[DISPR] Les conseils du chat protagoniste [Alecto - Brann]

Je venais de finir mon quart à la clinique quand on m'apporta un message de Brann. Un message des plus inhabituels. Il me demandais en des termes suppliant que je ne lui connaissais pas de le rejoindre au plus vite dans son demi-plan. Une formule accompagnait le tout.

Mon dernier séjour dans un autre plan ne m'avais pas réussi, tout comme le séjour de Caïn dans le demi-plan de Brann. Mais les choses s'étaient à peu près réglées entre moi et Brann et il n'avait pas vraiment de raison de s'en prendre à moi. Je suspectais plutôt qu'il avait appris ce que Damian et moi avions en tête concernant Alrost et qu'il voulait en parler en privé.

Cela ne changeait pas le fait que la téléportation n'était pas mon sport favoris. D'abord parce que je maîtrisait tout cela très mal, ensuite parce que je préférais rester sur la terre ferme de mon plan d'origine. Savoir que mon corps se promenait entre les espace-temps, ça me donnait le mal de mer. Mais le message de Brann suggérait que c'était important. Je me résignais donc à prononcer la formule, avec un soin peut-être exagéré, pour me retrouver dans son demi-plan. Je vérifiais que mon corps était toujours là en me rappelant que mon neveu coupait parfois la magie dans son plan.

- Ah, Brann, tu peux me rendre ma magie, tu sais bien que ça me rend mal à l'ai...

Mes mots s'éteignirent alors que mes yeux rencontraient le visage de mon neveu. Je ne l'avais pas vu dans un tel état depuis... depuis son enfance sans doute. Mes suspicions sur la raison de ma présence s'envolèrent, Brann avait réellement besoin de moi, et c'était pour des raisons personnelles.

- Qu'est-ce qui ne va pas ?

Après cette rencontre avec Mala Auris, Brann avait choisi d'amener Kisara dans son demi-plan, dans une grande pièce où ils pourraient être seuls, tous les deux. La grande pièce était doucement réchauffée par un feu qui servait de seul éclairage et la dragonne aux écailles blanches se coucha près du feu, posant un regard malheureux sur Brann. Un regard qui lui brisa le coeur. Il caressa doucement le museau de Kisara et s'assit près d'elle, lui souriant légèrement.

-Ne t'inquiète pas. Je suis là et je ne vais nulle part.

Il invoqua ensuite Peten d'un simple claque de doigt et lui demanda en quelques mots de garder la porte. Au cas ou. Le bouffon devina donc que son maître souhaita inviter quelqu'un dans ce demi-plan et il hocha la tête sans discuter. Son visage avait d'ailleurs pris une expression grave et sérieuse en ressentant toutes les émotions qui assaillaient son jeune maître.

Pendant qu'il caressait doucement Kisara, il songea à demander de l'aide. Mais à qui? Personne ne pouvait l'aider. Il était seul. Mais... finalement, un nom lui vint en tête. Alecto. Malgré leurs accrochages, il restait son oncle et le Leckard qui avait le meilleur fond. Il soupira en demandant mentalement aux bouffons de s'en occuper. Qui ne risquait rien n'avait rien de toute façon. En attendant la réponse de son oncle, il ferma les yeux en entendant une nouvelle plainte déchirante venant de sa dragonne.

Pour essayer de la calmer, il se mit à lui parler. De tout et de rien. Kisara semblait être apaisé par la voix de son jeune maître et ce dernier se surprit à lui raconter une histoire d'une voix douce et apaisante. Il continuait de caresser la dragonne de longues minutes, la sentant doucement se calmer et s'endormir. Lorsque Alecto apparue, il fut accueilli par le bouffon qui lui fit signe d'attendre. En tendant l'oreille, il était possible d'entendre Brann parler à Kisara. D'une voix douce que peu lui connaissaient.

