Targatt. L'invocatrice poursuivit sans tarder. Contrairement à ses généraux, elle n'avait pas l'intention de cacher la moindre information qui pourrait leur être utile. Cette guerre devait être gagnée à tout prix.


- Roc, cocatrix, chevaux ailés, griffons, hyppogriffes, gigachiroptères ou autres chimères font de bonnes montures et sont des invocations intermédiaires à la portée de la plupart des invocateurs. De bons métamorphes pourraient également prendre des formes similaires. Les rapaces sont moins dociles mais aussi moins vulnérables si l'ennemi engage un combat aérien... les démons aussi peuvent avoir des ailes. Des cavaliers aguerris devraient tenir à peu près en selle mais les soldats de ce genre d'unité doivent maîtriser l'air ou la téléportation, autrement toute chute est mortelle. L'organisation exacte de l'escadrille dépend de ce que vous souhaitez en faire. Les possibilités stratégiques sont assez vastes, bombardement des positions clés de l'ennemi, missions de reconnaissance, appui aux forces au sol... Dans tout les cas la complémentarité magique entre les combattants est primordiale. Les mages préparant des sorts majeurs doivent être protégés des perturbations par un binôme ou des manœuvre défensives.

Des montures ? Non, cela n'allait pas avec un emploi efficace d'une telle opportunité. Les montures peuvent être troublées, tuées, blessées. Perdre de l’énergie par le cavalier pour défendre aussi bien sa vie et celle de sa monture était trop lourd et le mage perdait ainsi en efficacité au combat. Toutefois, c'était la seule option qui restait pour tenter de former au moins une compagnie de ces mages volants dans l'urgence. Plus tard, si nous parvenions à gagner la guerre, je pourrais faire en sorte de me rapprocher de certains artisans et mages de l'académie pour qu'ils travaillent sur un dispositif permettant un vol autonome. Mais il est fort à parier que cette tentative attire les moins scrupuleux de l'Académie en plus d'avoir un impact politique. La guerre aérienne est bien plus sauvage que la guerre au sol car les sorts sont plus difficiles à diriger. Dès lors, les victimes involontaires vont augmenter et en cas de campagne, les positions de la nouvelle monarchie pourrait s'opposer à une standardisation des mages volants comme je l'entendais déjà. Mais nous devions pour l'heure faire avec ce que nous avions, c'et à dire des cavaliers.

"En l'état, nous n'avons ni les moyens humains ou encore matériel pour nous permettre la création d'une telle formation de combat. De surcroît, pour répondre à vos interrogations précédentes, l'ennemi s'est renforcé et va attaquer d'un moment à un autre. Changer la stratégie générale risquerait de présenter la Grande Armée en pleine manœuvre à l'ennemi. Quant à vos projets de portails...

Le général Villier avait lui aussi proposé cette option afin de réduire la dispersion de la Grande Armée. Cependant nos ennemis avaient des pouvoirs très grands. Plus nous ferions usage de sortilèges complexes et pouvant amener une faille, plus ils chercheraient à les retourner contre nous.

... J'ai moi-même interdit l'usage dans une quelconque circonstance de cet outils. Notre ennemi, pour ce qui est des démons, à une maîtrise de la magie bien plus importante que nos soldats. Ce serait risquer de leur donner un moyen de perturber nos déploiements et notre organisation. De la même façon que je me refuse à inclure le Trône dans la stratégie de mon armée. Il n'était pas prévu, il le restera par précaution.

Je cessais d'un coup de tapoter du bout des doigt mon fauteuil avant de tourner la tête vers l'immense carte de la région suspendue à l'une des parois de la tente. Cette unité aérienne pourrait porter la campagne d'harcèlement plus loin que dans la vallée. Elle pourrait commencer dès que les démons quitteraient l'enceinte de leur cité. Mais pour cela il faudrait des sentinelles, ce qui était impossible. Ils avaient l'initiative, je devais l'admettre et malgré mes précautions, je devais les laisser exécuter le premier mouvement.

Je fermais les yeux un instant en expirant longuement avant de les rouvrir et les yeux fixant les figurines, je m'adressais au membres de l'Etat-Major.

"Mesdames, Messieurs, je vous retrouverai plus tard... vous pouvez prendre congé... Maintenant..."

