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Introspection [Plan de Luthien] (TERMINÉ)

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Cain Leckard

Feuille de personnage
Puissance Personnelle Brute (potentiel):
Introspection [Plan de Luthien] (TERMINÉ) 48fs165/500Introspection [Plan de Luthien] (TERMINÉ) Empty_bar_bleue  (165/500)
Type d'énergie canalisée: Négatives (profane + divine)
Cain Leckard
Cain Leckard
Fugitif - Mage 2e ordre
Lun 4 Nov - 11:55
Age du personnage : 21
Race : Semi-démon
Pouvoirs : Pyrokinésie, Aura de terreur, Drains, Canalisation infernale, Asservissement de zone, Seconde peau, Soleil, Laser.
Puissance moyenne : 165
Couronnement + 11j jusqu'à évent +1j (durée totale 5.5j)

Quatre jours. Ça pouvait paraitre n’être rien. Si peu. Et pourtant le temps lui paraissait si long. Depuis quatre jours, Cain avait été envoyé dans un autre plan, et les trois derniers étaient ponctués d’importants maux de tête qui arrivaient par vague et dont il refusait de s’occuper. Il mettait cela sur ses préoccupations actuelles.... Loin de Targatt, loin des « siens », sans savoir si par cette formule il désignait les Leckard ou les démons qui attaquaient la cité. Sous le double prétexte de le mettre en sécurité et d’éviter qu’il ne devienne un danger potentiel, on l’avait éloigné. Sa protection… Pour éviter que Brann ne lui remette la main dessus principalement. Il faut dire qu’il n’y était pas allé de main morte avec lui. Bien que fragilisé de longue date, son cousin avait tout de même bien failli le briser totalement. Au moins où Cain avait réellement considéré l’idée d’obéir sagement pour lui éviter d’autres sévisses. Heureusement… On l’avait aidé à se reprendre et y voir de nouveau clair.

Il ignorait en réalité qui était cette Morphée qui s’était présentée à lui via un rêve. Tout ce qu’il savait c’est que l’entité d’alors lui avait parlé plus crument et plus justement que tous les autres ou presque. Cain avait eu du mal à accepter certaines vérités à son sujet. Mais il s’y était efforcé pour la simple et bonne raison qu’il était persuadé que c’était là le seul chemin qui lui permettrait à terme de vivre pour lui-même sans être l’esclave de quiconque. Pas même de sa nature démoniaque.

Cain n’avait toutefois pas eu ni le temps ni le loisir d’y réfléchir davantage à son réveil car il avait eu une rapide entrevue avec Luna puis la Reine avait tenu à avoir un « entretien » avec lui… et la garde qu’elle avait amené avec elle. Inutile de dire que le jeune homme avait suivi les conseils de son oncle pour le coup et qu’il avait coopéré. Il était même parvenu à mettre Brann en porte-à-faux.

Puis, sans d’autres formes de cérémonie, on l’avait envoyé ici, dans ce plan où il avait l’impression de croupir depuis des semaines bien que ça ne fasse que quatre malheureux jours. Jours pendant lesquels il avait tout fait pour se tenir occupé, pour découvrir les environs, pour tester diverses méthodes pour essayer de faire sauter le rada’an… en vain. Il faut dire que l’affaiblissement physique qu’ils avaient ajouté à la suppression de toute magie l’empêchait de faire beaucoup de choses au final, y compris d’arracher le collier en se transformant. En tout cas, il s’était même intéressé à Kyukon.
Sa compagnie s’était révélée plus agréable que prévue et surtout plus utile sinon il y a de fortes chances que le jeune homme aurait fini par être avalé par un des nombreux yokaï qui peuplaient la région. En plus il fallait chasser sa propre nourriture et faire son propre feu, à l’ancienne en fait ! Autant de choses que le renard tenta de lui enseigner durant les premiers jours de sa « captivité ».

Quelle idée de choisir un tel lieu comme domaine de vacances et de repos… L’elfe avait décidément des pratiques étranges. Mais au-delà des monstres, le cadre restait attractif. A part le froid.

Privé de magie, Cain avait l’impression qu’il lui manquait une partie de lui et plus encore, il avait toujours plus ou moins froid. Même si son corps n’était pas totalement glacé grâce au feu du renard, il avait froid « à l’intérieur » et ça lui laissait une impression des plus désagréables. Mais comme pour toute chose, on finissait par s’y faire.

Bien que le rada’an continue de le blesser quand il dormait, l’irritation et la blessure légère qui s’ensuivait étaient supportables. En vérité ce n’était pas grand-chose en comparaison de ce qu’on lui avait déjà fait subir.

Mais, résigné et en panne d’occupations, il avait finalement laissé ses pensées le rattraper. Assis au bord du lac, les yeux perdus dans le vague, il regardait le paysage sans voir sa beauté, déjà perdu dans ses pensées.

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Comme le lui avait suggéré à bon escient Morphée, il était temps qu’il cesse de fuir et regarde la vérité en face. Il était temps qu’il prenne le temps de réfléchir sérieusement à son avenir, à ses aspirations et aux moyens d’y parvenir.

Cain n’avait jamais vraiment fait d’introspections auparavant ni même vraiment pris le temps de réfléchir plus loin que le bout de son nez. D’habitude la colère le rattrapait bien avant que ses pensées ne s'approfondissent, ou c'était Drake qui lui confiait toujours une tâche fatigante à ce moment-là. Durant la grande majorité de sa vie il s’était davantage écroulé de fatigue et de sommeil qu’autre chose. Et les rares fois où il avait eu droit à quelques pensées pour lui seul, c’était son animosité qui les avait forgés, métamorphosé en autre chose de bien moins pertinent. Tant et si bien qu’aujourd’hui il se rendait compte qu’il n’avait jamais vécu qu’au travers des besoins des autres à son sujet, ou de leurs aspirations pour lui. Principalement dans leur opposition quasi systématique mais là encore en perdant de vue l’essentiel qui n’était pas de dire « non » mais bel et bien d’agir de sorte à ce que de telles situations ne puissent plus se reproduire.