En regardant cette créature qu'il portait particulièrement dans son corps dormir, son coeur finit de se briser et il serra les poings en versant des larmes de rage. Il ne savait pas encore comment, mais Mala Auris allait payer le sale tour qu'elles leur avaient joué. Elle payerait, même s'il devait y laisser la vie.

Il sortit finalement de la pièce et finit d'essuyer ses larmes devant le visage sidéré de son oncle qui le fixait comme s'il était un fantôme. En voyant son regard, Peten disparue rapidement pour revenir avec un verre d'eau dans lequel il glissa une poudre pour aider Brann à se calmer. Brann força un sourire et accepta l'eau avant de se retourner vers son oncle. Il parlait d'une voix rogue qui en disait long sur les émotions qui l'assaillaient.

-Merci d'être venue aussi vite... J'ai... J'ai besoin de toi. Pour une affaire importante...

Alors que son oncle s'apprêtait à répondre, Brann leva la main et secoua vivement la tête.

-Chut... Kisara vient de s'endormir et elle a besoin de repos. Suis-moi, allons dans une autre pièce.

Il accompagna son oncle jusqu'à un petit salon richement décoré ou brulait un feu réconfortant. Il se laissa tomber sur un des sofas, le regard vide en fixant les flammes. Il ne s'était jamais senti dans un tel état. Ou plutôt, il y avait des années qu'il ne s'était pas senti aussi abattu. Il retourna finalement son attention sur son oncle.

-Je sais que tu as beaucoup voyagé... Est-ce que dans tes pénibles tu aurais rencontré un mage qui maîtrisait la métamorphose. Je veux dire, un archimage ou un mage très très puissant qui la maîtrise? Je t'en supplie... Je te donnerais tout ce que tu veux, mais c'est important...

Je restais sidéré devant l'attitude de Brann qui semblait réellement abattu et parlais de sa dragonne comme s'il s'était agit d'un jeune enfant fragile. Je n'avais jamais vu cette bête faisant autre chose que ravager ses cibles à coup de crocs pendant les terribles entrainements de son invocateur. La situation me semblait invraisemblable, cependant, ce dragon devait bien faire autre chose que tout détruire sur son passage, je n'y avais juste jamais vraiment réfléchi.

Je suivit Brann en silence. Mon neveu avait vraiment l'air... triste... et tendu, vu ce que son bouffon de compagnie venait de lui donner. Je me contentais d'attendre, je ne le pressais pas de question. Si Brann avait quelque chose d'aussi personnel à me demander, ce ne serait certainement pas facile à avouer pour lui. Je ne cherchais donc pas à le presser de question, il parlerait à son rythme et je ne l'encourageais que pas un silence attentif.

Il finit par me poser sa question, il cherchait un mage spécialisé en métamorphose. Je fronçais légèrement les sourcils en cherchant dans ma mémoire.

- Et bien... j'en ai croisé un ou deux, mais je ne saurais dire où ils se trouvent maintenant. Autrement, ma magie principale est dérivée des principes de la métamorphose, tout comme celle de mon maître, mais il doit commencer à se faire vieux. Je ferais mon possible pour t'aider, mais ce serait plus simple si tu me disais plus simplement pourquoi tu as besoin d'un tel mage...

Brann évitait le regard de son oncle, honteux de devoir demander de l'aide de cette façon. Honteux des sentiments qu'il ressentait, alors qu'il était un Leckard. Le chef de cette famille. Et pourtant il pleurait comme une gamine en manque d'attention. Enfin... Il s'était un peu calmé grâce à la concoction de son bouffon et devant la question d'Alecto, soupira légèrement. Comment lui expliquer ça? Comment lui expliquer ce qu'il ressentait face à la situation ? Il dit alors simplement.

-J'ai... J'ai besoin d'un mage capable de donner forme humaine à Kisara. Enfin... Elle est malheureuse sous cette forme alors j'ai besoin d'un mage capable d'accomplir cet exploit. À nouveau.