Tous les officiers eurent un début d'hésitation jusqu'au maintenant. A celui-ci, ils se dressèrent, me saluèrent puis saluèrent la Reine avant de sortir de la tente en faisant des messes basses. Quand il ne resta que la Reine, son barde et son agent, je restais le regard fixé sur les figurines, silencieuse. La Reine, même si je ne pouvais pas lui faire entièrement confiance, avait posé des questions montrant sa compétence relative. J'avais à ma tête une armée dont elle n'avait presque plus le contrôle et elle avait fais l'effort de venir tenter de la reprendre sans pour autant détuire ce qui avait été construit. A défaut de lui rendre son armée, je pouvais lui concéder un peu de sincérité.

"Nous n'avons plus l'initiative. Toutes les choses que vous nous proposez avaient encore un sens il y a trois mois, à la date où nous devions lancer la campagne contre Arakis puis Melghir. Nous disposions alors d'informations sur la faiblesse relative de nos ennemis. Aujourd'hui nous n'avons plus rien. Nos informations sont dépassées et incomplètes. Pire, il nous est impossible d'en trouver de nouvelles. En d'autre terme, nous sommes obligés de laisser les démons faire le premier mouvement et c'est pour cela que la stratégie est en celle qui vous a été présentée. Car il n'y a en a pas d'autres disponibles. Nous jeter sur Arakis ou Melghir laisserait sans défense Targatt et ce serait la défaite assurée car nous ne connaissons pas leurs effectifs. Diviser la Grande Armée pour attaquer leurs arrières pendant qu'ils attaquent Targatt c'est se reposer sur la puissance du Trône et tenter le tout pour le tout ce qui est la pire des stratégie. Attendre et observer. C'est l'extrémité à laquelle je suis réduite à cause des sautes d'humeur d'un demi-diable.

Mes yeux émeraudes croisèrent ceux de la Reine et il était clair qu'ils révélaient la colère en moi face à cette impuissance à laquelle j'étais réduite alors que j'avais mis au point l'arme de guerre parfaite.

"Dans ces conditions, même vous présenter en détail la stratégie de défense sur une carte n'aurait pas de sens. Nous ne savons rien de notre ennemi. Nous devons donc tout apprendre de lui en quelques heures quand il entrera dans la vallée d'Helmancourt. Là, le harcèlement nous permettra de mettre en place une tactique appropriée qui découlera logiquement de la stratégie. C'est tout ce qu'il y a dire. Malheureusement aussi bien pour moi que pour vous et cela, l'Etat-Major que je commande ne l'admet pas.

Je me levais et allais chercher des coupes et une bouteille de vin.

"Il y a toujours une solution. C'est ce que je pense. Mais je n'ai pas les moyens de répondre à la plupart de vos questions car ces solutions, je ne les aurais qu'au moment du premier contact. Pas avant..."

Ce fut au tour de la reine d'être déçue. Derrière toute cette mascarade et ces provocations, il n'y avait rien ?

- Qu'est-ce qui a changé entre il y a trois mois et maintenant ? Et de quel demi-diable parlez-vous ?

Lùthien connaissait deux personnes qui aurait pu être qualifiée ainsi : Alrost et Caïn. Alrost ayant un caractère plutôt placide, la reine penchait pour le jeune Leckard. Mais que venait-il faire dans cette affaire ? Elle se leva pour observer la carte de la vallée, même sans stratégie, elle voulait connaître le terrain. Les forêts, les rivières, les ponts étaient autant d'obstacles qui pouvaient changer le cours d'une bataille.

- Vous avez raison, nous savons peu de choses tant que l'ennemi ne se révèle pas, mais nous ne savons pas rien. Nous pouvons faire des hypothèses crédibles et préparer notre organisation de manière à favoriser les réactions rapides, comme vous le suggérez. Pour cela il nous faut d'abord un système de communication à toute épreuve, les liaisons télépathiques devraient être systématiquement doublées par des messagers à cheval ou d'autres systèmes.

L'elfe revint s'assoir devant la générale dont le regard avait trahi l'impuissance et reprit avec détermination.