Cain s’était alors persuadé que c’était ce qu’il faisait à l’époque et durant toute sa vie sans même se rendre compte que ce faisant, il perdurait le cercle vicieux dans lequel Drake et le reste de sa famille l’avait emprisonné. Et pas seulement eux… On lui avait fait payé de porter ce nom bien avant qu’il ait pu commettre le moindre larcin, la moins bévue. Une injustice de plus.
Il se crispa alors que l’agacement pointait de nouveau son nez et se força à le mettre dans un coin de son esprit pour ne pas perdre sa vision, sa réflexion en cours. Il n’avait pas besoin de prendre à cœur les injustices dont il avait été victime. Le monde n’avait rien de juste, la vie même ne l’était pas même dans sa forme la plus pure. Elle n’était que survie et prédation. La vie « sociale » des êtres « intelligents » avait simplement déformé cela pour créer davantage de sous-classes de ce genre… La politique, les classes sociales, l’argent… Autant de moyens de prédation différents.

Le jeune homme refusait de se préoccuper de politique. D’une part ça ne l’avait jamais vraiment intéressé. Et d’autre part, gouverner des êtres aussi… hypocrites, contrefaits et d’une manière, aussi stupides, ne l’intéressait pas. Il préférait de loin les voir suivre la mauvaise personne et les regarder succomber à leur propre déchéance, s’étouffer avec leurs propres désirs.

Lui de son côté devait simplement faire le point et se concentrer sur ce qu’il désirait. La question de Morphée avait été simple : esclavage ou liberté. Il avait choisi la liberté. Encore fallait-il qu’il sache ce dont il s’agissait puisque comme le lui avait dit l’entité de son rêve, il ne l’avait jamais connue…

Fugacement, la sensation qu’elle lui avait montrée lui revint. Il ferma quelques instants les yeux, comme pour savourer le souvenir un peu plus longtemps dans l’espoir de le rendre réel. Dans son esprit, la liberté était bien plus que la simple opposition à toute forme de dépendance envers un autre être, elle était davantage que la simple opposition à la notion de captivité, de servitude, d’emprisonnement. C’était forcément plus que cela. Une forme pure et exaltante. Un état où tout était possible, et où la liberté n’était pas la simple résultante du libre arbitre. Cain percevait ce mot comme une forme de rédemption, sans que la Bien ou le Mal n’entre en ligne de compte. Un état où aucune détermination n’entrait plus en ligne de compte si ce n’était notre volonté pure, propre, sans les idées parasites sociétales, sans considération pour quoi que ce soit d’autre que nous-mêmes. Certains diront que c’est sans doute un état égoïste et il serait sans doute hypocrite de rejeter cet état de fait. Mais Cain était profondément égoïste, ça ne lui posait donc aucun problème et bien au contraire, il trouvait utile de s’accepter tel qu’il était car ce trait de personnalité faisait partie intégrante de lui. Et contrairement aux paladins et aux autres bien-pensants, Cain n’avait rien d’un hypocrite et refusait de se cacher derrière un dogme quel qu’il soit.

D’aucuns prétendraient à ce sujet que Cain n’avait simplement pas la foi. Ce qui n’était pas totalement faux au sens où il refusait d’intégrer un ordre. Qu’il soit théologique, dogmatique, politique ou… familial. D’autres pourraient opposer que tout le monde a foi en quelque chose, même si parfois ça ne se résumait qu’à avoir foi en nous-mêmes, en nos propres choix, en notre force, ou notre intelligence. Cain ne faisait pas non plus parti de ceux-là.

Revenant à l’essentiel, il prit une longue inspiration et essuya son front, en légère sudation bien qu’il en ignore la cause.

Il connaissait ses forces et ses faiblesses et savait pour l’avoir constaté que la foi était le premier pas vers la perdition. En se reposant sur rien de concret, si ce n’était sur un espoir, on se déchargeait de toute responsabilité. C’était l’erreur qu’il avait lui-même commise de nombreuses années durant en ayant « foi » en sa mère, en sa promesse. Ce faisant, il avait reporté sur elle et sur Drake ses échecs à regagner sa liberté plutôt que d’en tirer les conclusions qui s’imposaient. Il s’enorgueillissait alors de sa « grande volonté », de sa « faculté à résister » et Drake abondait dans son sens. Au final ce n’était pas plus étonnant que cela puisque ce faisant, il le maintenait dans l’illusion qu’il ne pouvait rien faire de concret tout seul.

Au final, il s’était complu dans sa situation et en ne cherchant pas sa liberté de la manière adéquate, il n’avait fait que précipiter son asservissement. Il passait autant par les multiples remaniements mentaux que Drake lui avait fait subir que par les séances de tortures qui avaient petit à petit émaillé sa volonté, craquelé sa résolution de ne jamais céder. Se battre dans le vide et pour rien bien souvent ne l’avait conduit qu’à épuiser ses ressources, tant mentales que physiques. En fin de compte, il n’était guère étonnant qu’il manque de céder.

Il avait d’abord cru que sa faiblesse venait du fait qu’il n’avait plus rien à quoi se raccrocher. Ce n’était que maintenant qu’on lui avait mis la vérité en face qu’il commençait à comprendre que c’était en fait une force. Il s’était toujours évertué de rechercher des amis, une famille, il avait toujours essayé de faire partie de quelque chose de plus grand que lui. Là était sa faiblesse. Il s’était entiché d’Yseult, de Garreth comme de Sandra quelques années plus tôt. Il avait cherché une famille auprès de sa mère, puis avait commencé à le faire auprès de Drake l’année précédant sa mort et maintenant qu’il n’était plus, c’était au tour d’Alecto. En vérité c’était pitoyable et il s’étonnait de ne pas avoir vu tant de faiblesses chez lui auparavant.

Les yeux perdus dans le vague, rivés sur la petite étendue d’eau scintillante, le visage du jeune homme ne trahissait aucune émotion si ce n’était un profond vide tandis qu’il s’efforçait de faire face enfin à lui-même. Si son histoire était triste en un sens, c’était bel et bien parce qu’il l’avait construite ainsi. Il avait passé des années à s’apitoyer sur lui-même et à jeter son énergie dans le vent comme les cendres dans une tornade.

Il en attendait toujours trop des autres et s’était en fin de compte entièrement reposé sur Drake pour diriger sa vie bien qu’il n’ait pas raté un instant pour le lui reprocher. Au final, il n’avait rien accompli du tout et n’avait fait que toujours confirmer l’idée folle qui avait valu sa « création » : il n’était rien d’autre qu’une arme au service des autres.

Son pouls accéléra un peu et ses sourcils se froncèrent légèrement. De nouveau, il dut faire un effort conscient et appuyé pour ne pas laisser son tempérament reprendre le dessus, pour ne pas perdre de vue l’essentiel.