Il avala de travers et tritura ses doigts avant d'ajouter.

-Mala Auris a été capable d'un tel miracle, alors je sais que c'est possible...

Jamais je n’avais vu Brann dans un tel état depuis qu’il avait atteint l’âge adulte. J’en restais complètement décontenancé et je ne savais vraiment pas comment réagir. Muet et immobile, je devais avoir l’air d’une carpe étonnée de se retrouver sur un étal. En somme, je n’avais aucune idée de ce qui était en train de se passer, et les explications laconiques de mon neveu ne firent que me rendre encore plus confus. Donner forme humaine à Kisara ? Je dû faire un effort pour me souvenir de qui il s’agissait. Kisara, Kisara, oui cela me disait quelque chose. Je n’entendais pas souvent Brann s’adresser à ses invocations mais cela me revint, c’était sa fameuse dragonne. Oui, le souffle rauque du saurien qui dormait à côté me le confirmait. Mais le raisonnement de Brann restait pour moi sibyllin.

-Kisara… ta dragonne c’est bien ça ? Elle est… malheureuse ? Et tu voudrais qu’elle devienne humaine ? Et… mais qu’est-ce que Mala Auris vient faire là-dedans ?

Je passais ma main sur mon front plissé en essayant de comprendre, mais il me parlait visiblement d’une partie de sa vie dont j’ignorais l’existence.

-Brann, je vais faire ce que je peux pour t’aider mais honnêtement j’ai du mal à comprendre de quoi tu parles. Si personne n’est en danger immédiat, respire un peu et prends le temps de me raconter depuis le début, tu veux bien ?

Brann restait abattu, essayant vainement d'expliquer à son oncle ce qu'il ressentait. Ce qui n'était pas une tâche facile, pour lui qui veillait depuis bien longtemps à ne laisser aucune faiblesse prendre le dessus. Il n'avait pas l'habitude de confier ses angoisses, encore moins à son oncle qui pouvait s'en servir contre lui. Une partie de son esprit lui suggérait d'être honnête. Après tout, Alecto avait toujours été présent pour les Leckard qui avaient besoin de son aide. Mais c'était difficile. Très difficile. Il ouvrit finalement la bouche et n'eut le temps que de prononcé.

-Je....

Au moment où il prononçait cette phrase, un cri retentit dans le demi-plan, provoquant une secousse terrible. Un cri animal, de détresse. Celui de sa dragonne. Le visage de Brann devint livide et sans accorder plus d'importance à son oncle, il se précipita hors de la pièce pour rejoindre Kisara. En ouvrant la porte, il trouva cette dernière qui regardait autour d'elle en émettant des cris plaintifs. Il s'approcha d'elle sans crainte et se lover contre son ventre, caressant ses écailles et sa tête de son mieux en murmurant des paroles apaisantes que seule la dragonne semblait comprendre.

Alecto devait assister à une scène surréaliste et pour la deuxième fois de sa vie, ce fut le bouffon qui s'approcha de lui pour répondre à ses interrogations. L'expression sur son masque était sérieuse et il n'avait fait aucune pitrerie. En fait, la seule fois ou Alecto avait pu le voir agir de cette façon, ce fut lorsque Brann mourut presque lors d'une expérience d'invocation. Le bouffon prononça alors d'une voix grave et profonde que peu avaient entendu.

-Les dragons sont des créatures capables d'émotions, de sentiment et d'attachement. Même si peu le savent. Et ce que vous voyez, c'est un amour qui relie l'homme à la bête, plus encore que n'importe quelle forme de sentiment. Mais comment exprimer cela, pour un homme qui a refoulé tout ce qu'il ressentait par la faute de sa famille?