- Reprenons ce que nous savons exactement. L'ennemi occupe Arakis et Melghir, ces villes abritent peut être des portails vers leur monde. Il est en supériorité numérique certaine. Je vais peut-être vous l'apprendre mais même sans magie les aptitudes physiques des démons sont bien supérieures à celle des humains. Selon vous, il s'agit d'une infanterie désorganisée et mal commandée. Ils veulent Targatt, peut être pour des artefacts qui nous sont connus, peut être pour d'autres qui pourraient se cacher dans les dédales des souterrains... peut-être pour d'autres raisons qui nous échappent. D'après ce que je sais chaque démon a ses propres buts, mais ils suivent la loi du plus fort. On peut donc supposer que leurs forces sont menés par les démons les plus puissants... Avec un peu de chance, leur armée perdra toute cohésion si on décapite sa tête. De plus, comme l'a souligné votre général, les démons majeurs sont la plus grande menace pour vos formations. Peu importe où ils se trouveront sur cette carte, nous devons absolument réfléchir à comment les abattre. La plupart des démons manient l'énergie négative mais peuvent pratiquer comme nous toute sorte de magie. La magie blanche sera probablement très efficace sur eux, mais ce sera réciproque et donc risqué. Je doute que les mages spirituels aient envie de fouiller dans l'esprits des démons... Il nous reste donc la magie élémentaire et l'invocation. Je ne sais pas grand chose du potentiel de la métamorphose en la matière. A part former des unités de mages d'élite chargés de combattre les démons majeurs, je ne vois pas comment faire. D'ailleurs, si vos mages ne sont pas assez puissants, peut-être devrions nous recourir à ceux du protectorat...


La reine remercia en pensée Alrost dont les informations, quoique lacunaires, restaient cruciales pour imaginer l'attaque des démons.

- Du côté de Targatt, les pouvoirs du Trône sont bien entendu notre dernière défense, mais nous devons être préparées à nous en servir. Il n'y a pas que le bouclier, le trône me permet également de faire de la scrutation sur l'ensemble du territoire de Targatt. Le problème est que je ne pourrais pas me cantonner à un rôle de surveillance en permanence. En dernier recours, il se pourrait que je doive moi même intervenir sur le champs de bataille... je maîtrise un sort d'exorcisme capable de renvoyer un démon dans son plan... Par ailleurs, je manque d'un officier compétent capable d'assurer la direction de la garde royale. J'aimerais qu'un des anciens officiers reprenne la capitainerie. Quelqu'un qui a de l'expérience et qui sera aussi fidèle à vous qu'à moi. Cet officier connaîtra vos plans et vos hommes, il sera à même de faire le lien entre vos troupes et celles de Targatt pour assurer un soutien depuis les murailles ou au pire coordonner le repli de la grande armée derrière nos murs.

Je revenais avec les verre et les posais entre les figurines avant de les remplir tout en répondant aux questions de Sa Majesté.

"Il me semble que la mort de Sa défunte Majesté Drake n'est pas passé inaperçue. Tout commele responsable de cette tragédie qui, par son égoïsme, à plongé la cité dans une instabilité importante en plus de directement impacter sur les projets de campagne de la Grande Armée."

Je pris mon verre et me mis à regarder la grande carte, notamment Arakis. Je la voulais absolument. En révélant une "faiblesse" à la Reine, je me confiais un temps soit peu à elle, l'impliquait artificiellement dans le commandement et donc je pouvais espérer être dans ses bonnes grâces au terme de la guerre. Lui révéler que nous n'avions plus l'initiative comme le fait, à présent, de lui expliquer qu'initialement le plan avait été de frapper les premiers, ne ferait qu'améliorer mes chances au terme du conflit.

"Je pense que vous avez compris que je parle du régicide Alrost. Son acte a plongé dans l'immobilisme la cité et le risque d'une nouvelle guerre civile a forcé la Grande Armée, notamment sur demande du Juge Nogaret, à rester dans la Vallée D'Helmancourt pour prévenir une telle situation. Dans ces conditions, mon armée a perdue la fenêtre de tire dont elle disposait au printemps."

Je me retournais vers la Reine avec un regard surpris en l'entendant. Avouer que l'on ne dispose plus de l'initiative n'était pas non plus un aveu d'échec. Il s'agissait de s'adapter et d'avoir les bonnes réactions au moment du premier contact. Toutes les propositions qui émanaient de sa bouche étaient certes logiques, mais supposaient que je n'avais pas fait le nécessaire.