Le point crucial n’était pas qu’il leur ait donné raison toutes ces années, ni même qu’ils puissent penser une telle chose de lui. En soi peu importait ce qu’on pouvait penser de lui. Si auparavant il avait bel et bien prononcé de telles paroles, face à un interlocuteur quelconque ou à la faveur de la nuit, pour lui-même, pourtant, il avait toujours cherché l’approbation auprès d’autrui. Garreth notamment, même Yseult et Drake. Là encore il s’était totalement fourvoyé. Il avait effectivement un manque affectif, c’était un fait. Mais il ne devait pas pour autant diriger sa vie et conditionner la moindre de ses actions. Bien au contraire, ce n’était qu’en vivant pour lui-même qu’il arriverait peut-être à avoir un jour une relation stable. Non pas que ça soit ce qu’il recherche, ce serait incroyablement malvenu de sa part. Mais un jour qui savait… Pour l’instant, il devait se rendre à l’évidence : il était incapable de faire confiance à qui que ce soit. C’était la raison pour laquelle il avait rompu avec Yseult bien que ça lui fasse du mal et la vende au plus offrant, à savoir à Ahmès. Une décision peu louable sans doute, mais Cain refusait de continuer à jouer le jeu politique lus longtemps et tant qu’elle ne serait pas libre, ou ne voudrait pas l’être, il préférait la laisser refaire sa vie. Même Garreth avait pâti de son manque de confiance et bien que leur relation tienne plus ou moins le coup, du moins en partie, Cain dans le fond n’était pas certain de savoir si il devait considérer le lycan comme un ami ou un amant? Il n’était pas certain de ses propres sentiments à son égard non plus. Au contact de Drake, Garreth avait semble-t-il développé un gout pour la manipulation et le pouvoir. Du moins c’était ainsi que Cain l’avait perçu la dernière fois qu’ils s’étaient « vraiment » parlés… Ils s’éloignaient, prenaient des chemins différents malgré l'intérêt que lui portait toujours Garreth, et qui était réciproque semblait-il malgré tout. Une part du jeune Leckard le déplorait. Fut un temps, Garreth avait été son seul soutien, sa seule lumière et en un sens, c’était toujours bel et bien le cas. Bon il l’avait un peu mis en danger au passage, mais il avait été là quand personne d’autre ne le pouvait. Au-delà de ses seuls sentiments, le lycan commençait à employer les méthodes de son grand-père et l’humain se sentait obligé de prendre des distances, ne serait-ce que pour ne pas retomber dans un autre engrenage malheureux bien que son « cœur » semblait lui dire de rester à ses côtés et de le soutenir quoi qu’il arrive. Il avait perçu une forme d’ambition chez son lycan et il ignorait si son rôle était de le soutenir ou de l’en dissuader. Décidément, les relations sociales n’étaient pas son fort. Une fois de plus, il était partagé et cette fois-ci, il ne parvenait pas à démêler ce qu’il devrait faire de ce qu’il avait envie… Il verrait ça plus tard…

Sans qu’il ne s’en rende vraiment compte, sa vue avait commencé à se troubler et il éprouvait des difficultés à rester concentré. Une fois de plus, il essuya machinalement son front où quelques gouttes de sueur étaient apparues. Sa température corporelle avait commencé à monter mais pour le coup ça n’avait rien à voir avec sa pyrokinésie ou avec le rada’an. Malgré sa chaleur et le soleil blafard censé le réchauffer, il commençait à avoir des frissons.

Il mit cela sur le compte de son inactivité et se reconcentra sur ce qu’il jugeait essentiel… Retrouver un but, donner enfin un sens à sa vie. Il avait perdu tous ses repères et son esprit cherchait à combler ces vides pour restructurer son esprit pour ne pas perdre pied. Tout son univers était tombé en moins d’un an. Et toutes les illusions qui l’avaient nourri avec. Il avait beau faire ce qu’il fallait, au moins consciemment, pour faire le point, se choisir de nouveaux repères et avoir un « plan », une ligne directrice plus précise que la simple recherche de liberté… Son subconscient de son côté ne l’entendait pas de cette oreille et subissait une crise profonde, essayant de combler les trous, essayant d’arrêter de tomber, de se noyer. Il avait toujours été sur une fine planche au-dessus des eaux troubles mais avec tout ce qu’il s’était passé ces derniers mois, avec tous ses repères qui avaient volé en éclat, toutes ses croyances stupides qui l’avaient conditionné à rester dans le giron familial, c’était comme si on lui avait subitement retiré la planche en le laissant pieds et poings liés. Du moins, c’était de cette manière que son subconscient percevait la chose. Pris dans une tempête et en train de se noyer, il avait besoin de trouver une berge, quelque part. De reconstruire son univers et sa psyché avec. Les remaniements mentaux n’aidaient pas à gérer l’affaire si bien que le désordre mental du jeune homme s’était reporté sur son corps, provoquant sa fièvre notamment.

Pour autant Cain n’avait jamais prêté attention à son état physique. Pourquoi l’aurait-il fait puisque la plupart du temps ça n’aurait abouti qu’à rester au sol à gémir de douleur ? Il était habitué à sans cesse essayer de repousser ces limites, ou du moins, à ne pas tenir compte de l’inconfort physique propre à chaque être vivant lorsque ce dernier était blessé ou malade. D’ailleurs, Cain n’avait quasiment jamais été malade. Grièvement blessé oui, mais malade non. Sans doute grâce à Alecto d’ailleurs… Cependant, tout cela contribuait à ce qu’il ne se rende pas compte, ou refuse du moins, d’accorder de l’importance à son état. Tout son être conscient n’était focalisé que cette idée fixe de déterminer une suite pour lui. Et les questions à régler étaient nombreuses.

Est-ce qu’il avait envie de rester à Targatt ? Si non, où irait-il ? Est ce qu’il avait envie de rendre ailleurs ? Si il restait à Targatt, il ne s’agirait plus de simplement tenir à distance sa famille qui, clairement, ne le lâcherait pas comme ça.
Machinalement, sa main chercha la cicatrice laissée par la marque de domination. Oui. Il devait commencer par là… Trouver quelqu’un qui pourrait la supprimer sans que ça ne lui ajoute de chaines pour autant pour un tel « service ». L’idée de demander à Luna s’invita. Oui… Ca ne couterait rien de lui demander. Peut-être qu’elle pourrait aussi l’aider à finir le processus de reconstruction qu’il essayait d’entamer avec tout ça. Peut-être que ça finirait de briser ses conditionnements ?

Il résuma… Il rentrerait à Targatt ne serait-ce que pour se libérer du sceau de Brann. Avec l’aide de Luna ou avec quelqu’un d’autre. Ensuite, il devrait déterminer si il voulait rester dans cette cité ou pas.