Peten, le bouffon marcha alors en rond autour d'Alecto sans le lâcher du regard. Pendant ce temps, Brann était totalement déconnecté de la situation derrière lui. La seule chose qui comptait maintenant, c'était de sentir sa dragonne adorée s'apaiser et se sentir rassuré par sa présence. Alors que l'invocateur murmurait des paroles à sa dragonne, le bouffon enchaina finalement.

-Ce qu'il cherche, c'est un miracle. Mala Auris lui est apparue et a échangé la vie de Kisara et la survit de Targatt contre un objet magique de grande puissance. Mais avant de partir, elle a transformé Kisara en humaine, révélant à cette dernière une façon d'être plus proche de son maître qu'elle ne l'avait jamais été. C'est ce genre de miracle qu'ils cherchent. Une chimère qui pourrait, pour la première fois, les rendre heureux.

Le bouffon s'arrêta alors et regarda la scène touchante. Kisara avait refermé délicatement ses ailes sur Brann, le gardant pour elle en fermant les yeux. Cette bête de mort et de destruction semblait ressentir une grande joie dans cette étrange étreinte.

-Le passé est forgé, dans le sang et les larmes il a avancé. Par la faute de sa famille, il n'a jamais connu l'amour ou l'amitié. Peut-on lui en vouloir de vouloir les connaître à son tour?

Le bouffon jeta un dernier regard à Alecto avant de s'approcher du drôle de couple, observant son jeune maître, prêt à exécuter la moindre de ses directives.

Le cri du dragon me fit sursauter, Brann se précipita dans la pièce d'à côté mais je n'étais pas vraiment pressé de le suivre. Après tout, la dernière fois qu'il m'avait proposé de rencontrer sa dragonne c'était pour me menacer d'en tâter les crocs. Certes, les circonstances étaient bien différentes mais je n'étais pas rassuré pour autant. Je m'aventurais donc avec précaution sur les pas de mon neveu pour découvrir une scène qui me laissa sans voix, encore plus que je ne l'étais déjà.

Brann était contre la dragonne et semblait lui démontrer de... l'affection ? Oui, j'étais surpris. A force, je pensais qu'il avait oublié tout sentiment de ce genre. Il faut dire que Drake avait fait tout ce qu'il fallait pour l'empêcher de les développer. Je laissais le bouffon exprimer avec une justesse redoutable les sentiments qui habitaient son maître. Ainsi, dans le secret de son demi-plan, Brann était parvenu à nouer avec son animal un lien privilégié. J'étais à la fois content et triste pour lui. J'étais accablé de réaliser encore une fois à quel point j'avais laissé Drake détruire le jeune garçon doux et attentif qu'était Brann autrefois, et honteux de ne pas avoir été suffisamment présent pour lui montrer ce qu'être une famille devait vraiment signifier. Mais j'étais en un sens soulagé de découvrir que malgré tout, il était parvenu à sauver tout au fond de lui la capacité à aimer, peut-être grâce à cette étincelle qui avait fait sa vocation d'invocateur.

Même si je commençais à comprendre, ce qui se passait restait à mes yeux des plus étrange. Selon le Bouffon la dragonne tenait à Brann autant que l'inverse, pour ça je le croyais sur parole. Le fait que les dragons étaient intelligents était connu. Mais je n'étais pas vraiment un ami des bêtes et j'aurais été bien en peine d'identifier une quelconque émotion dans le regard froid du reptile. Ermaüs était ce que j'avais de plus proche d'un animal de compagnie, mais il était un humain sous forme de chat. Le reste des animaux que je possédais étaient des cobayes pour mes recherches, autant dire que j'évitais de m'y attacher. Mon empathie se limitait à éviter à ces bêtes des souffrances inutiles.