"Sauf votre respect, je pense que vous allez bien vite en besogne en ce qui s'agit de l'architecture de la Grande Armée et des risques que certaines pratiques représentent. Chaque compagnie, ce qui représente entre quinze et vingt homme, dispose d'un commandant, un commandant en second, un officier de liaison, généralement télépathe et un mage de soin. Ceci permet une communication rapide et surtout de la coordination entre les différentes unités. Mais la télépathie est dangereuse, car face à des démons, nous devons partir du principe que nous allons discuter à canal ouvert. Autrement dit, ils liront à livre ouvert tous nos échanges. C'est pourquoi l'Etat-Major dispose rien qu'à lui seul d'une unité de liaison d'une cinquantaine de soldats dont le rôle est de transmettre les ordres ou d'assurer des commandements ponctuels. Quant au dernier système... les relais de communications magiques qui mis en oeuvre souffre d'instabilité. C'est le fort de ce genre de méthode. De surcroît, leur nombre est trop limité pour constituer un moyen de communication à part entière et ils souffriraient des mêmes maux que la communication télépathique. Il reste enfin les sémaphores des petits fortins de la vallée. Ils sont surtout placé dans les cols d’accès à la vallée et sont en permanence occupé. Les codes utilisés sont opérationnels."

Je finissais mon verre à ces mots. Il fallait être sot pour ne pas avoir envisagé toutes les situations possibles. En l'état, ne pas partir du principe que tout emploie de la magie allait se retourner contre nous serait la pire des erreurs. En réalité, plus nous allions dépendre de la magie, plus nous allions nous rendre vulnérable. A l'inverse, plus nous parviendrons à réduire la magie, plus nous parviendrons à obtenir un avantage, notamment sur les démons. Paradoxalement, ce serait le fait de ne pas employer le magie, dans la défense d'une cité mage, qui pourrait nous offrir la victoire.

Je revenais à la Reine en prenant un autre verre.

"La force brute peut être contrée plus facilement que lorsqu'elle est couplée à de la magie. La lutte entre l'homme, et les elfes avant nous, contre d'immense bêtes le montre. Il s'agit d'amener le combat où on le souhaite, de le fatiguer, l'épuiser, le blesser jusqu'à ce qu'il soit trop faible pour pouvoir parer le coup final. Dès lors, l'important sera de forcer ces démons à quitter la protection de leurs troupes pour les piéger dans des cercles anti-magiques établis à l'avance. Or, il y en a déjà un et vous y êtes. Trouver d'autres emplacement est envisageable, mais les réserves de magie dont je dispose sont limitées. Quant à votre pensée sur le fait de couper la tête, à mon sens cela pourrait avoir un effet plus terrible que celui que l'on souhaite. En conservant la tête, nous évitons que l'effort ennemi ne se disperse et du fait des divergences entre les démons, que certains n'aillent ravager la Vallée d'Helmancourt. S'ils commencent à se diviser, la Grande Armée,du fait de son infériorité numérique, devra choisir ses cibles et négligera de fait toutes les parties d'Helmancourt que je jugerais moins utiles de défendre. Notamment les fermes ou hameaux. A l'inverse, en attaquant la chaîne de commandement par en bas, nous réduisons les facteurs divergents un à un et la masse de nos ennemis, le nombre de commandant se réduisant, sera de plus en plus tournée vers un objectif. D'une part, nous pourrons alors déterminer duquel il s'agit, ensuite, nous pourrons plus facilement lui imposer le combat."

Puis vint l'offre de la Reine. Un commandement combiné de la Garde Royale ? N'avait-elle donc pas peur à ce point que je puisse saisir cette opportunité pour reproduire avec elle ce que j'avais fais avec Astoria ? Ou se disait-elle que je tenais trop à cette guerre pour envisager de trahir maintenant ? Même si je n'avais pas l'intention de trahir la Reine. Comme je n'avais jamais eu l'intention de trahir Drake. Je n'avais aucune raison de l'envisager. Toutefois, si nous parvenions à gagner la guerre, oui, là, en fonction de ce qu'elle offrirait, je serai obligée de choisir un camps. Toutefois, mon travail actuel avait bien pour ambition le fait que je doive pas conspirer pour obtenir ce que je voulais.