Il avait bien envie de voir le monde. A ce qu’on disait, les voyages élargissaient l’esprit. Il faudrait juste qu’on lui ait retiré le rada’an d’ici là. Hors de question de conserver cette chose où il redeviendrait une cible des plus faciles pour les chasseurs de mages.
De toute façon, qu’il reste à Targatt ou pas, le rada’an devait lui être retiré. Sinon il ne pourrait jamais trouver sa propre voie non plus. Pour ça aussi… il avait une idée. Évidemment il laissait le bénéfice du doute à la Reine. Il espérait qu’elle serait assez… compréhensive pour l’en libérer. Toutefois, si jamais tel n’était pas le cas, il devrait peut-être aller voir cet Aldran que son grand-père tenait à l’œil. Ses capacités lui permettraient sans doute de pouvoir retirer cette chose sans risquer trop gros.

Résumons : retirer le rada’an, retirer le sceau de domination, renforcer son esprit… C’était un bon début mais d’autres questions se posaient. Restait-il pour achever ses études ? Il en était si proche. La réponse dépendrait sans doute de ce que la « justice » déciderait à propos de son émancipation. Il ignorait si Alecto avait fait le nécessaire pour faire la demande officielle. Ce n’était peut-être pas le bon moment avec les démons qui avaient déjà dû commencer leur attaque. Toutefois, Cain présenterait lui-même sa demande si besoin. Si ça lui était refusé, il partirait donc quelques années au moins pour mettre de la distance avec sa famille et leur retirer l’influence légale qu’ils avaient sur lui. Ça lui permettrait aussi de voir d’autres choses et pourquoi pas de se former à d’autres arts.

Si jamais son émancipation était acceptée, il aurait ainsi toute la latitude, au moins théorique, pour agir comme bon lui semblait sans que quiconque ait quoi que ce soit à dire. Il s’imaginait bien que certains Leckard ou de leurs proches tenteraient de l’intimider d’une manière ou d’une autre. Mais il réagirait comme tout bon citoyen. Il les enverrait se faire mettre et dans l’ombre, précipiterait leur chute. D’une manière ou d’une autre.

Finalement les interrogations qui demeuraient étaient relatives au chemin qu’il emprunterait et à quel point il était prêt à descendre profondément pour annihiler méthodiquement chacune des chaines qui l’entravaient. Sa vue s’obscurcit un instant alors que la réponse lui vint d’une voix tapie dans les pires recoins de son subconscient. Il ferait tout ce qui était nécessaire pour se préserver et récupérer la maîtrise de sa vie. Une autre voix s’inquiéta de savoir si ce faisant il n’allait pas devenir un monstre. « Et alors ? » L’interrogation n’était pas pertinente selon lui. A moins qu’au contraire elle soit primordiale. Si à la fin du voyage il se rendait compte qu’il s’était égaré et qu’il avait réduit à néant le type de vie qu’il avait souhaité, que ferait-il alors ? Mais encore fallait-il savoir quelle sorte de vie il entendait mener si il parvenait à être totalement libre. Non. Pas « si » il y parvenait. « Quant » il parviendrait à être totalement libre. Peut-être… qu’il chasserait les artéfacts. Ca ressemblait davantage au rêve d’un enfant qu’à un vrai futur mais il pensait qu’une telle vie pouvait éventuellement lui plaire. Loin des intrigues, loin de sa famille, allant où il le voulait quand il le voulait… Chercher à percer les secrets des morts pour en récolter les fruits. Et ça lui permettrait tout à la fois de s’entrainer et de gagner en maitrise et en puissance sans aucun doute ! On disait après tout que c’était un des métiers les plus dangereux. Et pour Cain, dangereux équivalait à être intéressant. Oui, ce métier avait décidément beaucoup de points positifs et d’attraits. Bon, il n’était pas le plus doué pour les recherches documentaires mais ça viendrait sans doute en faisant. Et en revanche, il avait un bon instinct, ça l’aiderait à compenser sans doute dans un premier temps…

Un infime sourire avait fleurit sur ses lèvres à cette idée tandis que son esprit se chargeait d’imaginer une crypte remplie de danger où l’attendait sagement un vieux grimoire ou un artéfact. Il appréciait cette image. Au fond, qu’est ce qui l’empêchait de simplement fuir la cité pour faire cela ? La réponse vint d’elle-même, dans toute son implacable logique. Tôt ou tard son passé le rattraperait. Tôt ou tard, ses pas le ramèneraient à Targatt et si tel devait être le cas, il ne voulait pas avoir à appréhender la chose, et encore moins de risquer de replonger dans un des cercles de domination dont il essayait de se tirer. Non… Il avait beau tourner ça dans tous les sens, si il voulait avoir accès à une liberté pleine et entière… Il devait être prêt à… beaucoup de choses, si ce n’était pas à tout.

La sensation que cette décision lui laissait était similaire à un saut sans garantie de maitrise de ses ailes. A la fois grisante pour ce qu’il était censé y avoir au bout et effrayant car rien ne garantissait de l’état dans lequel on allait ressortir de l’épreuve, si on en ressortait.
Pourtant, c’était le grand saut, ou accepter une pleine soumission à Brann. Non. Sa fierté eut un sursaut de dégout et de colère à l’idée de finir ainsi. Ca avait bien failli arriver pourtant. Derrière la colère, la peur était toujours présente. Peur de l’échec de cette entreprise, peur de l’asservissement. Mais elles s'amenuisaient doucement mais surement pour laisser de nouveau place à toute la force de sa volonté, pour laisser place à sa résolution et à tout ce qu'elle le pousserait à faire. Oui, pour reprendre les rênes, surtout en "jouant" contre plus retors que lui-même ne l'était, il était évident qu'il devrait être prêt à toutes les extrémités, à toutes les manipulations et à tout sacrifier si besoin était. Après tout, seul son sort l'intéressait. Et si la politique et une quelconque forme de gouvernance ne l'intéressait effectivement pas, c'était tout à fait différent en ce qui concernait son envie de violence. Au fond si il s'était aussi "facilement" complut dans son rôle de rebelle stupide, c'était parce qu'une certaine manière il y trouvait son compte. Et ce dernier était très simple à comprendre : on lui fournissait des raisons d'être en colère, des raison de haïr, des raisons de détruire, des raisons de ne pas être conforme à ce que voulaient la société, à ce que voulait Drake ou Brann. La vérité... c'est que cette partie était profondément ancrée en lui et plus encore, la violence était sa forme d'expression et ce en quoi il se savait pouvoir exceller. Il en rêvait après tout depuis si longtemps... Il se moquait bien de détruire pour gouverner les restes... Ca ne l'intéressait pas. Tout ce qu'il voulait, c'était de se déchainer sans avoir à faire attention à qui ou quoi que ce soit si ce n'était d'assouvir sa propre volonté, ou ses propres pulsions.