Côtes à côtes avec le Bouffon qui ne riait plus, j'observais la scène tendre et improbable réunissant un invocateur et sa créature. Occupé à me demander si tout cela était bien réel, j'en oubliais la raison de ma présence : Faire de Kisara une humaine, ramener dans notre monde l'amour de Brann qui n'avait pu trouver refuge que parmi les bêtes. Dire que c'était en se frottant à la perfidie de Mala que nous en étions là. Je me surpris à me préoccuper de ce que Brann avait bien pu céder au dragon primordial, et puis je me dis que cela n'avait pas d'importance. Une fois dans les griffes de Mala, il n'avait sans doute guère eu le choix. Et puis, notre famille était déjà en ruine... alors le bonheur d'un de ses membres valait peut-être bien un vulgaire artefact.

Je laissais le couple étrange pour retourner réfléchir dans le petit salon. Métamorphoser un dragon, c'était évidemment possible en théorie, mais de pour ce qui était de la pratique... ça allait demander quelques recherches.

Brann était resté lové contre sa dragonne, lui murmurant de douces paroles jusqu'à ce que la créature accepte de se calmer en serrant à sa façon l'invocateur contre elle. Si Alecto était stupéfait, Brann n'en remarqua rien. Pour l'heure, la seule chose qui importait à ses yeux c'était Kisara. Cette créature de mort et de destruction était la chose la plus importante qu'il possédait. Il la chérissait comme le plus beau des trésors et il s'en voulait de l'avoir négligé au profit de la politique et du pouvoir. Il mesurait aujourd'hui, grâce à Mala Auris, l'ampleur de son attachement.

Lorsque Alecto sortie de la pièce, le bouffon le suivit sans se presser. Il le laissa s'installer en gardant le silence. De toute façon, ce bouffon était dans l'ombre de Brann depuis qu'il savait utiliser sa magie. C'était ce bouffon qui avait défendu Brann contre ses parents en les tuant, alors que le père de l'invocateur avait piqué une colère noire. Il était probablement la moins puissante de ses invocations, mais aussi la plus loyale. Il reprit finalement la parole d'une voix toujours aussi grave et sérieuse.

-Qu'allez-vous faire, sir Leckard? Vous voyez tout comme moi qu'il n'est plus en état de diriger cette famille. Mais d'un autre côté, n'est-ce pas ce que vous vouliez? Une personne capable de mettre fin à l'héritage sanglant des Leckard?

Le bouffon marcha alors jusqu'à l'une des étagères et regarda les nombreux objets qu'elle contenait. Des bibelots révélant tout les endroits ou Brann avaient mis les pieds. Le jeune homme avait énormément voyagé, pour le compte de sa famille comme pour le sien. Il n'était pas un enfant de chœur et ne l'avait jamais été. Mais ça ne l'empêchait pas d'être humain.

-L'héritage des démons est gravé en vous, comme une marque au fer rouge. Mais il ne tient qu'aux membres de cette famille, de choisir ce qu'ils feront. Mais la chute de Drake et de ses partisans devrait vous servir de leçon. Vous avez déjà perdu votre royaume d'origine, vous avez perdu le trône de Targatt et si vous continuez sur cette voie, vous allez perdre le peu qu'il vous reste. Vous allez disparaître et personne ne sera là pour pleurer votre mort.

Je m'affalais dans un fauteuil pour essayer encore une fois de graver dans mon esprit que je n'était pas en train de rêver. Le bouffon continuais de me parler avec son air étrange. Il connaissait si bien mon neveu qu'on aurait presque dit qu'une partie de Brann parlait à travers lui. Et cette partie disait qu'il n'était plus en état de diriger la famille. Je grognais, il ne manquait plus que ça, le patriarche qui abandonne le navire pour un chagrin d'amour... Et moi qui avait pensé que Brann parviendrait à faire mieux que Caïn...

- Le sang des démons n'est qu'une excuse, il n'y a guerre que Caïn parmi nous qui puisse prétendre ne pas être responsables de ses actes pour cette raison. Et.. Ah... tu me demandes ce que je comptes faire ? J'ai toujours laissé Drake décider de notre avenir, je pensais qu'il savait ce qu'il faisait. Du moins au début... Donc... et bien... je ne sais pas quoi faire... si ce n'est réparer un peu le mal que cette famille a fait à ses enfants... au moins pour Caïn et Brann... Que puis-je faire d'autre... ?