"Sur le protectorat, je crains qu'il ne puisse quitter l'enceinte de la cité. J'ai pu discuter avec le capitaine Elecia, quelque chose comme cela il me semble de cela et lui ait enjoint à préparer ses hommes à tenir un siège. Les effectifs du protectorat étant réduit et ne pouvant obtenir l'aide de la Grande Armée, le priver de son élite viendrait à affaiblir la défense des remparts le moment venu. Quant à la Garde Royale... vous voulez avoir un commandement combiné ? Si cela aurait, au moins, l'avantage de constituer un corps de liaison entre vous et moi, cela poserait un seul soucis : la Garde Royale s'est considérablement dégradée en terme de discipline, d'ordre et de puissance propre et un officier de mes rangs pour en reprendre le commandement impliquerait une remise au pas très importante ce qui nécessiterait des semaines et je ne pense pas que l'on ait ce luxe. Donc il est probable, si vous voulez que je participe via un de mes officiers à ce commandement, que celui-ci ordonne de faire verser dans le protectorat les éléments les moins utiles ou les moins viables."

La Garde Royale avait toujours été un corps d'élite. Mes prédécesseurs à sa tête, tout comme moi, avaient entretenu cette réalité. Toutefois, la situation avec Drake avaient bousculé l'ordre établi et la Garde Royale historique était devenue la Grande Armée. Elle en avait repris les traditions et la hiérarchie après tout. Maintenant, en me demandant d'envoyer un de mes officiers, la Reine voulait augmenter la coordination entre nos corps. Il y avait un autre moyen d'augmenter cette coordination en prenant en compte la proposition de Marinn De Rayem et placé l'Etat-Major en haut de la tour de l'Académie. Là, à une telle hauteur et en plus dans la cité, je pourrais très bien coordonner aussi bien les effectifs de Targatt que ceux à l'extérieur de la cité. Mais cela impliquait quelque chose qui allait certainement faire grincer des dents tout le monde.

"Il m'a été offert la possibilité de placer au sommet de l'Académie des observateurs. Mais pas d'y placer l'intégralité de l'Etat-Major de la Grande Armée. Votre Majesté, si vous tenez à ce que la coordination entre les différentes forces de Targatt soit renforcée, alors il me faudrait votre soutient pour que l'Etat-Major prenne temporairement ses quartiers dans l'Académie -même si cela impliquerait de mettre en danger la population estudiantine-. Mais aussi qu'une forme de commandement semblable à celle que vous proposer pour la Garde Royale s'étende au Protectorat. Enfin, il y a tous les irréguliers se trouvant dans Targatt : les milices, les paladins et autre. Sans votre aide pour qu'ils acceptent de collaborer avec moi, la collaboration ne touchera pas plus qu'une centaine d'hommes.

La reine s'était trompée, Schlacht parlait bien d'Alrost... Lùthien n'avait pas été mécontente d'apprendre que Drake avait été stoppé, mais elle devait avouer qu'elle n'avait pas songé que le régicide avait eu de telles conséquences stratégiques. Le demi-diable n'y avait peut-être pas vraiment réfléchi non plus. C'était peut-être une grosse erreur. Mais il était trop tard pour revenir dessus, aussi la reine ne fit-elle aucun commentaire et se contenta d'écouter la suite.

Elle n'était pas mécontente de voir que la maréchal était compétente et avait déjà prévu les systèmes de communication nécessaires. Lùthien voulait s'assurer que tout était sous contrôle. Après tout, Schlacht devait être compétente si autant de généraux la suivaient, mais elle était depuis le début réticente à présenter l'ensemble de l'organisation et de la stratégie de la grande armée, et la reine voulait connaître toutes les informations pertinentes.

- Merci pour ces précisions sur votre système de communication Maréchal. Je sais que j'enfonce beaucoup de portes ouvertes mais si vous m'aviez présenté en détail votre organisation dès le début, je n'aurais pas besoin de vérifier que vous avez fait le nécessaire...

Lùthien écouta la suite des avis stratégiques du maréchal. Elle avait du mal à imaginer un combat reposant sur l'absence de magie... et avait des doutes sur la pertinence de la manœuvre. Cependant elle n'était pas non plus convaincue que sa propre idée était la meilleure.