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Et si ça revenait à air comme un monstre ou comme un démon ? Peu lui importait. Jusqu'à présent il s'était trouvé des excuses pour toute cette violence qu'il essayait de contenir. Aujourd'hui, il était forcé d'être honnête envers lui-même au moins : il aimait ça et ne prendrai aucun chemin qui puisse l'en éloigner trop longtemps.


Toujours devant le petit lac, Cain se sentit ployer légèrement vers l’avant tandis que sa respiration lui semblait plus rapide sans raison apparente. Revenant au monde extérieur malgré lui, il abandonna momentanément ses questions, ses craintes et doutes pour évaluer son état. Son cœur battait un peu plus fort qu’à la normale, surtout pour quelqu’un au repos. Sa vue était trouble par moment et il avait affreusement mal à la tête. A cela, il fallait ajouter une sensation de faiblesse similaire à un épuisement physique total après un effort trop intense.

Passant sa main sur son front pour décoller quelques mèches de cheveux, il en retira quelques gouttes de sueur d’un revers de main. Il se sentait bouillir et pourtant, il avait froid à la fois. C’était une sensation des plus inattendue et étrange. N’ayant jamais eu de fièvre jusqu’à présent, il n’avait aucun moyen de comparaison.
Sans doute devait-il juste se reposer un peu. Une vraie nuit de sommeil et tout irait mieux le lendemain.

Il parvint à se relever quoi qu’en titubant et fit quelques pas maladroits vers le chalet. Il s’écroula une dizaine de mètres avant d’atteindre la porte, tombant inconscient face contre terre.

*   *
 *

Sous le coup de sa fièvre, des visions chimériques prirent forme dans son esprit à la manière d’une rétrospective viciée de sa propre vie. Les images étaient crues et épurées, ne lui épargnant aucune vérité. Si d’habitude les cauchemars pouvaient s’apparenter à une sorte de système de défense, cette fois-ci le mécanisme à l’œuvre était différent.

Le cauchemar habituel issu du quotidien ou d’un élément traumatisant particulier provoque habituellement un mécanisme cérébral de défense qui a pour objectif de retraiter l’information de manière à ce qu’elle soit supportable. Une façon pour le cerveau de tout un chacun de digérer positivement, de neutraliser en somme les charges émotionnelles négatives, afin de reprendre le contrôle sur ces angoisses qu’il estime un peu trop encombrantes.

En général, le rêve est censé se déclencher à partir de peurs vécues et d’éléments plus rassurants puisés dans notre mémoire. Puis, le “mauvais rêve” se déclenche, donnant au sujet l’impression de revivre ce moment angoissant avant qu’il ne soit analysé. Si les éléments rassurants sont suffisamment présents dans notre cauchemar, les peurs sont alors inhibées pour conduire à la création d’un nouveau souvenir, plus apaisé, qui sera « stocké ». À l’inverse, si les éléments positifs du rêve n’arrivent pas à contrebalancer la sensation de danger, on se réveille sans que nos angoisses ne soient neutralisées. Le processus de réparation a alors échoué. Il était commun pour Cain que le processus à l’œuvre échoue et qu’il se retrouve piéger dans ses pires angoisses avant de se réveiller en sursaut. Parfois il s’agissait d’un même cauchemar qui revenait le hanter plusieurs fois de suite avant qu’il parvienne à faire aboutir le processus mais c’était surtout parce qu’il finissait à avoir une certaine forme de conscience du rêve et de sa condition de faiseur de rêve. Dans le fond, il avait toujours eu du mal à accepter les choses.

Mais cette fois-ci c’était différent, peut-être parce qu’il avait ouvert sa boite de pandore ? Peut-être parce que son esprit très mal en point et que sa guérison passait par là ? Peut-être parce qu’il était prêt à aller plus loin et que cette totale et profonde remise en question était en soi un chamboulement gigantesque pour son esprit ? Peut-être tout ça à la fois.

Les visions retraçaient les évènements les plus marquants de sa vie, en intégrant parfois des anecdotes bénignes, issues principalement du quotidien à l’académie. Bien que les sentiments qui transpercent de ces derniers soient principalement des sentiments positifs et d’une paix relative, c’est pourtant la honte qui finissait toujours par les recouvrir de son linceul. Autant de moments perdus qu’il aurait pu mettre à profit pour trouver un moyen de se libérer, de restaurer sa vie en quelque sorte. Au-delà de ça, il avait également honte des pensées qu’il avait eues à ces instants. Un désir de paix et de tranquillité, qu’on l’oublie dans un coin et qu’il puisse avoir une vie « normale ». Il avait depuis compris que même si il avait continué à y aspirer, ça n’aurait de toute façon pas été possible sans s’être libéré de ses chaines dans la violence et le sang au préalable. Une sorte de prérequis indispensable. A l’heure actuelle il comprenait toutefois son hypocrisie. Jamais il n’avait réellement aspiré à n’être qu’une personne « normale », un élève comme tant d’autres. Bien que tout le monde ou presque soit particulier du fait des pouvoirs particuliers des uns et des autres, il ambitionnait de s’élever bien au-dessus de tous, élèves comme adultes. Mais pas seulement par nécessité pour briser ses chaines et récupérer les rênes de sa vie, non. Par ambition personnelle, par plaisir. Il avait tenté de croire qu’il était différent de sa famille, démoniaque ou humaine mais en fin de compte il réalisait que tout n’était pas à jeter et qu’il pouvait fort bien utiliser certaines des méthodes efficaces qu’on avait usé contre lui, ou tirer les leçons des expériences précédentes pour ne plus se faire avoir aussi facilement. Quoi qu’il en soit, il n’aspirait nullement à la paix mais bel et bien à la domination. Et pas uniquement la domination de sa vie. Son ambition n’avait en fait aucune limite et si il n’était pas déjà inconscient, nul doute que réaliser une telle chose lui aurait donné le tournis.