Je songeais aux paroles du bouffon... Etais-ce si grave si notre lignée venait à s'éteindre ? Qu'avions nous de plus à perdre ? Après tout... peut-être qu'essayer de nous éteindre en paix était la meilleure chose à faire. Pourtant, une partie de moi s'insurgeait de voir perdus dans les limbes notre savoir et notre magie... A force de rechercher le pouvoir pour lui-même, nos forces ne nous poussaient qu'à nous dévorer nous mêmes. Si nous voulions survivre, il nous fallait autre chose, un but auquel asservir notre puissance. Mais je ne savais pas encore lequel.

Le bouffon ce contenta de fixer Alecto de son regard étrange, le laissant dévoiler ses pensées. Comme s'il avait lus dans ses pensées, il ce contenta de dire d'une voix calme.

-Un but. Trouvez-vous un but. Et peut-être que cette famille survivra. Mais, je vous déconseille les prises de pouvoir. cela à tendance à finir mal.

Il avait ajouté cette phrase d'une voix comique avant d'exécuter une petite révérence et d'aller rejoindre son maître qui était toujours pelotonné contre sa dragonne. Le bouffon regarda Brann et Kisara qui semblait s'être assoupi, l'un comme l'autre, dans cette position. Il veillait sur son maître, mais il gardait un oeil sur Alecto par l'intermédiaire sur plan. Après tout, il trouvera peut-être une solution. Ou pas.

Je secouais la tête devant les répliques du bouffon et répondit en gromelant.

- Dis moi plutôt quelque chose que j'ignore...

La créature ayant rejoint son maître, je restais un moment à réfléchir. Je pouvais toujours essayer de donner à Brann ce qu'il voulait, mais ça allait demander du temps, beaucoupe de recherches et peut-être une puissance que je n'avais pas. Dans tous les cas, si je voulais me faire une idée, il fallait que j'examine cette bête... enfin Kisara, de plus près. Sans doute une des patientes les plus étranges que l'on m'ait confié.

Je rejoignis Brann dans la pièce d'à côté, il semblait dormir dans les bras de sa créature, une scène étrangement paisible. J'hésitais, et lançais un regard interrogateur au bouffon, je n'avais pas vraiment envie de déranger ces deux dragons là.

Le bouffon remarqua le regard de Alecto et choisit d'intervenir. Il s'avança vers le dragon qui se mit à grogner légèrement en le voyant s'approcher, mais il n'attaqua pas. Il ouvrit légèrement ses ailes pour libérer Brann qui ouvrit légèrement les yeux pour regarder son bouffon.

-Le jeune maître doit s'écarter! Oh oui, il doit s'écarter! Pour que son oncle puisse examiner le gros lézard! Oh oui, le gros lézard veut devenir humainmainmain, mais ce n'est pas facile! Écarter le jeune maître pour examiner le lézard!

Il s'était mis à sautiller, ayant repris sa voix de bouffon. Brann soupira légèrement, même si un mince sourire s'étira sur ses lèvres. Il murmura avec douceur à Kisara de se tenir tranquille et s'écarta pour laisser Alecto travailler. Il était clair qu'il n'aimait pas voir une autre personne s'approcher de sa dragonne, mais il n'intervint pas pendant l'examen.

