"UN SERVICE POUR UNE AMIE..." - EPILOGUE - [CAIN LECKARD]

Voilà plus d'un an et demi que Cain Leckard, héritier présomptif de Drake Leckard, ancien prince de Targatt et protégé de la Vice-Reine Wilhelmine Von Schlacht s'était vu imposé l'exil. Un exil imposé par celle qui l'avait recueilli. Mais elle ne l'avait pas laissé oisif là où elle l'avait envoyé. Non, elle l'avait envoyé d'abord pour qu'elle lui rende un service. Ensuite, elle l'avait écarté de Targatt, de sa vie politique et de ses intrigues pour qu'il disparaisse des esprits pour mieux revenir lorsqu'il aurait achevé sa petite quête.

Et revenir, Cain Leckard était en train de le faire. Après un an au service du Conclave des Mages de Germanika, l'entité politique et militaire supervisant la vie magique dans les plaines de Germanika l'avait, à sa demande, relevé de ses fonctions. Mais pour ses bons services au profit de la communauté magique de Germanika, non sans quelques accros auxquels le pyromancien était habitué, les membres du Conclave l'ont, comme il l'indique dans leur jargon, versé dans leur réserve d'active. Autrement dit, si Cain était désormais libéré de ses obligations d'agent envers le Conclave, ce dernier, si la situation l'exigeait, pouvait réclamer l'intervention du jeune mage, notamment dans les régions proches du Royaume de Targatt, soit la Principauté de Lobming et le Wurtemburg tout proche.

Heureusement, ou en tout cas cela semblait plaire au jeune mage, la drow qui l'avait accompagné pendant tout son exil, Falenrith, avait bénéficié du même sort et alors que l'imposant navire de guerre de la couronne d'Hochseegrad entrait dans la rade de Melghir, elle avait rejoint Cain sur la pont.


Les tensions diplomatiques entre les royaumes de Germanika et Hésandre avaient rendu la traversée du Rheinen dangereuse, encore plus pour un mage et une non-humaine. La monarchie d'Hochseegrad, aussi bien pour faire un coup de force que pour accommoder le Conclave, avait donc accepté de faire voyager jusqu'à Melghir ces deux anciens agents sur l'un de leur imposant navire de guerre. Naturellement, le détour n'était pas des moindres et il fallu au moins deux mois de voyage au couple d'agent pour rejoindre Melghir depuis la ville portuaire de Razengratz.

Mais dès que Cain pu enfin poser le pied sur les quais des arsenaux de Melghir, il pu se sentir de nouveaux proche de ce qui était "chez lui". Pendant son petit séjour à Melghir avant qu'il ne soit pousser à l'exil, il avait pu voir ces arsenaux en reconstruction -Wilhelmine Von Schlacht n'avait pas manqué de l'amener avec elle lors de ses supervisions des travaux-. La guerre contre les démons et surtout les opérations de purges avaient, à l'époque, détruit de nombreux bâtiments qui avaient été vidé de toute vie. Aujourd'hui, ils débordaient d'activité et même si quelques bâtiments restaient encore à reconstruire, tout ce quartier industriel démontrait la renaissance de la ville de Melghir sous l'administration de la protectrice de Cain.

Ce dernier n'eut toutefois pas l'occasion de se balader la ville à sa guise. Car dès qu'il eut poser les pieds sur le quai et pendant qu'il observait autours de lui, une calèche suivie de plusieurs cavalier en armure lourde noire vinrent à sa rencontre. La portière de la calèche s'ouvrit et tandis que s'écartait un rideaux décoré de l'hydre à trois têtes, la figure d'un homme dans ses quarante ans sortis. Il s'avança jusqu'à Cain et le salua à la Hésandrine. Bien trop d'ailleurs par rapport au rang qui était celui du jeune mage noir.

EMISSAIRE DE LA VICE-REINE : "Votre Excellence, Son Altesse Sérénissime a été informée de votre arrivée par le Conclave d'Hochseegrad. Elle m'a fait venir afin de vous escorter, vous, votre compagne et vos bagages jusqu'au Palais des Doges de Melghir."

Tandis que l'homme indiqué, toujours légèrement penché en avant la calèche, une petite troupe de domestique descendit d'une charrette pour prendre les éventuels bagages de Cain et Falenrith. Après un an dans une ville étrangère, le jeune Cain pouvait avoir acheté quelques petites choses avec sa solde et avait peut-être voulu les rapatrier avec lui en territoire ami.

Toutefois, l'Emissaire de la Vice-Reine se montra particulièrement insistant envers Cain et Falenrith pour qu'ils montent avec lui dans la calèche plutôt qu'emprunter un quelconque autre moyen pour rejoindre le Palais de la Vice-Reine. Même si la Vice-Royauté était tenue par Wilhelmine et elle-seule, elle devait très certainement craindre que la nouvelle du retour de Cain Leckard dans le Royaume de Targatt ne s'ébruite trop vite et de façon incontrôlée.