Il se moquait bel et bien de la politique et de « régner », ce n’est pas cela qu’il cherchait mais bel et bien le combat qui se déroulerait jusqu’à en arriver là. Il désirait en fait ardemment franchir les étapes qui précédaient le règne. La subversion, la manipulation, les combats, la violence, les bains de sang et les morts. Oui, ce n’était pas ce qu’il avait tenté de s’imaginer toutes ces années où il s’était forgé une image de lui-même idéalisée sur bien des points. Il se pensait supérieur aux Leckard pour la simple raison qu’il croyait leur « résister » et qu’il était capable d’aspirer à autre chose mais en fin de compte, il n’était pas meilleur pour ces raisons mais bel et bien parce qu’il les réduirait à néant. Or, il était limpide pour lui que ce sont bien les vainqueurs qui forgent l’histoire. Et… Oh oui. L’histoire retiendrait son nom. D’une manière ou d’une autre.

Les souvenirs continuèrent à déferler, la trahison de celle qu’il avait un jour appelée « mère », son meurtre, l’abandon de son frère. Mais l’était-il seulement réellement ? Pouvait-on croire que Cain puisse avoir un « frère » qui puisse être considéré comme tel sachant qu’en réalité sa mère n’avait été qu’un incubateur et celui qu’il avait pris pour son père n’était tout simplement rien du tout… ? Cain n’avait pas commis d’erreur en tuant Iraun. Il savait que son meurtre lui était venu de sa déception, de sa douleur et de sa jalousie envers leur « second » fils. Mais pour autant, il se moquait d’avoir privé son petit frère du « bonheur » d’avoir des parents. Mieux valait être seul qu’accompagné et élevé par des hypocrites non ? Aussi, même maintenant que le plus gros de l’émotion était passé disons, Cain était forcé d’admettre qu’il ne regrettait toujours pas son choix. Même si il lui faudrait tout de même aller s’assurer du trépas ou de la survie de son cadet.

Le cauchemar se poursuivit, les souvenirs affluant sans omettre non plus la moindre « séance ».
Drake et ses chaines, les seules capables de le brûler, ses chocs mentaux, ses pressions.

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Les tortures mentales avaient été autant son fort que les sévices physiques mais c’était bel et bien dans le conditionnement qu’il était le plus compétent. Et en particulier celui que la victime est censée ignorer. Il l’avait maintenu des années dans les cercles vicieux qu’il avait mis en place, se chargeant d’attiser la colère et la haine de Cain à son égard pour l’empêcher de voir l’essentiel. Ses coups de fouet n'étaient en fait là que pour masquer la vérité. Mais Cain était inlassablement tomber dans le piège.

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Le jeune homme comprenait soudainement pourquoi Drake n’avait pris le risque de lui faire un remaniement mental total pour le forcer à adhérer pleinement aux principes de la famille. La réponse était en fait simple. Une loyauté à toute épreuve et un calme froid n’étaient pas très représentatifs des caractères dominants chez les démons. Drake avait eu peur de ruiner une expérience qu’il avait mis des décennies à mener à bien. Mieux valait un démon enchainé tel un chien et obéissant de peur des conséquences, qui mettrait donc toutes ses forces à l’usage de ses « dons » qu’un chien obéissant qui ne ressentirait nulle peur ni à disparaitre, ni à trépasser pour « le bien des Leckard ». Soucieux de ne pas altérer ce qui faisait le cœur de la vraie nature des démons, l’archimage n’avait donc touché à sa psyché qu’en cas d’ultime recours et uniquement dans des proportions qu’il avait dû juger raisonnables, et suffisantes pour que le reste des changements viennent de Cain directement. Une mutation qui aurait d’office limitée l’altération mentale classique suite à un remaniement plein et entier.
Mais Drake avait échoué. Cette idée se traduisit dans le cauchemar par la mort du sorcier qui tomba en poussières devant ses yeux. Pour autant, les liens qui enserraient Cain ne disparurent pas. Un miroir placé face au jeune homme se fissura en plusieurs endroits, projetant une image tronquée de ce qui s’y reflétait.


Il y avait aussi eu Ladon et sa brutalité maladive. Ce débile profond et fanatique devenait un véritable artiste lorsqu’il s’agissait d’administrer une quelconque « punition » tant que le châtiment était corporel. Le traumatisme de sa première mort ne lui fut pas épargné, ni même tous ses os brisés.

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Mais ce qui lui faisait prendre son pied restait la domination violente qui engendrait une soumission forcée mais nécessaire à la survie. Voir la peur dans le regard de l’autre et sentir qu’il avait tout contrôle sur la vie de celui qui avait le malheur de passer entre ses mains. Oui, c’était ça sa drogue. C’était en fait le premier à avoir mis à Cain un collier, et à avoir voulu faire de lui un simple animal de compagnie.

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Tryana était la seule à l’avoir aidé lorsque ça allait trop loin. Hélas… Elle n’était plus là. Et Cain était resté à sa merci des mois durant, sans possibilité de s’en défaire.

C’était en tout cas ainsi qu’il avait perçu les choses à l’époque. Il se rendait compte qu’il s’était  vraiment fourvoyé… Mais c’était trop tard. Le mal avait été fait. Le miroir s’était fissuré davantage encore, perdant même quelques fragments qui tombèrent dans le néant sous les yeux de Cain qui contemplait toujours ses cauchemars. Pourtant, Ladon aussi avait échoué à lui faire accepter un tel destin. Même Cain s’y était pris excessivement mal et s’était fourvoyé en croyant que rébellion rimait avec liberté, Ladon malgré tout n’était pas parvenu à le briser totalement. Cependant il avait ajouté sa pierre à l’édifice qu’était la prison mentale de Cain, lui ajoutant d’innombrables chaines.


Et enfin il y avait eu Brann. Un savant mélange des deux précédents. Si il prenait son pied à dominer c’était un fait, les tortures physiques qu’il infligeait avait, à la manière de Drake, quoi qu’en pire d’une certaine manière, également un impact psychologique important, de par leur impact symbolique. Lui aussi voulait voir Cain rentrer dans le rang, soit en tant qu’arme, qu’animal de compagnie… Ou il le tuerait. Entre les lèvres de ce sadique, qui l’avait d’ailleurs déjà tué une fois pour s’accaparer les souvenirs de Drake, la menace prenait un tout autre sens. Il n’avait pas la retenue de Drake mais était tout aussi pragmatique dans sa manière de faire. La « mort » qu’il lui promettant pouvait tout autant être physique que mentale. D’ailleurs, pour limiter les « problèmes » liés à un éventuel meurtre, il y avait en fait plus de chances que Brann parte sur un remaniement mental total. Sans doute préférait-il que Cain perde un peu en puissance brute et en « motivation » pour troquer tout cela contre une loyauté sans borne et une obéissance à toute épreuve.