- Votre approche est également pertinente... Mais rien ne nous dit qu'ils n'arriveront pas déjà en ordre dispersés... en fait nous ne savons même pas s'il y aura une bataille rangée. Pourquoi n'ont-ils pas encore attaqué alors que l'interrègne aurait été le moment idéal ? Peut-être qu'ils essayerons d'infiltrer la cité à la place... enfin, ce problème là est celui du protectorat. Je devrais peut-être en effet préserver leurs effectifs. Mais cela ne coûte pas grand chose de préparer une unité qui sera prête à être mobilisée en cas de manque critique de puissance magique de votre côté. Comme vous l'avez dit, il faudra être prêtes à adapter notre stratégie. Si je vous parle d'attaquer leurs sorciers en premier c'est parce que j'ai déjà vu les ravages que la magie pouvait faire sur un champs de bataille... Les télékinésistes qui arrachent les yeux des archers, les élémentaires qui ouvrent des crevasses sous la charge des cavaliers, les soldats qui se retournent contre leurs frères et sœurs sous la pression des dominations de masse... Vous connaissez vos soldats et vous connaissez le terrain, je vous laisserais la latitude nécessaire pour gérer la bataille, mais réfléchissez bien, je ne souhaite à aucun de vos soldats de vivre ce genre de choses...

Les arguments du maréchal sur la garde royale agaça légèrement la reine. Elle avait formulé une demande à Schlacht par courtoisie, mais elle était la reine, qu'est-ce qui l'empêchait de nommer l'officier de son choix comme capitaine ? Certes, l'armée était fidèle à Schlacht et cela donnait à cette femme une puissance considérable. Mais renâcler pour mettre un officier compétent au service de la protection du palais n'était pas un signe de bonne volonté envers la nouvelle souveraine. Lùthien reprit d'un ton légèrement plus assertif.

- Je sais très bien que la garde royale est en miettes... Et si jamais cela vous importe, je vous signale que c'est elle qui est censée assurer ma sécurité au milieu de cette guerre. Je n'ai peut-être pas été assez claire, je veux un officier qui sera sous mes ordres directs. Le commandant actuel est celui qui a laissé feu Drake Leckard être assassiné, et je crains qu'il n'ait de toute façon pas la trempe d'un capitaine. Peu importe que le nouveau commandant n'ait pas le temps de mettre tout le monde au diapason, ce sera toujours mieux que rien.  Et il est hors de question que le protectorat hérite des déchets de la garde royale. Si le commandant n'en veut pas, vous n'avez qu'à les envoyer en première ligne si cela vous chante mais il faudra les remplacer. Je n'ai déjà plus qu'une centaine de lames au palais, je ne peux pas faire moins.

Voilà ensuite que sous prétexte de coordination entre les forces armée, Schlacht commençait à s'imaginer diriger l'ensemble des forces de Targatt ! Lùthien la fixa un moment. Elle savait que si elle ne s'affirmait pas maintenant en tant que reine, elle ne parviendrait pas à établir sa légitimité plus tard.

- La coordination entre les forces de Targatt c'est moi, Maréchal. J'ai choisi de ne pas nommer de connétable, en conséquence je suis la dirigeante directe de l'ensemble des corps militaires de la cité. Je ne vois pas pourquoi l'état major devrait s'établir à l'académie... Je devrais rester près du trône, et mon état-major devrait s'établir au palais... un état major intégrant autant vos officiers que les capitaines de la garde et du protectorat. Par ailleurs, les paladins devraient me suivre sans trop de difficultés, je compte réquisitionner les milices si la situation devient critique... et en dernier recours mobiliser les civils en état de se battre. Une réunion aura lieu demain après midi pour fixer le plan de défense de la cité elle-même, vous y êtes conviée, ou bien à défaut l'un de vos représentants.



Cette fois c'était peut-être au tour de Schlacht d'enfoncer des portes ouvertes, Lùthien avait elle déjà commencé à prendre des mesures pour rallier l'ensemble des forces de Targatt à la défense de la cité.

"Votre Majesté, j'ai affronté un archimage du nom de Drake et une partie de mes hommes a comme tombeau la terre sous le Palais depuis. Je sais parfaitement que les mages ennemis, en tout cas ceux spécialisé dans des magies élémentaires et spirituelles sont un vrai fléau. C'est bien pour cela que chaque compagnie dispose d'au moins trois à quatre combattant mage dédié à leurs protection. Ces unités perdent évidemment en force d'attaque puisqu'elles alignent moins homme au combat, mais en faisant ainsi, j'augmente drastiquement leur durabilité au combat et donc leur défense. Surtout contre des forces magiques. Et l'avantage d'une telle dispersion, c'est que les mages peuvent d'adapter aux attaques qui visent l'unité et ne sont pas dépendant d'une défense très puissante d'une groupe de mage en retrait, mais pas forcément adaptée... ce qui ne m'empêche pas d'avoir presque quatre-vingt hommes spécialement dédié à cette défense de masse. Même si je ne peux pas entièrement me fier à l'efficacité de cette méthode, elle devrait pouvoir tenir le choc..."