Mais ceci ne pouvait être que des suppositions. Car pendant tout le trajet, l'Emissaire fut particulièrement silencieux. Il ne répondait guère aux questions et bien souvent, se contentait d'un léger sourire pour couper court à toute volonté de faire la conversation. Celle-ci pouvait d'ailleurs être nourrie par tout ce que les deux jeunes gens voyaient pendant leur trajet escorté par les cavaliers noirs.

La ville avait été presqu'entièrement reconstruite et les imposantes murailles noircies par le temps et la corruption avaient laissé place à des trésor d'ingénierie militaire. A l'image de l'île de la cité d'Hochseegrad où se trouvait le Palais Royal et le Conclave, les murailles de l'île où se déployait Melghir étaient couvertes par quelques artifices les rendant peu menaçantes, mais les yeux habitués aux constructions militaires germaniks de Cain lui révélaient en réalité que la cité était prête à partir en guerre. Une sensation renforcée par la présence de nombreuses casernes dans les rues empruntées par la calèche et de plusieurs compagnies de mercenaires.

A Hochseegrad ou dans les villes d'importance où il s'était rendu au nom du Conclave pendant son exile, Cain avait pu apprendre que le fonctionnement même de la Vice-Royauté avait provoqué une multiplication des troupes de mercenaire en quête de gloire militaire qui pourrait leur assurer une position au sein du commandement de l'armée la plus destructrice du continent. Toutefois, l'ambiance générale n'était pas à la recherche d'une guerre étrangère dans laquelle servir pour revenir et présenter les preuves de gloire et d'honneur conquis en outre-mer. Non, l'ambiance de Melghir était partagée entre l'effervescence propre aux cité portuaire marchande et à la rigueur de tout un pays se préparant à la guerre.

Et cette réalité, Cain et Falenrith purent la constater plus encore quand la calèche passa le pont séparant la ville de la citadelle des ministères, là où était concentré tous les organes du pouvoir de la Vice-Royauté.



En effet, les ponts étaient encombrés par un va et vient incessant de charette transportant de nombreuses caisses frappées du symbole de l'Hydre à Trois têtes et dirigées par des soldats de la Grande Armée. En se concentrant, Cain pouvait constater que ces charretiers, bien que portant l'uniforme, étaient des non-mages.

Dans la citadelle des ministères, ce qui ressemblait à des anciens parcs avaient été entièrement réquisitionnés pour faire du stockage de matériel. Des schleudrinnes, des lances, des hallebardes, des caisses entières de fioles aux couleurs diverses, des arcs, des scorpions verticaux semblables à ceux que Cain avaient pu voir en Germanika. De toute évidence, le retour de Cain se faisait à l'aube d'une guerre que la Vice-Reine semblait préparer avec le plus grand des sérieux.

Sérieux qui devint plus important quand la calèche entra dans la Citadelle du Palais des Doges. Plusieurs pelotons étaient en train de subir une revue par le général Leroy, le numéro deux du régime de Wilhelmine Von Schlacht et gouverneur d'Arakis. Cain l'avait déjà rencontré avant son exil. Mais la calèche continua pour s'arrêter dans une autre cour, plus reculée et au calme. Là, le chant des oiseaux et le bruit du vent dans les arbres fruitiers avaient pris le pas sur la symphonie des bottes marchant au pas et des armes s'entrechoquant.

Un domestique vint ouvrir la porte de la calèche de laquelle l'Emissaire descendit en premier avant d'inviter Cain et Falenrith à en faire de même. Puis, il invita les deux aventuriers à le suivre dans le Palais des Doges. Celui-ci avait retrouvé sa pleine splendeur. Les murs étaient de nouveaux couleurs marbres blanc ou rose. Les boiseries avaient été refaites et Cain ne sentait plus une seule trace d'énergie négative dans les environs du Palais. Pas d'énergie positive non-plus. Seule l'énergie de la création et l'énergie neutre étaient présente. Cette dernière l'était davantage dans la direction générale dans laquelle ils se dirigeait. Et il était de notoriété publique de Wilhelmine maîtrisait la magie neutre.

Sur la trajet, Cain croisa plusieurs tapisseries reprenant la bataille d'Helmancourt et la prise d'Arakis et de Melghir, naturellement, sa protectrice était toujours au centre des scènes. La tapisserie représentant la victoire dans la vallée provoqua néanmoins un léger pincement au cœur chez Cain. Certainement parce que dans celle-ci, la Vice-Reine brandissait héroïquement la tête d'un des démons qu'elle venait d'achever.