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C’était en fait sa plus grande peur. Malgré l’existence que beaucoup jugeraient comme pourrie, Cain était étrangement assez fortement attaché à la vie. Assez pour avoir peur de disparaitre. Et le remaniement mental sa pire des craintes car personne ne se rendrait compte de sa disparition. Pourtant, Cain tel qu’il était actuellement serait bel et bien mort, remplacé par une copie refondue à l’image de celui qui tirait les ficelles. La pire des disparitions. La plus cruelle sans aucun doute. Par sa perception était sans doute due à l’arrogance et l’égoïsme naturels de Cain. Quoi qu’il en soit, et bien que les mots de Morphée résonnent encore fortement dans son esprit, le miroir vola en éclat devant Cain, spectateur de son propre cauchemar. Au travers des morceaux qui restaient, il pouvait apercevoir son propre reflet, agenouillé devant Brann, le regard vide.


Même dans le rêve, Cain fut saisi de dégout et de colère face à sa propre faiblesse. Il avait honte d’avoir pu considérer réellement ne serait-ce qu’un instant la possibilité de se « rendre », pire encore, celle de se soumettre totalement. Par facilité, par peur.
Son subconscient finit pourtant par tenter de s’aligner sur la volonté du jeune homme, sans doute car elle était profondément ancrée en lui, sa volonté de vaincre, de gagner sa liberté.

Brann aussi avait échoué. Cependant, contrairement aux autres qui étaient morts, il restait un ennemi à prendre en compte. Il était assez intelligent et retors pour s’emparer de nouveau de lui. Toutefois, la peur s’était amenuisée.
Grâce aux efforts de Luna qui avait lancé juste à temps le processus naturel de reconstruction mental, l’esprit de Cain retrouvait peu à peu sa stabilité à mesure qu’il faisait les efforts pour assimiler la somme colossale de faits et d’informations qu’il n’avait pas pris en compte, ou mal analysé, ou pire… sciemment ignoré. Cain était, après tout, très doué pour se voiler la face et c’était aussi à cause de cela que son cousin avait pu aussi facilement prendre le dessus. Qu’il l’avait brisé.

Mais les efforts combinés de Morphée et de Luna, rendus évidemment utiles de par la propre volonté de Cain, rendait tous ces traumatismes vécus des plus utiles. Comme un condensé de leçons de ce qu’il ne faut pas faire. Cain voulait apprendre de ses erreurs car il lui était devenu inconcevable de rester ainsi et se laisser balloter dans un sens ou un autre selon le vent, selon qui était aux commandes de sa vie.

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Lentement, le miroir brisé se reformait. Un processus long et qu’il ne pourrait sans doute pas compléter seul. Mais un processus en cours qui stabilisait à chaque instant un peu plus sa psyché.


Mais son subconscient n’avait pas terminé et il en vint à l’analyse de l’introspection qu’il avait commencée juste avant de sombrer dans l’inconscience. Globalement, son subconscient semblait intégrer les données conscientes, les conclusions, s’y référant en partie pour ancrer et acter les modifications qui s’opéraient. Toutefois, les remaniements mentaux successifs subis l’empêchaient de finir le travail et les cauchemars recommencèrent, encore et toujours basés sur ses peurs les plus profondes : se perdre lui-même, que son esprit soit éradiqué et qu’on ne se souvienne de lui que comme un chien obéissant, un esclave, l’éternel perdant. Ou pire, l’idiot qui était mort pour l’idée « saugrenue » qu’il pourrait un jour être libre.

Les visions de cauchemars intégraient encore et toujours à la fois les tortures et les manipulations tout autant que les différents « maîtres » qu’il avait eu tout autant que ses ennemis, dressant une liste de ses « ennemis ». Pourtant, si Yearius et quelques lumineux y firent une apparition, elle fut de courte durée car la recherche de vérité de Cain lui avait permis de voir au-delà de sa colère à leur encontre. La conclusion était des plus simplistes. Les lumineux avaient beau être stupides pour la plupart de son point de vue et voir le monde comme des gamins naïfs, d’une certaine manière, Cain enviait leur candeur, bien que ça soit ce qui cause leur perte la plupart du temps. Mais ce qui importait n’était pas même cette donnée. L’essence de sa pensée sur la question était nettement plus reptilienne, instinctive et nettement plus en accord avec sa nature profonde : les lumineux pouvaient bien vivre, croire et faire ce qu’ils voulaient. Ce n’était pas son problème. En revanche, il prendrait les mesures qui s’imposeraient si l’un d’entre eux lui mettait des bâtons dans les roues. De la même manière que n’importe quel chieur en fait, il n’avait pas de raison de faire de distinction. Il ferait tout pour atteindre son objectif et dans le fond, il se moquait de l’identité ou de l’affiliation des personnes qui tenteraient de l’en dissuader ou pire, de l’en empêcher. La liberté n’était que la première étape et il ne laisserait personne le ralentir. Parmi ses ennemis potentiels, son subconscient ne pouvait s’empêcher de garder l’empreinte de la Reine qui l’avait envoyé au loin. Si il comprenait intellectuellement ses raisons, le rada’an et l’affaiblissement physique qu’il avait à subir lui faisait le même effet qu’une tentative de contrôle, ce qu’il détestait.

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En vérité, il ne voyait pas encore beaucoup de différences entre cette Reine et Drake, à ceci près qu’au lieu de le mettre à la cave elle l’avait envoyé dans une prison nettement plus lointaine et bien plus vaste. Toutefois, son impossibilité d’en partir lui rappelait ce qu’il en était vraiment : il était bel et bien prisonnier.

Après plusieurs cauchemars à répétition, Cain avait fini par trouver la faille, ou plutôt, trouver sa résolution une nouvelle fois. Il avait fait face et avait fini par vaincre sans efforts. Signe évident qu’il était nettement plus en phase avec son esprit qu’avant. D’habitude, les émotions le submergeaient et il parvenait rarement à modifier l’issue de l’un d’eux. Cette fois-ci, il avait repris le dessus sans même avoir à se forcer, n'ayant qu'à appliquer sa volonté de manière implacable pour reprendre ce qui lui appartenait : sa vie.

*   *
 *

Cain rouvrit lentement les yeux mais les referma immédiatement à cause de la luminosité qui lui paraissait des plus fortes et lui arracha une grimace. Il reprit corps avec ce qui l’entourait. Son corps lui paraissait lourd et comme totalement engourdi. Le jeune homme tourna la tête pour voir le renard sous sa forme humaine lui adresser un sourire.