La conversation se durcit sur la question de l'implication de l'un de mes officiers dans la Garde Royale, pour en assurer le commandement. Premier sujet de véritable tension entre la Reine et moi donc. C'était une lutte de fond, pas d'objectif. La Reine devait bien savoir que m'offrir le commandement de sa Garde Royale la mettait en porte à faux et la rendait vulnérable à une de mes machinations. Toutefois, sa réponse ferme et son souhait de faire de la Garde Royale une nouvelle force d'élite me convenait. Je me devais, naturellement de former une opposition afin de ne pas vouloir paraître envahissante, de montrer que la demande n'émanait pas de moi, mais de la Reine elle-même. Avec autant de verves en face de moi, je pouvais lui envoyer un de mes officiers et une sous-officier pour assurer ce commandement sans risquer de voir ma réputation entachée.

"Très bien Votre Majesté, très bien. Mais vous noterait que j'ai formulé une opposition quant à cette domination de ma part sur les corps d'armée les plus important de cette cité et que si j'ai une influence sur votre Garde Royale, ce sera de votre fait. J'ose espérer que vous le rappellerait à ceux s'opposant à ma personne sur ce point... enfin, je vous enverrai le major Grégoire Kirill, un commandant d'une des brigades de réserve de la Vieille Garde et l'aide de camps du général Leroy, commandant de la Vieille Garde, le capitaine Constantza Von Schlacht, ma nièce afin d'assurer la liaison entre moi et votre Garde."

Je regardais un instant la Reine après lui avoir indiqué que je plaçais ma nièce auprès d'elle.

"En Germanie, mettre l'héritier de son titre aussi prêt de son souverain est une preuve de loyauté et ceci est un moyen de pression pour vous sur moi. En l'état, je ne peux pas me permettre de risquer la vie de ma nièce dans la plaine car elle devrait hériter de mon titre si moi-même et mon cousin venaient à décéder. Je la laisse donc à vos bon soin jusqu'au terme du conflit qui, je l'espère, se soldera pas notre victoire."

Vint le deuxième sujet de tension : le commandant combiné des forces de Targatt. Nous allions devoir montrer toutes les deux les griffes au vu de l'importance de cette fonction et la Reine ne manqua pas de rayonner par sa férocité sur la question. Ce furent deux non catégoriques.

"Me placer sous votre commandement direct ? Et risquer de voir chacune de mes décisions ralenties, court-circuitées ou tout simplement contestées car elles ne vous conviennent pas ? Si nous menions une campagne j'aurai accepté de former un Conseil de Guerre que vous dirigeriez naturellement. Mais c'est une bataille que nous allons mener. Dès lors, chaque instant compte. L'avantage de la tour de l'Académie et le fait qu'elle surplombe toute la Vallée d'Helmancourt et permettrait à l'Etat-Major d'avoir une vue d'ensemble rapidement. Si nous sommes enfermés avec vous, autant dire que vous me bandez les yeux. Je préfère encore avoir une vue d'ensemble de la moitié de la plaine plutôt que de ne rien voir et en plus de cela, risquer la crise gouvernementale à cause d'un désaccord avec vous ! Ou pire, avec ces incompétents du Protectorat ! Avec l'arrivée 'un de mes officiers dans votre Garde, je ne m'inquiète pas. Mais le Protectorat ? Le capitaine Elecia se targue de l'avoir remis sur pied alors que son expérience est limitée et le Protectorat n'a jamais été en si mauvais état. Vous voulez que je commande mon armée et que je supporte les commentaires d'une jeune fille dont l'expérience est aussi importante que sa connaissance de l'art de la Guerre ? Votre Majesté, je suis prête à accepter bien des choses pour assurer la victoire à Targatt, mais certainement pas de devoir recevoir des conseils de personnes dont les connaissance de la guerre relève du romanesque et des livres !

Quant à la réunion que vous proposez, je ferai en sorte de me rendre présente, si les mouvements de l'ennemi me le permette.