Toutefois, le jeune mage devrait reporter ses analyses artistiques à plus tard. L'Emissaire le pressant de le suivre jusqu'à la salle où Cain, un an et demi plus tôt, fut appelé avant d'être forcé à l'exil. Les gardes à l'entrée ouvrirent à Cain. Ce dernier put noter qu'en plus de leur uniforme de la grande armée, les quatre gardes portaient un brassard noir autours de leur bras droit.

Dès que l'Emissaire, Cain et Falenrith furent entrée dans la salle, les gardes fermèrent les portes derrière eux et Cain put découvrir toute l'étendue du pouvoir que Wilhelmine Von Schlacht avait accumulé pendant que lui était en exil. Le plafond, dont la mosaïque à son départ était fracturée et noircie par la corruption, arborait maintenant l'image des divins restaurées d'or, d'argent, de jade et de nombreuses autres pierres précieuses côtoyant la céramique et le marbre. Tous les vitraux avaient été refait, laissant une lumière colorée inondée la pièce et donnant au lieu une aura de cathédrale. Les imposantes statues à l'image des grands héros de la mythologie humaine et germanik venait renforcé cette impression. Au fond de cette chapelle dédiée à la toute puissance de la maîtresse des lieus, se tenait une silhouette aux cheveux émeraude, le corps paré d'une armure et les bras croisés dans le dos.

EMISSAIRE DE LA VICE-REINE : "Votre Altesse Sérénissime, Son Excellence le Patriarche des Leckard est là."

Wilhelmine décroisa les bras et fit un signe bref de la main. L'Emissaire se pencha en avant avant de quitter le pièce et inviter, avec insistance Falenrith à en faire de même. Quand la porte se referma derrière eux, Wilhelmine se retourna et son visage d'abord sévère se fit éclaircir par un franc sourire.

WILHELMINE VON SCHLACHT : "Te revoilà ! Vient donc dans mes bras Cain, que je t'accueille comme il se doit !"

La Vice-Reine s'avança alors vers Cain et tendit les bras vers lui, dans un geste familier et presque maternel.

Un service pour une amie

Un service pour une amie

Un service pour une amie

WILHELMINE VON SCHLACHT : "Cain, Cain, Cain.... Quel dommage que ton aïeux ne t'ai pas appris cela. Mais qu'importe, la tâche m'incombe désormais."

Très naturellement, Wilhelmine resta à coté de Cain pour terminer son explication.

WILHELMINE VON SCHLACHT : "Si je te disais que tes accès de colère et de violence étaient des actes de dévotion à l'égard de Korda, le croirais-tu ? Si je te disais que la vengeance que tu veux abattre sur ceux qui t'on offensé est une prière à l'attention de Léhadin ? Penses-tu que le petit voyage en bateau que tu as fait depuis Razengratz est un acte de prière à l'attention de Qualdra ? Et tout ce secret que tu cherches à garder autour de toi, ta faiblesse face aux magie spirituelle, ton ancienne vie, tes souffrances, tes peurs, des amours, tes actes de courages et de faiblesse, penses-tu qu'il s'agisse d'une ode à Uetich ?

Je n'ai jamais eu une enfance terrible comme la tienne. Mal menée par les miens, humilier et traiter comme un animal. Mais je n'ai pas grandi dans des draps de soie et tout l'or du monde. A force de me battre pour obtenir ces artifices de la puissance et de la grandeur, j'ai de facto prié pour Léhadin. J'ai longtemps pensée, certainement comme toi, que le fait de vivre n'était pas lié au divin. Non, que nous étions libre de vivre sans donner à ceux qui ont donné naissance à ce monde. Et quand on se rend compte de cet état de fait, que chaque règlement que j'ai pu écrire pour créer une vrai armée de mage, que chaque entraînement que j'ai subi ou fait subir servait à créer l'armée parfaite, que chacune de mes actions étaient des batailles contre chacun des liens me retenant vers le sommet de la gloire, l'Eternité, alors on se rend compte que toute sa vie a été une guerre. Et Léhadin, mon cher Cain, est le dieu de la Guerre.

Cependant, pourquoi ? Pourquoi récompenser quelqu'un qui, comme bien d'autres, connaît une ascension et un don de soit immense ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi tout simplement ?... Je peux m'interroger encore de longues années. Gagnerais-je quelque chose à attendre ? A tergiverser ? Non. Je ne ferai que me détourner de ce que je fais de mieux. Et là, tu comprends que c'est pour cela qu'enfin, celui à qui tu as tant donner, finis par te donner quelque chose en retour. Est-ce par simple bonté ? est-ce avec une mauvaise intention ? Qui sais ? Mais la seule façon de le savoir est d'accepter ce cadeau mon cher Cain... Mais chaque chose en son temps." lança Wilhelmine von Schlacht pour entamer une autre conversation plus, terrestre.