Cain tourna la tête pour se rendre compte qu’il était dans le chalet, allongé devant le feu sur un tapis et avec une couverture sur lui. Il se sentait incroyablement faible, comme si il était là un temps relativement long. La dernière chose dont il se souvenait c’était le lac devant lequel il était pour « réfléchir ».

Ses vêtements étaient trempés et quelques mèches de cheveux étaient collées contre sa nuque et son front. Visiblement Kyukon avait veillé sur lui. Une fois de plus.

« Qu’est-ce qu’il m’est arrivé ? »

Le renard inclina la tête sur le côté avant de répondre de son air légèrement détaché habituel.

« Esprit de l’humain-ami-du-feu était malade. »

Ca avait au moins le mérite d’être clair. Il se sentait mieux maintenant… A peu près. Cain se redressa en position assise et sa tête lui tourna affreusement. La main griffue du renard à forme humaine le retint.

« Tu n’as pas mangé. Tu es faible. »

Cain était persuadé d’avoir mangé des fruits quelques heures plus tôt à peine. Combien de temps était-il resté ainsi ? Inconscient ?

« Combien de temps suis-je resté inconscient ? »

« Trois nuits et trois jours. »

Autant ? Pas étonnant qu’il se sente faiblard. Le renard lui tendit un bol remplit d’eau. Cain en voyant le liquide se rendit compte qu’il était assoiffé. Mais puisqu’il n’était pas mort de soif, c’est sans doute que le renard l’avait au moins fait boire durant ce laps de temps. Le sorcier but d’un trait tout le contenu avant de reposer le récipient à côté de lui.

« Merci Kyukon. »

C’était un remerciement général mais il ne le précisa pas. Il lui avait sauvé la mise plusieurs fois en fin de compte.
La main du renard repoussa l’humain contre le lit de fortune pour qu’il recouche, ce qu’il fit de bonne grâce, n’ayant de toute façon pas la force de résister. Bien qu’il ait passé plusieurs jours dans une sorte de coma, il se rendormit presque aussitôt mais n’eut pas l’impression de faire le moindre rêve cette fois-ci.

Et c’est une merveilleuse odeur de viande en train de cuire qui le réveilla et lui mit immédiatement l’eau à la bouche. Kyukon était de toute évidence aller chasser et si les restes de ce qui semblait être un lapin gisaient près de lui, signe que lui avait déjà fini son repas, un autre lapin était quant à lui en train de cuire. Ou plutôt de bruler puisque le renard n’avait pas pris la peine ni de vider la bête ni d’enlever la peau avant de le mettre à flamber. Il faut dire qu’il n’en avait pas besoin.

Mue par l’énergie… de la faim sans doute, Cain sauva ce qu’il pouvait de l’animal, et le remit à cuire « normalement » quelques minutes plus tard. L’attente pour le manger fut ce qu’il y avait de pire de toute sa vie ou presque tant il avait faim. Et son ventre lui rappelait à chaque instant à quel point il avait besoin de forces et de manger autre chose que des fruits.
Cain prit son repas et quelques minutes après, sentit déjà un renouveau d’énergie arriver. Ce n’était pas encore la pleine forme mais c’était déjà bien mieux !
Le renard ne le laissa toutefois pas sortir du chalet avant le lendemain et un autre repas « complet » au moins.

Profitant que le renard soit sorti chasser, Cain s’assit en tailleur devant le feu et ferma les yeux durant quelques minutes, faisant un rapide état des lieux de son état physique et mental.

Physiquement, tout allait de mieux en mieux. Il faudrait qu’il reprenne l’entrainement pour faire bouger ses muscles. A part le rada’an qui l’affaiblissait, il n’y avait pas de soucis. Concernant son mental. Il se sentait là aussi bien mieux. Tout semblait plus clair, plus simple maintenant qu’il s’était décidé sur les grandes lignes de sa marche à suivre lorsqu’il serait de retour. Maintenant qu’il avait décidé ce qui importait réellement pour lui, quel avenir il voulait et surtout ce qu’il était prêt à faire, ou pas. Au-delà de ces questions, il était aussi parvenu à répondre à quelques autres et savait que la vraie difficulté serait en fait d’éviter assez longtemps les Leckard et leurs alliés potentiels le temps de passer voir Luna et qu’elle finisse les « soins » mentaux qu’elle avait commencé à lui prodiguer. D’ailleurs, au fond, le sorcier était persuadé que c’était grâce, ou à cause, d’elle, et de Morphée que son subconscient avait réagi aussi violemment.

Il faudrait qu’il les remercie à l’occasion. Mais d’abord il restait à finir de supprimer les blocages divers mis en place par Drake et que Cain avait en parti détruit. Il faudrait aussi qu’on le débarrasse du sceau de domination de Brann où tous ses efforts ne serviraient à rien. Quant à son esprit une fois qu’il serait purgé, il espérait que Luna accepterait de renforcer ses défenses et barrières. Normalement ça ne poserait pas problèmes, après tout elle s’y était plus ou moins engagée avant qu’il ne soit emprisonné ici. Mais depuis, il avait aussi une dernière demande à formuler, plus spécifique. Un sort à rebours censé protéger son esprit des intrusions. Mais pas de la manière classique.

Son émancipation serait également un plus indéniable pour lui. Même si le gouvernement refusait sa demande d’émancipation totale, à savoir qu’il n’ait aucun tuteur, il était probable qu’on lui en assigne un. Ce qui ne devrait pas être si gênant. Il suffirait de jouer plus subtilement. D’ailleurs, il avait prévu de cesser de foncer dans le tas aussi stupidement qu’il l’avait fait jusque-là. Il avait de nombreux moyens d’agir contre ceux de sa petite liste et il n’hésiterait plus à les employer. Bon évidemment, si jamais l’occasion d’en tuer un se présenterait il la saisirait.

Toutefois, il n’ignorait pas la possibilité que Brann ou un autre membre de sa famille lui remette la main dessus plus vite qu’il ne l’aurait souhaité. Sa ligne de conduite dépendrait alors de ses possibilités. Le but serait dans ce cas d’abord de limiter la casse, à savoir éviter un asservissement ou un remaniement. Puis de trouver la faille pour revenir au plan initial.

Cette retraite forcée était en fait tout ce dont il avait eu besoin pour se reprendre en mains et faire le point. Un vrai point. Il se sentait enfin en phase avec lui-même. Presque entier et non plus en morceaux comme c’était en fait le cas depuis son enfance. Encore quelques ajustements et il serait enfin entier, complet.

Cain rouvrit les yeux, une lueur déterminée dans le regard. Il était presque prêt.

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