Je n'étais pas vraiment rassuré à l'idée de me retrouver à portée de crocs du "lézard", mais Brann semblait avoir ordonné à l'intéressée d'être sage. Je décidais de lui faire confiance sur ce point. J'examinais donc la bête d'abord sur le plan purement physique. J'étais spécialiste des humanoïdes mais j'avais disséqué assez d'animaux pour trouver que cette créature avait quelque chose de fascinant en comparaison. Je passais ensuite à une étude plus poussée en utilisant mes pouvoirs pour examiner ses muscles, ses organes et sa structure osseuse, qui n'était pas moins intéressante. Les os étaient creux, comme ceux des oiseaux, sans doute pour lui donner un poids de vol suffisamment léger. Enfin, ces considérations m'écartaient de l'objet de mon étude : donner une forme humaine à tout cela. Je terminais par un examen de la magie qui habitait éventuellement Kisara. Si elle pouvait utiliser sa propre magie d'une manière ou d'une autre, cela faciliterait probablement le processus.

Je pris à nouveau quelques distances avant d'annoncer mon diagnostique. Les choses ne s'annonçaient pas aisées. En tant médecin, je savais qu'il valait mieux être clair et honnête sur les chances du patient, d'autant plus que les gens avaient tendance à vite s'enfermer dans le déni si on ne leur disait pas clairement les choses.

- Je ne vais pas vous mentir, cela s'annonce compliqué... du moins pour moi. Étant donné mon niveau actuel, une telle transformation me demandera pas mal d'efforts et ce sera forcément temporaire. Au maximum une heure, peut-être un peu plus si elle y met de la bonne volonté. Le plus simple est de lui donner la taille et l'apparence d'une personne existante, mais ce ne sera qu'une imitation et qu'une apparence. Pour une vraie métamorphose qui viserait à créer une version humaine de ce qu'elle est vraiment... c'est un sort majeur, plutôt complexe à réaliser sur autrui, et cela sera encore plus dur à maintenir dans la durée. Tu le sais Brann, rendre un sort permanent a un prix : perte de mémoire, perte de magie ou autres... Il est difficile de le connaître à l'avance mais dans le cas présent il sera probablement conséquent.

Je n'ajoutais rien, mais il était clair pour moi que je ne ferais pas un tel sacrifice.

La dragonne était restée sage durant l'examen, observant Alecto de ses yeux reptiliens et bleus. Brann quant à lui attendit patiemment le verdict d'Alecto, triturant nerveusement ses doigts en observant sa dragonne avec peur. Il ne savait pas vraiment comment exprimer ce qu'il ressentait pour la créature, mais ce qui était sûr, c'était qu'il tenait beaucoup à elle. Ils avaient grandi et combattu ensemble. Et un lien puissant les unissait maintenant.

Puis, Alecto laissa enfin tomber son verdict. Brann serra les poings en s'approchant de sa dragonne. Cette dernière comprenait un peu la langue des humains et avait compris ce qu'essayait de dire Alecto. Elle adressa un regard triste à Brann qui la caressa doucement.

-Je payerais le prix nécessaire. Merci d'avoir essayé Alecto. Je... J'irais voir quelqu'un qui en est capable.

- Je vais continuer de faire des recherches sur le sujet, je te tiendrais au courant. Mais ce sera sûrement au lanceur du sort de payer le prix Brann... ou bien à elle... Cela se passe rarement autrement.
Je regardais la dragonne pensivement.
- Tu peux chercher un bon métamorphe, maus peut-être que tu devrais songer à trouver aussi un spécialiste des Dragons... Ils sont magiques non ? On dit que Mala Auris elle-même peut prendre forme humaine. Ce n'est que spéculation, je ne connais rien à ces créatures, mais peut-être que Kisara elle même pourrait développer à terme ce genre de capacité ?

Brann hocha légèrement la tête et lui fit signe qu'il pouvait partir. Il devait penser à la suite des choses et surtout à une façon de pouvoir rendre Kisara heureuse en accomplissant son voeu. Alors que Alecto quitta le demi-plan, Kisara poussa légèrement dans le dos de l'invocateur avec son museau et Brann caressa avec délicatesse ses écailles en murmurant.

-Ne t'inquiète pas Kisa. On trouvera une solution. Je te le promet.