Après quelques échanges, elle constata l'impatience de Cain face à l'idée de porter la terreur dans les cœurs des Hésandrais. Naturellement une telle constatation ne pu qu'enchanter la Vice-Reine qui finis par se déplacer sur le sol représentant l'Ouest du Monde Connu jusqu'à atteindre la côte occidentale d'Hésandre.

WILHELMINE VON SCHLACHT : "Allons Cain, laisse moi te présenter une autre possibilité. Valeur serait un puissant avertissement. Mais cela ne changerait pas l'équilibre des puissances entre Targatt et toutes les puissances étrangères qui lui sont hostiles : Hésandre, Imperii, Ultharn et les dieux ne savent combien de peuplade et groupes de l'Ouest du Monde Connu. Et si, tu devenais l'étincelle furieuse qui plongerait le continent en entier dans le conflit le plus terrible et meurtrier depuis la dernière guerre céleste ?...

La Sérénissime encadrait de ses pieds le dessin d'une couronne à l'embouchure d'un imposant fleuve sur la côte occidentale d'Hésandre.

WILHELMINE VON SCHLACHT : "Courage, la capitale du Royaume d'Hésandre, centre de son pouvoir politique, lieu où se tient le Conseil des Douze et surtout, lieu de résidence de Grégoire V, le roi actuel d'Hésandre... la garnison est à peu près la même que celle de Valeur. Elle est renforcée par quelques milices ce qui rajoute cinq-cent hommes tout au plus. Par contre, comme il s'agit du centre du pouvoir d'Hésandre, tous les ordres inquisitoriaux du royaume y ont leur chapelle, l'Ordalie y aura certainement un de ses repaires et surtout, il doit y avoir une forte concentration de Yamilos, les plus puissants et dociles formés par ces fous de Croyance et Cave.

Toutefois... si malgré toutes ces limites tu, peut-être en semant le désordre grâce à ta forme démoniaque et quelques artifices de l'équipe qui t'accompagnera, tuais le roi d'Hésandre, ce ne serait pas seulement une guerre entre mage et non-mage. Non, ce serait une guerre continentale."

La Vice-Reine remonta sur l'estrade à côté de Cain pour lui expliquer les raisons de son affirmation. La jeune femme était particulièrement excitée à mesure qu'elle expliquait les conséquences qu'une attaques réussie sur Courage aurait. Et l'excitation raisonnait en écho avec l'aura de la couronne se trouvant dans le coffret, pourtant à l'autre bout de la pièce.

WILHELMINE VON SCHLACHT : "Pour t'expliquer les raisons de cette tournure des évènements qui irait bien plus loin que le simple conflit mages contre non-mages, il faut remonter il y a quelques siècles. Hésandre à toujours voulu envahir Germanika et pour ce faire, Grégoire Ier envoie en 940 2A3E son frère Charles Versrouge dit d'Outremer, plus connu désormais sous le nom de Karl von Drakenrot, envahir par l'Aeltique Germanika. Karl y parvient, mais refuse de prêter allégeance à son frère aîné Grégoire Ier et fonde Hochseegrad. Ainsi, la lignée des Versrouges s'est poursuivie à l'Ouest et à l'Est du Rheinen.

Or, Grégoire V n'a pas de descendance. Son épouse, une Versdragon, a bien quelques bâtards que le roi à bien tenté de faire légitimer par le Conseil des Douze, mais sans succès. Ainsi, quand Grégoire V, déjà âgé donc désormais incapable d'avoir une descendance, mourra, c'est le lointain descendant de Karl von Drakenrot, qui succédera au Trône d'Hésandre. Et ce lointain descendant est la fille du Kaiser Freidrich von Drakenrot : Ljudmilla. Cependant, le Kaiser Freidrich est lui aussi âgé et quand il mourra, son royaume et son droit de domination des Germaniks reviendra aussi à Ljudmilla. Ainsi plane le risque d'une union personnelle dominée par les Germaniks sur Hésandre et cela, ni le Conseil des Douze, ni la population hésandrine ne l'acceptera, plongeant le continent dans une guerre de succession pour le trône d'Hésandre. "

Wilhelmine ne s'attarda pas plus longtemps sur les explications et après avoir donné une tape dans le dos de Cain, marcha d'un pas enjoué vers le milieu de la pièce.

WILHELMINE VON SCHLACHT : "Alors Cain, accepterais-tu de m'aider à embraser le monde et de cette guerre parvenir à l'essor réel de notre race, celle des mages tandis que j'obtiendrai l'Eternité et toi, l'aura de terreur que tu cherches tant aussi bien pour mettre à genoux tes rivaux que pour impressionner la vermine des Enfers ?"

Un service pour une amie